Addictologie
Alcool : les analogues du GLP1 réduiraient sa consommation de deux-tiers
Le liraglutide et le sémaglutide réduisent sans effort de près de deux-tiers la consommation d’alcool en quatre mois chez les patients obèses. Ces résultats prometteurs suggèrent un rôle potentiel des analogues du GLP-1 dans la prise en charge des troubles liés à l’alcool.

- Jacob Wackerhausen/istock
L’alcoolisme cause 2,6 millions de décès par an dans le monde et près de 70 % des patients rechutent dans l’année qui suit leur sevrage malgré les prises en charge actuelles (TCC, interventions motivationnelles, médicaments). Les analogues du GLP-1, initialement développés dans l’obésité, ont démontré dans des modèles animaux une capacité à diminuer spontanément l’ingestion d’alcool.
Pour explorer cet effet chez l’homme, le Pr Carel le Roux et ses collaborateurs ont mené une étude prospective en vie réelle à Dublin. Deux cent soixante-deux adultes obèses (IMC ≥ 27 kg/m², 79 % de femmes, âge moyen 46 ans) ont débuté un traitement par liraglutide ou sémaglutide pour perte de poids. Selon leur consommation initiale, ils étaient répartis en non-buveurs (11,8 %), buveurs occasionnels (< 10 u/sem, 19,8 %) et buveurs réguliers (> 10 u/sem, 68,4 %).
Selon les résultats, présentés au congrès annuel de l’European Congress on Obesity (ECO 2025) et publiés dans Diabetes, Obesity and Metabolism, 188 patients ont été suivis en moyenne quatre mois. Aucun n’a augmenté sa consommation. La consommation moyenne est passée de 11,3 u/sem à 4,3 u/sem, soit une diminution de 62 %. Chez les buveurs réguliers, la baisse est passée de 23,2 à 7,8 u/sem (– 68 %), un effet comparable à celui du nalméfène employé dans l’alcoolodépendance. Ces résultats soulignent le potentiel des analogues du GLP-1 pour atténuer « sans effort » les envies d’alcool chez les obèses.
Une efficacité indépendante de la consommation d’alcool
L’analyse par sous-groupes montre une efficacité similaire chez les buveurs modérés et élevés, indépendamment du sexe ou de l’âge. Aucun patient n’a interrompu le traitement pour augmenter sa consommation.
La tolérance des analogues du GLP-1 reste conforme à leur profil connu dans le traitement de l’obésité (nausées, vomissements et diarrhées habituelles), sans signal nouveau lié à l’alcool. Les auteurs ne rapportent pas de complications hépatiques ou psychiatriques supplémentaires.
Une étude prospective observationnelle en vie réelle dans un seul centre
Cette étude observationnelle en vie réelle s’appuie sur une cohorte monocentrique d’une clinique de nutrition de Dublin. Les données prospectives, recueillies de janvier à décembre 2024, reposent sur l’auto-déclaration de la consommation d’alcool et l’absence de groupe contrôle qui constituent sa principale limite. Le suivi moyen de quatre mois et l’échantillon de 188 patients sous traitement rendent ces résultats préliminaires mais représentatifs des adultes obèses en pratique courante.
Cliniquement, ces observations invitent à intégrer l’évaluation de la consommation d’alcool lors de la prescription d’analogues du GLP-1 chez les patients en surpoids ou obèses, notamment en cas d’alcoolodépendance modérée. Il conviendra de tester ces molécules dans des essais randomisés contrôlés versus placebo, avec suivi prolongé, dosage biologique de l’alcoolémie et mesures objectives de craving. Les perspectives incluent l’étude des mécanismes neuronaux sous-jacents à l’effet « sans effort » sur le circuit de la récompense, ainsi que l’évaluation de stratégies combinant analogues du GLP-1 et thérapies comportementales pour réduire les rechutes à long terme.