Santé mentale
Suicide présumé d’une fillette : comment un enfant en arrive-t-il à passer à l’acte ?
En Moselle, une petite fille de 9 ans, victime de moqueries sur son poids, a récemment mis fin à ses jours, selon la thèse privilégiée dans l’enquête. À cet âge, comment vient-on à penser au suicide et à se donner la mort ? Le Dr Claire Lewandowski, psychiatre, nous éclaire.

- Par Geneviève Andrianaly
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- SB Arts Media/iStock
Un choc pour les parents, les frères et sœurs, les élèves, le corps enseignant mais également pour les habitants de Sarreguemines en Moselle. Le samedi 11 octobre, le corps sans vie d’une fillette de 9 ans, Sara, a été retrouvé par sa mère dans le domicile familial situé dans la ville. L’enfant a été découverte pendue avec un linge dans la chambre d’un de ses frères, selon des sources policières. Sur place, les secours ont tenté de ramener à la vie la petite fille, qui a laissé un mot où elle s'est excusée auprès de ses proches, mais n’y sont pas parvenus. Dans un communiqué que l’Institut Médico-légal de Strasbourg, le procureur de la République, Olivier Glady, qui était sur les lieux pour l’examen médical du corps, écarte l’intervention d'un tiers et privilégie la piste du suicide par pendaison "confirmée par le médecin légiste", selon RTL.
Suicide présumée d’une fille de 9 ans : la piste du harcèlement scolaire est à creuser
Dans le cadre de l’enquête ouverte pour déterminer les causes de la mort de Sara, ses parents ont déclaré à la police que leur fille était, à l’école Montagne Supérieure de la ville, la cible de "moqueries au sujet de sa corpulence." D’après ici Lorraine (Moselle et Pays Haut), le parquet de Sarreguemines a précisé, dans un communiqué, que ces moqueries provenaient de "deux ou trois camarades d’école de sa classe de CM2." Des faits corroborés par Louna, l'une de ses plus proches amies, qui a révélé, au micro de TF1 Info, l’existence de sept harceleurs dans l'établissement. "Ils lui disaient : 't'es grosse, t'es moche, t'es une conne'. Elle me disait tous les jours qu'elle en avait marre, qu'elle n'en pouvait plus. Je lui ai dit que ça allait s'arrêter, et ça ne s'est pas arrêté", a-t-elle ajouté. En raison de ses moqueries répétées, Sara, scolarisée en CM2, aurait déjà formulé, auprès de sa famille, l’idée d’un passage à l’acte. Pour l’heure, Olivier Glady "reste très prudent" en ce qui concerne la thèse du harcèlement scolaire. Une enquête va éclairer "les circonstances de la vie scolaire de l’enfant depuis la rentrée de septembre, ainsi que les événements susceptibles d’être intervenus dans sa vie hors du temps scolaire."
Suicide : un enfant "décide de passer à l’acte quand il ne voit aucune échappatoire"
Face à ce drame, de nombreuses questions se posent, notamment : comment, à cet âge, un enfant en arrive-t-il à penser au suicide ? Selon le Dr Claire Lewandowski, psychiatre, les pensées suicidaires apparaissent chez les enfants, comme chez les adultes, lorsqu'ils se trouvent dans un état de souffrance terrible. "À 8 ou 9 ans, la survenue de ces idées est précoce, mais peut arriver lorsque l’enfant veut soulager cette souffrance. Il décide de passer à l’acte quand il ne voit aucun échappatoire et qu’il est face à une impasse. Dans ce cas, il a déjà tout essayé, par exemple en parler à ses amis, parents, grands-parents, professeurs ou d’autres adultes, mais rien ne change. Pour l’enfant, il n’y a pas d’autres choix. La seule solution, c’est de s’ôter la vie." Dans ce type de situation, la famille, les amis et tous les adultes en contact avec l’enfant jouent un rôle important. "Malheureusement, pour trop d’adultes, les idées suicidaires chez les enfants sont encore un sujet tabou. Ils se disent qu’à cet âge, un enfant ne peut pas penser à la mort, voire même au suicide. Mais s’il y pense et en parle souvent, il convient de le prendre au sérieux. Pour l’enfant, ce n’est pas juste une idée fugace. Si la situation est banalisée par un adulte, l’enfant peut douter, se dire que c’est de sa faute et ne se confie plus sur le sujet", explique la spécialiste. Elle conseille aux adultes en contact avec des enfants ayant des pensées suicidaires de "se mettre à la hauteur" des tout-petits. "L’enfant doit se sentir écouté et protégé. Pour le protéger, il faut agir et lui donner des portes de sortie, en particulier dans une situation où il est harcelé et va perdre confiance en lui."