Psychiatrie

Suicide de la personne âgée : repérage et évaluation pratique du risque

Pourquoi et comment repérer le risque suicidaire des personnes âgées ? C'est la question à laquelle a répondu une présentation enrichissante des Journées Annuelles de la SFGG. Un sujet peu glamour mais sur lequel il est important d'améliorer les pratiques.

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  • 26 Nov 2022
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    « Un vieux, ça doit mourir un jour donc à quoi bon faire de la prévention par rapport à ce truc là ? » nous interroge un brin provocateur le docteur Jean Roche, géronto-psychiatre lors de sa présentation aux Journées Annuelles de la SFGG (Société Française de Gériatrie et Gérontologie). Ce truc là, dont il parle c'est le repérage du risque suicidaire des personnes âgées.

    Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les personnes âgées qui font le plus de tentatives de suicides par contre le taux de décès après tentative de suicide augmente très fortement avec l'âge. En clair, les personnes âgées se ratent beaucoup moins que les plus jeunes. Une forte mortalité qui s'explique par des choix de moyens létaux plus agressifs et plus « efficaces » et des conséquences plus graves du fait de fragilités sous-jacentes.

    Compte-tenu de cette forte mortalité, la prévention secondaire, forcément, n'est pas la plus utile. C'est la prévention primaire par un repérage précoce des personnes à risque qui est primordiale. Alors comment, en pratique, repérer un risque de passage à l'acte chez la personne âgée et en évaluer la gravité ? Voici quelques points clés.

    Être vigilant sur certains signes d'alerte

    Partons d'une constatation choc : dans les deux tiers des cas, les personnes âgées qui sont mortes par suicide ont vu leur médecin traitant dans le mois précédant leur acte. Et dans la majorité des cas, la personne âgée a parlé au moins une fois à quelqu'un de son entourage de ses idées suicidaires. Un repérage avant l'acte est donc bien donc possible.

    Mais comment ? Par une vigilance sur certains signes d'alerte spécifiques explique le gériatre. Dans le quotidien, cela peut se manifester par des dons d'objets ou des visites aux proches de type tour d'adieu. Sur un plan plus médical, il faut être vigilant par rapport à la majoration d'une addiction, à une baisse d'alimentation, une négligence physique, une irritabilité inhabituelle ou l'évocation d'idéations morbides. Au final un ensemble de signes qui peuvent rentrer dans le cadre d'un épisode dépressif caractérisé synthétise le docteur Roche. Enfin « quelqu'un qui devient brutalement serein ou un rangement du logement, de toutes ses affaires, c'est très suspect » souligne-t-il.

    Évaluation du risque suicidaire : le RUD, devenu DUR, aussi pour les personnes âgées

    L'évaluation du risque suicidaire chez la personne âgée peut s'effectuer comme chez le sujet jeune grâce à l'outil DUR, anciennement RUD, pour Danger Urgence Risque. Pour juger du degré d'urgence, le gériatre préconise de ne pas hésiter à poser la question « où, quand et comment envisagez-vous ce suicide ? » afin de pouvoir prendre des dispositions adaptées.

    Pour évaluer le risque, comme chez la personne jeune, il faut prendre en compte les facteurs de risque, les facteurs précipitant et ceux qui sont protecteurs. Certains sont spécifiques de la personne âgée. Parmi les facteurs de risque, le docteur Roche insiste sur la présence d'une dépression mais aussi sur d'autres troubles psychiatriques « peu connus chez la personne âgée mais loin d'être négligeables » tels que la présence d'une addiction ou d'un stress post-traumatique. L'isolement social est aussi un élément à risque majeur.

    Pour les facteurs précipitant, une rupture du parcours de vie comme l'entrée en EHPAD, le décès d'un proche ou la perte d'autonomie sont à rechercher. Les douleurs chroniques mal soulagées sont aussi de grands pourvoyeurs de suicide tout comme l'annonce récente d'une maladie grave.

    Changer de regard sur les personnes âgées pour limiter les risques

    « Le vieillissement de la population incite à améliorer la prévention pour limiter l'augmentation des décès par suicide dans les années à venir » explique le gériatre. Cela passe par une meilleure formation des professionnels de santé, notamment les médecins traitants, au repérage du risque suicidaire chez la personne âgée. Mais plus globalement, un changement de regard de la société sur la population âgée serait aussi bénéfique. Notre société qui actuellement promeut le jeunisme aggrave ainsi la sensation d'inutilité des personnes âgées, ce qui globalement majore leur risque suicidaire.    

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    JDF