Neurologie

Sclérose en plaque secondairement progressive : un inhibiteur de BTK ralentit la progression

L'essai de phase 3 HERCULES est le premier à montrer un retard dans la progression de l'invalidité dans la sclérose en plaques secondairement progressive et à suggérer une nouvelle option de traitement pour cette forme de la maladie. Une surveillance hépatique stricte est néanmoins requise.

  • Pornpak Khunatorn/istock
  • 08 Avril 2025
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    Les traitements actuels de fond de la sclérose en plaques rémittente-récidivante ciblent en grande partie l'activité des lymphocytes afin de réduire l'incidence de l'inflammation focale dans le système nerveux central (SNC), qui est la base physiopathologique de la formation de lésions détectées par imagerie par résonance magnétique (IRM) et des poussées aiguës. La sclérose en plaques secondairement progressive (SPMS) non rémittente, caractérisée par une aggravation progressive du handicap neurologique sans poussée clinique, reste dépourvue de traitement efficace à ce jour.

    Le rationnel d'utilisation du tolebrutinib, inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (BTK), repose sur son activité duale ciblant à la fois les cellules myéloïdes (microglies cérébrales et macrophages) et les lymphocytes B, impliqués dans la neuroinflammation chronique à l’origine de la progression du handicap. L'étude de phase 3 HERCULES a été présentée au congrès annuel de l’American Academy of Neurology et publiée en parallèle dans le New England journal of Medicine. Elle a été menée sur 1131 patients qui ont été randomisés en double aveugle contre placebo. Elle démontre une réduction de 31% du risque de progression confirmée du handicap à six mois (critère principal : 22,6 % sous tolebrutinib vs 30,7 % sous placebo ; HR 0,69 [IC à 95% : 0,55-0,88], p=0,003).

    Une réduction soutenue de la progression du handicap

    Les autres résultats de l’étude confortent l’efficacité du tolebrutinib sur plusieurs dimensions de la maladie. La progression confirmée du handicap à trois mois montre une réduction similaire du risque comparativement au placebo. Le taux d’amélioration confirmée du handicap à six mois est presque doublé sous tolebrutinib (8,6 % contre 4,5 % sous placebo). La marche, évaluée par le test chronométré des 25 pas, est également améliorée significativement, tandis que la dextérité des membres supérieurs (test des neuf trous) n’est pas modifiée. Par ailleurs, l'activité inflammatoire et les lésions tissulaires cérébrales évaluées par l’imagerie (IRM T2) sont significativement réduites chez les patients traités par tolebrutinib.

    Concernant la tolérance, les effets indésirables graves sont plus fréquents avec le tolebrutinib (15,0 % contre 10,4 % avec placebo), en particulier une élévation significative des enzymes hépatiques (alanine aminotransférase supérieure à 3 fois la limite haute de la normale chez 4,0 % vs 1,6 % sous placebo). Une élévation très sévère (supérieure à 20 fois la limite haute) est rare mais préoccupante (0,5 % des cas sous tolebrutinib). Un décès lié à une insuffisance hépatique a été rapporté sous traitement, imposant une surveillance hépatique intensive lors des trois premiers mois de prise du médicament.

    Un essai multicentrique randomisé international

    Ces données proviennent de l’essai international multicentrique HERCULES, randomisé en double aveugle contre placebo, conduit sur 264 sites dans 31 pays chez des patients âgés de 18 à 60 ans atteints de SPMS non rémittente et présentant une progression documentée du handicap dans les 12 derniers mois avant inclusion. La représentativité est solide en raison de la taille et de la diversité géographique de l’échantillon.

    Ces résultats, les premiers à démontrer l’efficacité d’un traitement oral ciblant spécifiquement la neuroinflammation chronique dans la SPMS non rémittente, ouvrent la voie à une modification significative des pratiques médicales. Ils incitent notamment à intégrer précocement le suivi hépatique intensif pour la gestion des risques associés au traitement. À terme, des études complémentaires seront nécessaires pour optimiser l’utilisation clinique du tolebrutinib et préciser les populations susceptibles de tirer le plus grand bénéfice du traitement.

    Dans la forme rémittente, le tolebrutinib pas supérieur au teriflunomide

    Présentés dans le même congrès de l’AAN, et également publiés dans le New England Journal of Medicine, les résultats des études GEMINI-1 et GEMINI-2 qui comparaient le tolebrutinib (60 mg/jour) au tériflunomide (14 mg/jour) dans la sclérose en plaque rémittente et récidivante : ceux-ci ne montrent pas de différence significative sur le critère principal. Après un suivi médian de 139 semaines, le taux annualisé de poussées est similaire entre les deux traitements (0,13 vs 0,12 dans GEMINI 1 et 0,11 vs 0,11 dans GEMINI 2). Toutefois, la progression confirmée du handicap à 6 mois est numériquement plus faible avec le tolebrutinib (8,3 % vs 11,3 % ; HR = 0,71 ; IC à 95 %, 0,53 à 0,95). La tolérance globale était similaire entre les groupes, mais le tolebrutinib entraînerait plus fréquemment des saignements mineurs.

     

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