Rhumatologie

Hallux rigidus : ajuster le traitement au stade de la maladie pour mieux soulager

L’hallux rigidus est une limitation progressive et douloureuse de la dorsiflexion du premier orteil d’origine arthrosique et surtout ostéophytique. Son traitement peut être amélioré par une évaluation précise de son stade évolutif

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  • 21 Mai 2024
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    L'hallux rigidus est une pathologie dégénérative qui affecte l'articulation métatarso-phalangienne (MTP) du gros orteil, entraînant une perte progressive de la mobilité, en particulier en dorsi-flexion. L'hallux rigidus se caractérise en effet par une raideur accrue de l'articulation en dorsiflexion, souvent accompagnée de douleurs et de poussées inflammatoires : la douleur est généralement aggravée par la marche qu’elle limite.

    L'hallux rigidus est fréquemment associé à une arthrose métatarsophalangienne, car il implique également une dégradation du cartilage articulaire. Cependant, l'hallux rigidus se distingue par sa localisation spécifique et sa tendance à provoquer une limitation sévère de la dorsiflexion du gros orteil, compromettant ainsi la marche et les activités quotidiennes. Si ces critères sont respectés, il n’y a pas vraiment de diagnostic différentiel, la goutte et les rhumatismes inflammatoires étant très inflammatoires et douloureux dans tous les axes.

    L'hallux rigidus est la deuxième pathologie la plus fréquente affectant la première articulation MTP, après l'hallux valgus, avec lequel il peut être associé. Il touche 25% des patients âgés de plus de 50 ans et souffrant de troubles du pied et atteint 73% dans une population souffrant d'arthrite de la cheville en phase terminale. Les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes d'avoir un hallux rigidus. L'hallux rigidus et l'hallux valgus sont deux affections distinctes qui affectent le gros orteil, mais elles peuvent parfois coexister et influencer mutuellement leur progression.

    Des facteurs de risque et causes multiples

    Les causes de l'hallux rigidus sont multiples et souvent interconnectées. La cause sous-jacente est donc le plus souvent multifactorielle : la prédisposition génétique jouant un rôle significatif, tout comme les traumatismes répétés ou les microtraumatismes subis par l'articulation. De plus, des pathologies telles que la goutte ou les maladies inflammatoires chroniques peuvent précipiter l'apparition de l'hallux rigidus.

    Jusqu'à deux tiers des patients ont des antécédents familiaux d'hallux valgus. L'atteinte bilatérale est alors plus fréquente en cas d’antécédents familiaux et le sexe féminin est principalement touché. Les anomalies anatomiques, comme une morphologie anormale du premier métatarsien (premier métatarsien long ou anormalement incliné), peuvent également contribuer au développement de cette affection.

    La plupart des cas d'hallux rigidus sont dits « idiopathiques ». Cependant, de nombreux auteurs ont noté une association avec le développement de modifications arthrosiques dues à des causes traumatiques et iatrogènes. Les traumatismes antérieurs au niveau de l'articulation du gros orteil, même ceux apparemment mineurs, peuvent accélérer la dégénérescence articulaire. Les microtraumatismes répétitifs, fréquents chez les athlètes ou les travailleurs manuels, jouent un rôle similaire. Une biomécanique incorrecte de la marche, entraînant une surcharge de l'articulation métatarso-phalangienne, est également un facteur de risque important.

    Le diagnostic est clinique et radiologique

    Le diagnostic repose principalement sur l'examen clinique, où la limitation de la mobilité en dorsiflexion et la douleur à la palpation de la face dorsale de la 1ère MTP sont des signes clés.

    Les radiographies permettent de visualiser les changements arthrosiques de la MTP, comme la diminution de l'espace articulaire et la formation d'ostéophytes à la face dorsale de la 1ère MTP.

    Un diagnostic précoce et une intervention appropriée, incluant des modifications des activités, le port de chaussures adéquates, l'utilisation d'orthèses et la physiothérapie, sont essentiels pour améliorer les résultats à long terme.

    Le chaussage est un élément important du traitement

    Dans la gestion de l'hallux rigidus, le port de chaussures adéquates joue un rôle crucial pour soulager la douleur, améliorer la mobilité et ralentir éventuellement la progression de la maladie.

    Les caractéristiques spécifiques des chaussures peuvent aider à minimiser la pression sur l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil, offrant ainsi un confort accru et une meilleure fonctionnalité. La semelle sera rigide ou semi-rigide ce qui aidera à limiter la flexion de l'articulation du gros orteil, réduisant ainsi la douleur et la pression exercée sur cette zone. Cela permet également une meilleure répartition du poids lors de la marche. Certaines chaussures sont équipées d'un cambrion ou d'une barre métallique intégrée dans la semelle. Cette structure rigide stabilise l'avant-pied et empêche une flexion excessive de l'articulation du gros orteil, aidant à prévenir la douleur. Un avant-pied spacieux avec un bout large et profond permet aux orteils de s'étendre naturellement sans être comprimés. Cela évite une pression supplémentaire sur l'articulation du gros orteil et améliore le confort général. Les chaussures à semelle courbée ou « chaussures à rocker » facilitent le déroulement du pied lors de la marche, réduisant ainsi la nécessité de flexion au niveau de l'articulation du gros orteil. Cette caractéristique aide à diminuer la douleur et améliore la démarche.

    Une bonne chaussure doit également offrir un amorti suffisant pour absorber les chocs et un support adéquat pour l'arche du pied. Cela aide à répartir uniformément la pression sur l'ensemble du pied, réduisant ainsi la charge sur l'articulation affectée.

    L'utilisation d'orthèses personnalisées insérées dans les chaussures peut offrir un soutien supplémentaire et une répartition optimale de la pression. Les orthèses peuvent être conçues pour corriger la biomécanique du pied et améliorer la fonction de l'articulation.

    Différentes techniques chirurgicales

    La chélectomie est une procédure chirurgicale visant à traiter l'hallux rigidus dans ses stades précoces à modérés (stades 1 et 2). Cette intervention consiste à enlever les excroissances osseuses (ostéophytes) et le tissu osseux endommagé autour de l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil. L'objectif principal de la chélectomie est de rétablir la mobilité articulaire, réduire la douleur et ralentir la progression de la dégénérescence articulaire. La chélectomie ne remplace pas l'articulation, mais vise à améliorer sa fonction en éliminant les obstacles mécaniques et est souvent réalisée en ambulatoire. Elle peut être combinée à d'autres procédures si nécessaire, comme une ostéotomie dorsale pour réaligner le premier métatarsien. La récupération post-opératoire inclut généralement une période de repos avec un allègement du poids sur le pied opéré, suivie d'une rééducation pour restaurer la mobilité et la force. Les résultats sont généralement positifs, avec une amélioration significative de la douleur et de la fonction articulaire chez la plupart des patients. Cependant, comme toute intervention chirurgicale, la chélectomie comporte des risques, et une évaluation soigneuse par un spécialiste est essentielle pour déterminer l'approche la plus appropriée pour chaque patient. Le risque de récidive de l'ostéophyte après une chélectomie existe, bien que cette procédure vise à apporter un soulagement durable en éliminant les excroissances osseuses responsables de la douleur et de la limitation de la mobilité. Plusieurs facteurs peuvent influencer la probabilité de récidive, notamment la gravité initiale de l'hallux rigidus, l'anatomie individuelle du patient et les activités post-opératoires.

    Les études montrent que, bien que la chélectomie soit généralement efficace pour soulager les symptômes et améliorer la fonction articulaire, environ 10 à 30 % des patients peuvent présenter une récidive des ostéophytes à 7 ans. Cette récidive peut être due à la nature dégénérative de l'hallux rigidus, qui continue à progresser malgré l'intervention chirurgicale. En outre, les patients qui reprennent rapidement des activités stressantes pour l'articulation, comme la course ou les sports à fort impact, peuvent être plus susceptibles de développer de nouvelles excroissances osseuses. Pour minimiser le risque de récidive, il est crucial de suivre un programme de rééducation approprié pour renforcer les muscles et améliorer la mobilité. L'utilisation de chaussures adaptées et d'orthèses peut également aider à réduire le stress sur l'articulation métatarso-phalangienne.

    En cas de récidive symptomatique et au stades ultérieurs (3 et 4), des options de traitement chirurgicales supplémentaires peuvent être envisagées.

    L'arthrodèse (est l’option de choix à ces stades mais le succès de l’intervention dépend beaucoup de l’expérience du chirurgien et du positionnement correct de la fusion avec 10 à 15° de flexion dorsale et 10 à 15° de valgus.

    La prothèse articulaire peut être réalisée selon différentes modalités, dépendra de l'évaluation clinique et des besoins spécifiques du patient mais est généralement réservée aux patients de plus de 70 ans et à ceux qui souhaitent conserver l'amplitude de mobilité de l'articulation ; cependant, il est important de les informer des complications qui peuvent survenir à court et à moyen terme.

    Un traitement adapté au stade de la maladie

    Le traitement de l'hallux rigidus varie en fonction de la sévérité des symptômes. Dans les cas précoces, des mesures conservatrices comme le port de chaussures adaptées, les orthèses, et la physiothérapie peuvent apporter un soulagement significatif. Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) sont souvent prescrits pour gérer la douleur et l'inflammation. Cela peut aussi inclure des in injections de corticoïdes ou la physiothérapie si nécessaire. Lorsque la maladie progresse et que les interventions conservatrices deviennent inefficaces, des options chirurgicales telles que la chélectomie, avec ou sans ostéotomie, l'arthrodèse ou l'implantation d'une prothèse articulaire peuvent être envisagées.

    On peut ainsi classer l'hallux rigidus en différents types ou stades en fonction de la gravité des symptômes et des changements radiographiques observés. Ces stades permettent d’adapter le traitement en fonction de l'évolution de la maladie.

    Stade 1 : Hallux Rigidus Fonctionnel = À ce stade précoce, il y a une limitation légère de la dorsiflexion du gros orteil, souvent observable uniquement lorsque le patient est debout ou marche. La douleur est généralement intermittente et est associée à la marche. Il y a peu ou pas de changements arthrosiques visibles à la radiographie, mais des ostéophytes dorsaux peuvent commencer à se former. Le traitement est basé sur une approche conservatrice telles que des chaussures appropriées, des orthèses, des anti-inflammatoires et de la physiothérapie.

    Stade 2 : Hallux Rigidus Modéré = La limitation de la dorsiflexion est plus marquée et les douleurs deviennent plus fréquentes, même au repos. Il peut y avoir un gonflement et une inflammation de l'articulation. En radiographie, on observe une réduction modérée de l'espace articulaire, des ostéophytes plus importants, et des signes de dégénérescence cartilagineuse. En plus des traitements conservateurs, des injections de corticoïdes peuvent être envisagées. La chélectomie peut être nécessaire pour enlever les ostéophytes et améliorer la mobilité.

    Stade 3 : Hallux Rigidus Sévère = La douleur est constante et sévère, avec une limitation significative ou totale de la dorsiflexion. Les activités quotidiennes sont fortement affectées. La radiographie objective une réduction sévère de l'espace articulaire, des ostéophytes volumineux, une sclérose sous-chondrale et la possible formation de kystes. Les options chirurgicales deviennent plus pertinentes, y compris l'arthrodèse ou la prothèse articulaire. La chélectomie peut encore être envisagée si l'arthrose est limitée aux ostéophytes.

    Stade 4 : Hallux Rigidus Très Sévère = La raideur est extrême, avec une ankylose presque complète (fusion naturelle) de l'articulation. La douleur est persistante et invalidante. La radiographie objective une ankylose de l'articulation avec disparition quasi complète de l'espace articulaire, des ostéophytes massifs, et une déformation articulaire importante. L'arthrodèse est souvent le traitement de choix pour éliminer la douleur et stabiliser l'articulation. Les prothèses articulaires peuvent être envisagées pour certains patients, bien que moins courantes à ce stade.

    La classification en différents stades aide les cliniciens à choisir la meilleure approche thérapeutique et à fournir un pronostic plus précis aux patients. Une évaluation régulière et un suivi approprié sont essentiels pour gérer efficacement cette maladie.

     

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