Hématologie

Lymphome B diffus à grandes cellules primitif du SNC : une autogreffe de cellules souches pour les sujets âgés ?

Le pronostic des patients âgés atteints de lymphome B diffus à grandes cellules primitif du système nerveux central (LBDGC-SNC) est défavorable en raison de comorbidités préexistantes, de dysfonctions neurocognitives propres à la localisation du lymphome et d’une susceptibilité accrue aux complications. En conséquence, et face à la nécessité d’améliorer le devenir de ces patients, les auteurs de l’étude MARTA ont évalué une stratégie intensive comprenant une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques en première ligne chez des sujets âgés atteints de LBDGC-SNC.

  • Md Babul Hosen/istock
  • 27 Fév 2024
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    Le lymphome B diffus à grandes cellules primitif du système nerveux central (LBDGC-SNC) est un sous-type rare (0,47/100000 personnes-années) chez les patients immunocompétents ; et qui représente 4-6 % des lymphomes extra-nodaux et 2% des tumeurs primitives du SNC 1. L'âge médian au diagnostic est d'environ 65 ans, avec une incidence croissante chez les patients plus âgés. La charge tumorale de la maladie, généralement élevée, engendre une détérioration rapide de l’état clinique et un décès sans traitement en urgence.

    Les patients les plus âgés, sous-représentés dans les essais cliniques, ont un pronostic défavorable en raison de comorbidités, de dysfonctions neurocognitives influençant les approches de traitement individualisées et d’un risque accru de complications liées au traitement. Peu d'études ont évalué des stratégies intensives chez ces patients alors que les traitements conventionnels permettent d’obtenir une médiane de survie sans-progression d’environ 16 mois et des taux de survie globale de 47% à 2 ans 2.

    Face à la nécessité de développer de nouveaux traitements dans ce contexte, les auteurs de l’étude MARTA ont évalué la réalisation d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (AutoCSH) en première ligne, conditionnée par une chimiothérapie à haute-dose, chez des patients âgés atteints de LBDGC-SNC 3.

    Une cohorte de patients âgés et fragiles

    Entre Novembre 2017 et Septembre 2020, 57 patients ont été inclus dans cette étude et 54 patients ont débuté le traitement d'induction et ont donc été inclus dans la population de sécurité. Trois patients ont été exclus en raison d'une manifestation lymphomateuse hors du SNC (n=2) et de l'absence de lésion évaluable (n=1), l’analyse finale comprenait donc 51 patients. Le traitement d'induction consistait en 2 cycles de 21 jours de méthotrexate à haute-dose (3,5 g/m2 à J1), de cytarabine (2 g/m2/12h à J2-J3) et de rituximab (375 mg/m2 à J0 et J4).

    La cytaphérèse de cellules souches était réalisée après le premier cycle et les patients sans-progression notable recevaient une AutoCSH de consolidation conditionnée par rituximab (375 mg/m2 à J-8), busulfan (3,2 mg/kg à J-7 et J-6) et thiotepa (5 mg/kg à J-5 et J-4). L'âge médian était de 71 ans (65-80), avec 35% (n=18) de patients âgés de ≥75 ans et une majorité de patients de sexe féminin (53%, n=27). Cinquante-trois pourcents des patients (n=27) présentaient initialement un PS ECOG ≥2 (dont 3 patients de grade ≥3 en lien avec la symptomatologie du lymphome). La quasi-totalité des patients (98%) avaient reçu une préphase de corticostéroïdes à la dose médiane de 156 mg (IQR 104-240) de dexaméthasone.

    Un bénéfice de survie sans-progression après AutoCSH

    Quatre-vingt-six pourcents des patients (n=44) avaient reçu les 2 cycles d'induction prévus avec un délai médian jusqu’à l’AutoCSH de 59,5 jours (IQR 54,0–65,0). Aucune réduction relative de dose (≥25%) ne fut nécessaire lors du C1 tandis que 4 patients ont necessaité une réduction de dose au C2 en raison d'une insuffisance rénale. Soixante-et-onze pourcents des patients (n=36) ont reçu l’AutoCSH.

    A 30 jours de l’AutoCSH, 64% des patients (n=23) présentaient une réponse complète à l’IRM et 33% (n=12) une réponse partielle. Avec un suivi médian de 23,0 mois (IQR 16,8–37,4), 45% des patients (n=23) ont progressé, rechuté ou sont décédés. La survie sans-progression à 12 mois du début du traitement d'induction était de 58,8% (95%CI, 44,1–70,9). La survie médiane sans-progression était de 41,1 mois (95%CI, 6,7–NA) après l’AutoCSH et de 3,12 mois (95%CI, 0,92–4,67) pour les 15 patients n’ayant pas recu l’AutoCSH. Ainsi, parmi les 36 patients ayant reçu l’AutoCSH, l'incidence cumulative de rechute était de 2,8% à 3 mois, 8,3% à 6 mois et 12 mois, et de 12,4% à 36 mois.

    Une toxicité significative … chez une population vulnérable.

    Les événements indésirables de grade ≥3 les plus fréquents lors du traitement d’induction étaient les thrombopénies et les leucopénies (96% pour chaque évènement, n=52), tandis que la leucopénie était l’évènement indésirable principal lors de l’AutoCSH (100% des patients).

    Neuf pourcents des patients (n=5) ont présenté un événement indésirable grave entraînant le décès lors du traitement d’induction (2 infections, 2 accidents vasculaires cérébraux et 1 hématome sous-dural) et 5% (n=2) lors du traitement de consolidation (1 pneumopathie et 1 arythmie cardiaque). Six pourcents des patients (n=3) présentaient un événement indésirable grave entraînant le décès lié au traitement (2 septicémies, 1 pneumopathie et 1 arythmie cardiaque vraisemblablement liée à une septicémie débutante) tandis que 4 autres patients étaient décédés en raison de comorbidités. Au total, l'incidence cumulative décès due à d'autres causes que le LBDGC-SNC était de 8,3% à 3 mois et 6 mois, et de 13,9% à 12 mois et 36 mois.

    Conclusion

    Les résultats de cette étude suggèrent que la réalisation d’une courte induction, suivie d’une consolidation par AutoCSH en première ligne de traitement des patients âgés atteints de LBDGC-SNC est faisable, et permettrait d’améliorer les résultats d’efficacité préalablement observés dans cette population fragile et comorbide. Cette stratégie de traitement pourrait prochainement faire office de bras de référence pour les essais comparatifs futurs.

     

    Références

    1. Villano JL, Koshy M, Shaikh H, Dolecek TA, McCarthy BJ. Age, gender, and racial differences in incidence and survival in primary CNS lymphoma. Br J Cancer 2011;105:1414-8.
    2. Fritsch K, Kasenda B, Schorb E, et al. High-dose methotrexate-based immuno-chemotherapy for elderly primary CNS lymphoma patients (PRIMAIN study). Leukemia 2017;31:846-52.
    3. Schorb E, Isbell LK, Kerkhoff A, et al. High-dose chemotherapy and autologous haematopoietic stem-cell transplantation in older, fit patients with primary diffuse large B-cell CNS lymphoma (MARTA): a single-arm, phase 2 trial. Lancet Haematol 2024.

     

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