Pneumologie

Chylothorax, ce mal connu

Le chylothorax est une pathologie rare et encore insuffisamment explorée. Une étude multicentrique et internationale s’est penchée  sur ses méthodes diagnostiques, ses étiologies et sa prise ne charge. La recherche du lymphome, le régime alimentaire et le risque infectieux sont les points clés qui ressortent de ce travail. D’après un entretien avec Gilles MANGIAPAN.

  • 19 Oct 2023
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    Une étude, dont les résultats sont parus en septembre 2023 dans l’ERJ Open Research, a fait le point sur le chylothorax, mal connu et peu étudié. Il s’agit d’une étude multicentrique internationale Europe, Chili, Canda et Afrique du Sud), au cours de laquelle les auteurs ont étudiés tous es cas de chylothorax survenus dans 9 centres différents, sur 12 ans. Au total, 77 patients ont été retenus. Les auteurs ont posé une série de questions sur l’étiologie, du chylothorax, ses caractéristiques biochimiques, ses moyens diagnostiques et ses facteurs pronostiques. Ils ont ensuite mené une réflexion sur la façon d’améliorer la prise en charge de de ce syndrome.

     

    Un élan de la pleurologie en Europe

    Le docteur Gilles MANGIAPAN, pneumologue au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, rappelle que le chylothorax est une pathologie rare mais correspond davantage à un syndrome qu’à une maladie. Les étiologies sont variées et son implication en terme de dénutrition souvent sous-estimée. Il rappelle que les séries dans lesquelles il a été étudié sont assez faibles et  qu’un travail sur une grande série multicentrique sur la pathologie pleurale est intéressant. Les syndromes pleuraux sont restés le parent pauvre depuis que l’on traite plus efficacement la tuberculose,  et la pneumologie était tombée en désuétude. Pour Gilles MANGIAPAN, ce travail collaboratif multicentrique et international  est très important car il s’inscrit dans le nouvel élan de la pleurologie, qui apparait depuis une décennie.

     

    Traquer le lymphome messager

    Gilles MANGIAPAN explique que le chylothorax est dû à une rupture ou un reflux à partir du canal thoracique, qui se jette normalement dans la veine sous-clavière gauche. En cas de rupture du canal thoracique, le chyle, riche en triglycérides, protéines et cellules va se trouver dans la plèvre, ce qui entraîne, entre autre une dénutrition. Les étiologies sont variables mais les résultats de ce travail ont montré que dans près de 70% des cas, l’origine était un cancer, principalement un lymphome, par compression ganglionnaire. Viennent ensuite les traumatismes (notamment post-chirurgicaux) puis les formes idiopathiques, dans 6% des cas. Pour Gilles MANGIAPN, il est donc primordial de traquer le lymphome pour lequel le chylothorax peut soit être révélateur soit être une complication. Il souligne également qu’il existe une importance errance diagnostique puisque l’intervalle entre le premier symptôme et le diagnostic peut aller jusqu’à 1300 jours pour les chylothorax idiopathiques (de 1 à 63 jours pour les autres). Les moyens diagnostiques passent par la biologie qui montre un taux de triglycérides dans le liquide pleural supérieur à 110 mg/ml, qui dépend du régime alimentaire (la ponction ou le geste chirurgical peuvent être réalisés après un repas gras). L’électrophorèse des lipoprotéines retrouve également des chylomicrons dans le liquide pleural, ce qui est pathognomonique du chylothorax. Gilles MANGIAPN relève qu’au cours de cette étude, aucun patient n’a bénéficié de ce test. Il rappelle également que l’examen de référence est la lymphographie puisqu’il s’agit d’une anomalie du canal thoracique mais que celle-ci n’est quasiment plus réalisée, du fait de sa complexité, au profit de la lympho-IRM, qui grâce à une séquence particulière, identifie tous les réseaux lymphatiques chargé en graisse. Toutefois, peu de centres l’effectuent alors qu’il est important de se donner les moyens d’avoir une exploration exhaustive, surtout dans le cas de chylothorax idiopathiques, souvent liés à des malformations génétiques, à l’origine d’ectasies lymphatiques, que l’on aggrave à chaque ponction pleurale.

     

    Le rôle clé du régime dans la prise en charge

    Gilles MANGIAPAN s’intéresse également à la prise ne charge du chylothorax en soulignant l’importance de la prise en charge par un diététicien pour la mise en place du régime alimentaire. En effet, le débit de la fuite dépend de l’alimentation : plus celle-ci est grasse, plus le débit est élevé. Il est donc nécessaire d’observer un régime pauvre en graisses tout en restant vigilant sur le risque de dénutrition et le déficit en vitamines liposolubles (ADEK) et le déficit protéique. Des huiles  à triglycérides à chaînes moyennes peuvent être proposées aux patients, car ces graisses passent directement dans le sang. Dans cette série, un tiers seulement des patients a bénéficié du régime et deux tiers ont eu au moins deux procédures d’abord pleural. Au total, 54% des patient sont décédés et la survie globale à un an est de 53%, ce qui est sévère mais indissociable de l’évolution des cancers. Gilles MANGIAPAN a relevé un autres aspect inhabituel représenté par le taux élevé d’infections pleurales (18%) et d’infections générales, expliquées par la dénutrition. Il n’y a, en fait, aucune protection liée à la présence de la lymphe. Les complications les plus fréquentes sont également les thromboses veineuses profondes et les troubles hydroélectrolytiques, augmentées chez les patients jeunes, notamment porteurs de drains thoraciques. Plus de guérisons ont été observées lorsque le taux de LDH pleural était bas et le taux de protéines pleural élevé.

     

    En conclusion,  cette étude a la force de s’intéresser à la pleurologie et notamment au chylothorax, qui n’est pas considéré comme une maladie orpheline malgré sa rareté. Une enquête diagnostique exhaustive est nécessaire et il ne faut jamais hésiter à prendre l’avis des centres experts. Le régime adapté doit être plus largement prescrit, en  ne sous-estimant pas les risque infectieux et de dénutrition. Une prise en charge multidisciplinaires est indispensable.

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    JDF