Gastro-entérologie
Maladie de Crohn : biothérapie précoce contre les complications
L'administration précoce d’un anti-TNF dans le cours évolutif d’une maladie de Crohn serait associée à une réduction de la consommation des soins et des coûts de prise en charge. C’est moins évident dans la rectocolite hémorragique.
- MARHARYTA MARKO/istock
Les maladies inflammatoires du colon et de l’intestin (MICI), et en particulier la maladie de Crohn, sont compliquées de séquelles fibreuses invalidantes, liées à l’inflammation chronique. La disponibilité de plusieurs biothérapies a permis de mettre en œuvre ces traitements efficaces sur l’inflammation, plus tôt dans le cours évolutif de la maladie, avec des résultats cliniques très intéressants dans au moins un cas sur 2. Mais le timing de leur initiation reste sujet à discussion, notamment en raison du coût de ces biothérapies.
Selon les données administratives de santé au Canada (Manitoba), l'utilisation d'un anti-TNF dans les 2 ans après le diagnostic de maladie de Crohn serait associée à une réduction de la consommation de soins (consultations externes et hospitalisations) au cours des 5 années suivantes. Ce bénéfice pourrait aussi concerner le recours à la chirurgie.
Cet avantage ne serait par contre pas observé dans le cas de la rectocolite hémorragique. Ce sont les résultats d’une étude de cohorte canadienne, publiés dans Clinical Gastroenterology and Hepatology.
Réduction de la consommation des soins
Dans le groupe maladie de Crohn (n = 742), les taux ajustés de consultations externes sont de 14,8 par an chez les malades qui ont commencé les anti-TNF dans les 2 ans après le diagnostic, contre 19,1 par an pour ceux qui ont commencé plus tard, soit une différence de taux d'incidence de -4,3 (IC à 95 % -5,4 à -3,2).
Pour les hospitalisations, toujours dans le groupe maladie de Crohn, les taux ajustés pour 100 années-patients dans les groupes de traitement précoce et tardif, sont respectivement de : 4,0 vs 8,6 (IRD -4,5 pour 100 personnes-années, IC à 95% -7,0 à -2,1) pour les hospitalisations spécifiques aux MICI ; 23,1 vs 33,5 (IRD -10,4 pour 100 personnes-années, IC à 95% -17,0 à -3,7) pour les hospitalisations toutes causes confondues.
Selon cette étude, le coût total moyen des soins (au Canada) dans les cinq ans serait également plus faible en cas d'utilisation précoce des anti-TNF, soit 23 469 dollars contre 34 800 dollars en cas d'utilisation tardive (p<0,0001). Ces données ne sont pas significatives dans la rectocolite hémorragique (n = 318) pour les hospitalisations et le recours à la chirurgie.
Éviter les séquelles de l’inflammation chronique
La mise en route précoce d'une biothérapie réduirait l’impact de l'inflammation sur la paroi intestinale, ce qui peut contribuer à diminuer le risque de complications fibreuses et la nécessité d'interventions chirurgicales. L’impact de la réduction de l’inflammation systémique par les biothérapies n’est pas spécifiquement pris en compte dans cette étude.
Pourtant, le délai optimal de mise en route du traitement anti-TNF n'est toujours pas clairement évident : dans le groupe maladie de Crohn, le recours à une chirurgie de résection n’est en effet pas différent entre les malades ayant commencé tôt ou ceux qui ont commencé tard le traitement anti-TNF, sauf dans une analyse post-hoc, excluant la première année de traitement anti-TNF, où il y aurait un bénéfice potentiel pour le groupe traitement précoce (IRD -3,6 pour 100 personnes-années IC 95 % -5,3 à -1,9).
Une étude sur des données de santé canadiennes
Les chercheurs ont utilisé les données de santé de l’état du Manitoba, au Canada, pour identifier toutes les personnes ayant reçu un nouveau diagnostic de MICI entre 2001 et 2018, et qui ont reçu ensuite un traitement anti-TNF avec au moins un an de suivi après le début du traitement anti-TNF.
Ils ont mesuré les taux d'hospitalisation, de chirurgie et de consultations externes, avant et jusqu'à 5 ans après l'initiation de l’anti-TNF et ont comparé les taux de consommation de soins entre les malades recevant des anti-TNF dans les 2 ans suivant le diagnostic de MICI et ceux recevant des anti-TNF plus de 2 ans après le diagnostic. Les chercheurs ont utilisé des analyses de pondération par probabilité inverse pour ajuster les différences de risque entre les deux groupes.
Les biothérapies constituent un progrès majeur pour réduire l’inflammation au cours des MICI. Même si elles ne permettent pas à elles seules de guérir les malades, diverses associations thérapeutiques, y compris avec les greffes fécales ou l’apport sélectif de bactéries anti-inflammatoires, permettent de l’envisager. Dans ce contexte, la mise en route précoce d’une biothérapie active contre l’inflammation digestive et la prévention de ses séquelles fibreuses est un enjeu majeur, en particulier dans la maladie de Crohn.











