Neurologie
Mémoire : dormir pour mieux apprendre
Une étude française menée sur des étudiants démontre que dormir entre deux sessions d’apprentissage permet de réapprendre mieux le matin, le cerveau consolidant les acquis durant le sommeil.
- eldarnurkovic/epictura
Apprendre sa poésie le soir avant de se coucher est un conseil que les parents donnent souvent à leurs enfants, le soir étant considéré comme le moment le plus propice pour mieux mémoriser. Et ce "modus operandi" est devenu une stratégie pour beaucoup d’étudiants.
Mais est-il réellement efficace ? Une équipe lyonnaise apporte des éléments de réponse : dans une étude publiée dans la revue Psychological Science, ils démontrent toute l’importance de dormir entre deux révisions.
Dormir pour apprendre le swahili
Ces travaux ont été menés au laboratoire d’Étude des Mécanismes Cognitifs de l’Université Lyon 2 par l'équipe de la chercheuse Stéphanie Mazza. Ces scientifiques sont partis du postulat que le sommeil améliorait les performances mnésiques et ils ont voulu savoir si ce sommeil faisait aussi économiser du temps quand on voulait réapprendre quelque chose. Pour cela, ils ont sélectionné 60 jeunes entre 18-25 ans, majoritairement étudiants.
Durant des sessions d’apprentissage, ils ont demandé aux participants de retenir 16 mots d’une langue africaine : le swahili. Le premier groupe a eu la matinée pour les apprendre, puis a été réinterrogé 12 heures plus tard, c’est-à-dire le soir. Les volontaires du second groupe les ont appris une première fois le soir, ont dormi 12 heures, puis ont été questionnés le matin.
"Travailler moins pour gagner plus"
Et les résultats sont sans appel. Les sujets ayant dormi repartent avec un capital plus important quand ils réapprennent le matin. Plus intéressant encore, dans ce groupe, les volontaires ont eu besoin de la moitié du temps nécessaire aux autres pour réapprendre les mots qu’ils n’avaient pas réussi à mémoriser. « Et la différence est significative », selon Stéphanie Mazza qui résume ces conclusions avec la formule suivante : « fournir moins d’efforts pour être plus performant, ou travailler moins pour gagner plus ».
Stéphanie Mazza se réjouit aussi que ces résultats ont été confirmés une semaine plus tard : le groupe qui avait dormi se souvenait de tous les mots. Cela sans entraînement. « Ils avaient quinze mots sur les seize, alors que ceux qui n’avaient pas mis à profit le sommeil pour mémoriser n’en avaient que 10 », précise-t-elle. Des conclusions qui s'expliquent par la biologie du cerveau qui travaille encore pendant le sommeil. « Avec des neurones qui se réactivent », précise-t-elle.

Les seniors perdent ce bénéfice
Cette "méthode" s'applique-telle à d'autres tranches d'âge ? L'équipe de Lyon compte prolonger ces travaux pour y répondre. Mais les premières données semblent indiquer que, chez les seniors, cela ne marche plus. La chercheuse l’explique par le fait que le sommeil de nos aînés est différent.
« Après 60 ans, confirme Stéphanie Mazza, le sommeil est nettement moins profond. Or c’est pendant le sommeil profond que l’on consolide ce que l’on a appris », rappelle-t-elle.
D’autres données préliminaires indiqueraient, en revanche, que la formule est gagnante chez les enfants. Stéphanie Mazza cherche d’ailleurs à recruter une cohorte suffisante de bambins pour le démontrer.
(1) Etude financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et soutenue par le Labex Cortex de l’Université de Lyon











