Rhumatologie

Polyarthrite : évaluer le risque cardio-vasculaire avant le tofacitinib

Les données de de l’étude post-commercialisation du tofacitinib, ORAL Surveillance, éclairent sur les risques cardiovasculaires associés au tofacitinib, un inhibiteur global des JAK, utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde et le rhumatisme psoriasique.

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  • 29 Novembre 2021
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    Les malades prenant du tofacitinib, un inhibiteur des JAK 1, 2 et 3 pour traiter leur polyarthrite rhumatoïde (PR), et ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire, auraient un risque plus élevé d’évènements cardiovasculaires de type MACE que les personnes prenant un anti-TNF.

    Le risque cardiovasculaire associé au tofacitinib serait plus élevé chez les fumeurs, les consommateurs d'aspirine, les personnes âgées de 65 ans et plus ainsi que les hommes (par rapport aux femmes). Ce sont les résultats de l'étude post-commercialisation ORAL Surveillance, présentés lors du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR 2021, Abstract 0958).

    Un essai après commercialisation

    L'essai, réclamé par la FDA après la mise à disposition du tofacitinib auprès des médecins, a comparé deux doses différentes de tofacitinib, 5 mg (1 455 patients) et 10 mg (n = 1 456), deux fois par jour, et un anti-TNF (n = 1 451) chez des personnes âgées de plus de 50 ans souffrant d’une PR modérée à sévère.

    Les caractéristiques des patients sont similaires dans les trois bras de traitement. Tous les patients avaient une réponse inadéquate au méthotrexate, et environ 57% des patients des trois groupes de traitement prenaient des corticoïdes. Les patients traités par 10 mg de tofacitinib sont passés à la dose de 5 mg en février 2019 à la suite d’une recommandation AMM, mais représentent le groupe 10 mg dans l'analyse présentée.

    Majoration du risque de MACE

    L’étude ORAL Surveillance objective un risque de MACE majoré de 24% chez les patients traités par le tofacitinib 5 mg et un risque augmenté de 43% dans le groupe 10 mg, par rapport aux patients qui ont reçu un anti-TNF.

    Le facteur qui tire le MACE vers la différence est l’infarctus du myocarde. Alors que le risque d'infarctus fatal est similaire dans les trois groupes de traitement, le risque d'infarctus non fatal est plus que doublé dans les groupes tofacitinib : rapports de risque de 2,32 et 2,08, respectivement. L'incidence des accidents vasculaires cérébraux serait similaire dans les trois groupes.

    Des facteurs de risque cardiovasculaires

    L'étude a identifié un certain nombre de caractéristiques des malades à l’inclusion comme étant des facteurs de risque indépendants de MACE. Le tabagisme et la prise d'aspirine font plus que doubler le risque (HR, 2,18 ; p < 0,0001 et HR, 2,11 ; p = 0,004, respectivement), tandis que l'âge de plus de 65 ans et le sexe masculin approchent ce niveau (HR, 1,81 ; P = 0,0011 et HR, 1,81 ; P = 0,0015).

    Les autres facteurs qui augmentent dans une moindre mesure le risque de MACE sont les antécédents de diabète, d'hypertension artérielle ou d’un geste sur les artères coronaires, et un rapport cholestérol total/HDL supérieur à 4.

    Une analyse parmi d’autre

    Il s'agit de l'une des nombreuses analyses présentées à l'ACR 2021 qui comparaient les risques d'événements indésirables sous tofacitinib par rapport aux anti-TNF. Une étude sur registre confirme ces données. Deux autres analyses de ORAL Surveillance donnent également plus de détails sur les facteurs de risque associé aux augmentations du risque de cancers et d'événements thromboemboliques veineux observés chez les patients sous tofacitinib.

    L'âge plus élevé (65 ans et plus versus 50-64 ans) et le tabagisme actuel ou passé (versus n’avoir jamais fumé) sont des facteurs de risque indépendants d’augmentation du risque de de cancers. L’augmentation du risque d’embolie pulmonaire est associée à des antécédents de maladie thromboembolique veineuse, à la prise d’un contraceptif oral ou d'un traitement hormonal substitutif, à un indice de masse corporelle à l’inclusion d'au moins 30, à un âge de 65 ans ou plus et à des antécédents d'hypertension artérielle.

    Évaluer le risque cardiovasculaire

    Ces nouvelles données soulignent l'importance d’évaluer le risque cardiovasculaire individuel de chaque patient avant la prescription de tofacitinib et de discuter de la modification des facteurs de risque et des traitements de prévention primaire comme, comme les statines, chez certains patients.

    Elles apportent un éclairage sur les décisions récentes de la FDA qui a imposé un avertissement clair sur les boites de tofacitinib (« black box ») sur le risque éventuel d'infarctus du myocarde ou d'accident vasculaire cérébral, de cancer, de maladie thromboembolique veineuse et de décès, ainsi que des indications actualisées en 3ème ligne après échec d’un anti-TNF pour le tofacitinib et les autres inhibiteurs de JAK, ce qui n’est pas clairement le cas en France.

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