Rhumatologie
Canal carpien idiopathique : intérêt limité à long terme des infiltrations de corticoïdes
Dans le syndrome du canal carpien idiopathique, les infiltrations intra-canalaires de corticoïdes sont efficaces à court terme et retardent la chirurgie, mais elles ne réduisent pas beaucoup les indications de chirurgie de libération du nerf médian à 5 ans.
- Victor_69 / istock.
Les infiltrations intra-canalaires de corticoïdes sont l'un des traitements utilisés chez les patients souffrant d’un syndrome du canal carpien idiopathique. Leur efficacité a été démontrée versus placebo à 8 semaines dans une revue systématique de la littérature et dans une étude randomisée avec suivi à court terme.
Bien que le mécanisme d'action exact des infiltrations pour traiter le syndrome du canal carpien idiopathique soit inconnu, leur efficacité à court terme est établie pour réduire les principaux symptômes, mais c'est beaucoup moins démontré à long terme.
Moins bon résultat à 5 ans de suivi
Le suivi à 5 ans d'un essai clinique randomisé révèle qu’une infiltration intra-canalaire de corticoïde entraîne une modeste réduction du taux de traitement chirurgical chez les personnes souffrant d’un syndrome du canal carpien, mais pas de différences significatives dans les symptômes à 5 ans.
L'étude est publiée dans le JAMA Network Open. Toutes les procédures chirurgicales ont été menées alors que les participants et les investigateurs étaient en aveugle quant au type d'injection reçue.
Faible différence des taux de chirurgie
Les participants du groupe recevant 80 mg de méthylprednisolone (équivalent à 100 mg d’acétate de prednisolone) sont un peu moins susceptibles d’avoir une chirurgie de libération du canal carpien dans les 5 ans que ceux du groupe placebo.
Dans l’année qui suit l’infiltration, un traitement chirurgical sur la main étudiée a été réalisé chez 31 participants (83,8%) du groupe méthylprednisolone 80 mg, 34 participants (91,9%) du groupe méthylprednisolone 40 mg et 36 participants (97,3%) du groupe placebo.
Lors du suivi entre 1 an et 5 ans, le nombre de participants qui ont eu un traitement chirurgical est de 4 (10,8%) dans le groupe méthylprednisolone 80 mg, 4 (10,8%) dans le groupe méthylprednisolone 40 mg et 2 (5,4%) dans le groupe placebo.
Parmi les participants ayant reçu un traitement chirurgical, aucune complication liée à la chirurgie n'a été observée.
Pas de différences symptomatiques entre les groupes
Chez 111 adultes randomisés de manière égale pour une injection intra-canalaire de 80 mg de méthylprednisolone, 40 mg de méthylprednisolone ou un placebo, le suivi à 5 ans n’objective aucune différence dans l'amélioration du score de gravité des symptômes entre les 3 groupes.
Comparé au placebo, le changement moyen du score de gravité des symptômes entre le début de l'étude et 5 ans pour le groupe 80 mg de méthylprednisolone est de 0,14 (IC à 95%, -0,17 à 0,45) ou le groupe 40 mg de qui est de 0,12 (IC à 95%, -0,19 à 0,43).
90% des patients opérés à 5 ans
Ce suivi prolongé d'un essai clinique randomisé en double aveugle contre placebo évaluant l'efficacité des infiltrations intra-canalaires de corticoïdes chez les malades souffrant de syndrome du canal carpien idiopathique montre que 90% des participants ont fini par avoir une intervention chirurgicale à un moment ou à un autre des 5 ans suivant l’infiltration.
L'amélioration du score des symptômes, qui, 10 semaines après l’infiltration, était significativement plus importante dans les groupes méthylprednisolone que dans le groupe placebo, est similaire dans les 3 groupes lors de ce suivi de 5 ans, avec des différences inférieures à la différence minimale cliniquement significative.
Cependant, le traitement chirurgical est un peu moins probable chez les participants qui avaient reçu 80 mg de méthylprednisolone que chez ceux qui avaient reçu le placebo. De plus, le délai entre l’infiltration et le traitement chirurgical est significativement plus long après l'injection de méthylprednisolone par rapport au groupe placebo (mais d'environ 2 mois). A noter que ce type de dose de corticoïde très élevée n’est pas utilisé en France.
En pratique
Le syndrome du canal carpien idiopathique n’est pas celui que l’on peut voir dans les maladies inflammatoires systémiques comme la polyarthrite rhumatoïde et il est clair que l’intérêt à long terme des infiltrations y est moindre.
Deux différences majeures existent entre cette étude et les pratiques françaises. D’une part, les doses de corticoïde utilisées en France sont beaucoup plus faibles (25 mg d’acétate de prednisolone en général, soit 20 mg de méthylprednisolone). D’autre part, les malades sont sélectionnés pour la chirurgie d’emblée en cas de retentissement EMG, avec notamment une baisse des vitesses de conduction et des amplitudes des potentiels sensitifs et moteurs.
Adaptés à la culture française, ces résultats suggèrent que dans le traitement des patients atteints de syndrome du canal carpien idiopathique sans atteinte neurologique importante, une stratégie de traitement initial par une infiltration intra-canalaire de corticoïde est légitime mais que le recours au traitement chirurgical est rapidement nécessaire en cas d'amélioration insuffisante des symptômes ou de récidive.











