Rhumatologie
Douleur : le tramadol associé à plus d’effets indésirables graves que la codéine
Une vaste étude rétrospective de cohorte conclut à un risque accru de décès, d’événements cardiovasculaires et de fractures chez les patients nouvellement traités par du tramadol par rapport à ceux nouvellement traités par la codéine.
- ilip_Krstic/istock
Les antalgiques de palier II sont aujourd’hui prescrits de façon beaucoup plus large dans les douleurs non cancéreuses et en France, la consommation de tramadol a connu une forte croissance depuis le retrait de l'association dextropropoxyphène/paracétamol en 2011.
A l’occasion de la Journée Mondiale de la Douleur, il est intéressant de revenir sur les antalgiques de palier 2 et ce n’est pas très rassurant.
Une prescription déjà limité en durée
Au-delà des éventuels problèmes de mésusage qui, en janvier 2020, ont conduit les autorités à en limiter la durée de prescription à 3 mois, la survenue d’effets indésirables est à prendre en compte lors des prescriptions. Les effets secondaires bénins du tramadol sont bien connus (maux de tête, prurit, nausées), moins les effets indésirables sévères, qui ont fait l’objet d’une analyse précise dans une vaste étude rétrospective de cohorte menée en Espagne, dont les résultats sont publiés dans le JAMA.
Et même s’ils sont possiblement sujets à des biais, les résultats interpellent : les nouvelles prescriptions de tramadol sont associées à un risque plus élevé de décès de toute cause, d’événements cardiovasculaires et de fractures dans l’année qui suit que les nouvelles prescriptions de codéine.
Près de 370 000 délivrances d’opioïdes faibles analysées
Ce travail, réalisé à partir de la base de données Sidiap, qui couvre quelque 80% de la population de Catalogne, a permis de répertorier plus d’un million de nouvelles prescriptions de tramadol ou de codéine entre 2007 et 2017.
Après élimination des doubles prescriptions et application d’un score de propension, l’analyse comparative a porté sur un total de 368 960 patients, majoritairement des femmes (57,3%), âgées en moyenne de 53 ans.
Une mortalité plus que doublée
Comparativement à la codéine, les prescriptions de tramadol seraient associées à un risque accru de mortalité globale (incidence de 13 vs 5,61/1000 patients- années, OR 2,31, IC 95 % 2,08-2,56), d’événements cardiovasculaires (10,03 vs 8,67/1000 patients-années, OR 1,15, IC 95 % 1,05-1,27) et de fractures (12,26 vs 8,13/1000 patients-années, OR 1,50, IC 95 % 1,37-1,65). Il n’y a pas de différence significative quant au risque de chutes, de délire, de constipation, de mésusage/dépendance ou des troubles du sommeil.
Comme l’indiquent les auteurs de ce travail, le choix de la codéine comme traitement comparateur est logique compte tenu de la similarité du spectre d’indications des deux types d’antalgiques, tous deux de palier 2.
Seules les nouvelles dispensations de médicaments ont été analysées ; pour être inclus, les patients ne devaient pas avoir reçu un opioïdes faible lors des 12 mois précédents. Ont aussi été exclus de l’étude les patients victimes de brûlures, d’accidents de la route et ceux ayant subi une chirurgie majeure telle qu’une amputation ou la mise en place d’une prothèse articulaire.
Des indications comparables
Les indications du traitement antalgique sont comparables dans les deux bras de l’étude : douleurs de dos (tramadol 47,5% vs codéine 48,5%), douleurs cervicales ou de l’épaule (28,6% vs 29,5%) et arthrose (15,3% vs 15,5%). La prévalence de cancers est respectivement de 3,2 et 3,3%.
Les analyses en sous-groupe montrent que l’augmentation du risque de décès avec le tramadol est plus marquée chez les patients les plus jeunes (OR 3,14 vs 2,39) et que le sur-risque d’événement cardiovasculaire est plus important chez les femmes que chez les hommes (OR 1,32 vs 1,03). Le risque de fracture est, de son côté, plus élevé chez les personnes ayant le plus de comorbidités.
Malgré l’application d’un score de propension, des biais sont toujours possibles, et doivent conduire à interpréter ces résultats avec prudence, notent les auteurs. Mais ces résultats donnent à réfléchir.











