Rhumatologie

Syndrome de la charnière dorsolombaire : une douleur rachidienne très atypique

Les douleurs de la charnière dorso-lombaire sont des douleurs projetées, pseudo-digestives, pseudo-testiculaire ou pseudo-sciatiques, souvent difficiles à diagnostiquer s’il n’y a aucune douleur rachidienne ou aucun antécédent rachidien douloureux.

  • D'après R. Maigne
  • 30 Août 2021
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    Décrit pour la première fois par le Dr Robert Maigne à la fin des années 1980, le « syndrome de Maigne », ou syndrome de la charnière dorsolombaire, est une maladie chronique vertébrale, cause de douleurs le plus souvent à distance du rachis. Il se manifeste, en effet, par des douleurs dans le bas du dos/haut de la fesse, à l’aine, à la hanche, ou encore comme une pseudo-sciatique.

    Ce syndrome peut être difficile à diagnostiquer si le patient n’a aucune douleur rachidienne et aucun antécédent rachidien douloureux. Cette douleur peut concerner à tout le monde, mais les personnes de plus de 50 ans sont plus susceptibles d’en souffrir.

    Irritation des branches postérieures T12 ou L1

    Le syndrome de la charnière dorsolombaire est la conséquence d’une irritation des branches postérieures ou antérieures des racines de la charnière dorso-lombaire, une zone de transition entre la fin du thorax et la colonne lombaire. Des particularités anatomiques expliquent ce syndrome : les racines T12 et L1 ont des branches postérieures qui contournent étroitement les articulations articulaires postérieures. Ce syndrome est donc essentiellement secondaire à l’irritation des nerfs émergeant le plus souvent au niveau des vertèbres T12 et L1. Elles peuvent également concerner la vertèbre T11, mais beaucoup moins souvent.

    Les contraintes mécaniques sont liées au fait que les articulations articulaires postérieures de T12-L1 et L1-L2, ont une orientation frontale qui favorise la rotation or, au niveau lombaire, ces facettes ont une orientation sagittale qui contrarie cette rotation. La sollicitation répétée des facettes articulaires par compression ou impaction finit à long terme par perturber le fonctionnement de ces structures et provoquer des douleurs à distance, ou « douleurs projetées », trompeuses : c’est ce que certains auteurs ont conceptualisé sous le terme de « dérangement intervertébral mineur » (ou DIM).

    Dans d’autres cas, la maladie sera la résultante d’une véritable arthrose articulaire postérieure ou encore, d’une pathologie discale foraminale ou d’une fracture vertébrale.

    Pas toujours facile à évoquer

    Le diagnostic de syndrome de la charnière dorsolombaire, évoqué devant des douleurs qui sont rarement localisées au niveau de la charnière dorsolombaire mais plus souvent par des douleurs à distance (« douleurs projetées »), lombaires basses, fessières hautes, inguinales, testiculaires ou pseudociatiques, quotidiennes, plus ou moins vives.

    Les douleurs, le plus souvent lombaires basses ou fessières hautes, peuvent se propager le long des fesses, des jambes, comme une sciatique, mais ne descendent jamais dans le pied.

    Le syndrome de la charnière dorsolombaire peut simuler une pathologie digestive avec des douleurs de l’hypogastre. Il peut exister une douleur de l’aine ou une douleur de la hanche sur la face externe de la cuisse. Il est également possible d’observer des douleurs testiculaires lors des rapports sexuels et motivant une consultation d’urologie.

    La symptomatologie douloureuse peut être favorisée par une recrudescence de l’activité professionnelle ou physique, une affection intercurrente, sources de décompensation d’un dérangement intervertébral mineur jusque-là muet.

    Un diagnostic délicat

    Le syndrome de Maigne est donc un tableau douloureux unilatéral ou bilatéral, en lien avec une souffrance des racines nerveuses sensitives rachidiennes T12 et L1. Ces racines T12 et L1 assurent la sensibilité de la région fessière et de la crête iliaque (en arrière), de la région inguinale, pubienne, de la face interne de cuisse et des organes génitaux externes (en avant), et de la partie externe de la hanche (latéralement). L’existence d’une irritation partielle ou complète de ces branches nerveuses peut engendrer des douleurs dans une partie ou dans l’ensemble de ces territoires. L’atteinte de la branche antérieure déclenche une gêne ou une véritable douleur, le plus souvent unilatérale, de topographie iliaque.

    Le diagnostic est plus facilement évoqué s’il existe des douleurs rachidiennes ou des antécédents de douleurs rachidiennes. La confirmation est plus complexe avec la recherche de contractures ou de douleurs au niveau d’une articulation articulaire postérieure dans la gouttière paravertébrale chez le malade couché à plat ventre.

    Compte tenu des éléments anatomiques, l’expression clinique peut être une lombalgie basse de crête, une fausse douleur de hanche, une pubalgie ou une douleur pseudoviscérale et les diagnostics différentiels sont plutôt envisagés en premier.

    Le syndrome cellulo-téno-periosto-myalgique

    L’examen clinique précis, pour rechercher le dérangement intervertébral, repose essentiellement sur le « syndrome cellulo-téno-periosto-myalgique métamérique » décrit par Maigne. Il existe à l’examen cutané des zones douloureuses des douleurs myofasciales, de type « cellulo-myalgies », réveillées par la technique du « palper-rouler ». On observe parfois une rougeur locale de la peau qui serait liée à une réaction des nocicepteurs cutanés. Il peut également exister des douleurs musculaires sur le même dermatome.

    Le palper-rouler détecte une « cellulalgie » de façon unilatérale, iliaque ou fessière le plus souvent et, lorsque les racines antérieures sont concernées, une cellulalgie inguinale ou pubienne. Cette manœuvre se réalise en faisant une palpation directe avec des frictions glissées, verticales, de part et d’autre des épineuses, sur la ligne virtuelle en regard des articulations articulaires postérieures.

    La manœuvre de pression latérale et contrariée sur les épineuses de la charnière dorso-lombaire sur un patient à plat ventre, décontracté, donne également des renseignements intéressants. L’examen clinique se poursuit par la recherche d’un cordon myalgique dans le myotome, d’infiltration cellulalgique dans le dermatome et de sensibilité téno-périostée dans le sclérotome.

    Ainsi, on retrouve habituellement un point de crête situé entre 8 et 10 cm de la ligne médiane, qui rappelle au patient la douleur ressentie : elle correspond à la perforante du rameau postérieur irrité de la branche T12 ou L1. Les douleurs inguinales et les pubalgies peuvent être en rapport avec des branches antérieures et les douleurs de hanche en rapport avec des rameaux perforants latéraux.

    La preuve de cette souffrance de la zone T12-L1 consiste en une infiltration de type « bloc-test » ou une manipulation qui soulage instantanément le patient. La réalisation d’un « bloc test » (à la xylocaïne et sous contrôle radio) des rameaux nerveux permet, par la disparition immédiate de la douleur, de confirmer le diagnostic étiologique.

    La radiographie, indispensable, est le plus souvent normale, mais peut montrer une discopathie lombaire basse, qui paradoxalement induit en erreur le diagnostic, ou une arthrose articulaire postérieure T12-L1 ou une déformation vertébrale en cas de fracture.

    Infiltration radio-guidée

    Le traitement repose sur la réalisation d’une manipulation ostéopathique décrite par Maigne en rotation ou sur la mise en œuvre d’une infiltration radio ou scanno-guidée des articulaires postérieures de la charnière thoraco-lombaire, laquelle peut être réalisée en première ou en deuxième intention, après échec de la prise en charge ostéopathique.

    Le traitement manipulatif de la jonction dorso-lombaire s’effectue généralement en rotation, en privilégiant le mouvement le moins douloureux. Secondairement, un traitement local des zones de cellulalgie peut être utile, associé à une rééducation dorso-lombo- abdominale, une correction des gestes sportifs avec prévention des technopathies.

    Lorsque la douleur récidive, il est possible de proposer une thermo-coagulation sur 2 ou 3 niveaux pour obtenir un résultat durable dans le temps.

     

    Randhawa S et al. Maigne Syndrome - A potentially treatable yet underdiagnosed cause of low back pain: A review. J Back Musculoskelet Rehabil. 2021 Jun 15. doi: 10.3233/BMR-200297. Online ahead of print.

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