Infectiologie

Antibiotiques : stabilisation des prescriptions et des résistances

Les règles de bon usage de l'antibiothérapie semblent porter leur fruits : la stabilisation des prescriptions et des résistances est à prorté de main en France. Par contre, les effets indésirables semblent fréquents et sous-notifiés.

  • GILE MICHEL/SIPA
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  • 18 Novembre 2015
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    L’utilisation massive et répétée des antibiotiques a généré au fil du temps une augmentation des résistances bactériennes. « Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont responsables de 25 000 morts par an en Europe. Ce n’est pas une menace anecdotique », s’indignait en 2014 Jean-Paul Stahl, infectiologue au CHU de Grenoble, interrogé dans Pourquoidocteur.

    A l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques du mercredi 18 novembre 2015, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) rappelent la nécessité de mieux utiliser les antibiotiques disponibles actuellement, seule attitude à même d’en préserver l’efficacité. Ce que semble démontrer un bilan des données de consommation et de résistance aux antibiotiques en France sur une période de dix ans (2004-2014).

    Un ralentissement ou une stabilisation des prescriptions

    Premier constat, après 3 années de hausse consécutive, la consommation d’antibiotiques en ville a légèrement diminué en 2014. Pour expliquer cette baisse, l'ANSM évoque dans un communiqué de presse « le lien avec une faible incidence des pathologies hivernales ». Toutefois, avec une consommation supérieure de 7 % à celle observée en 2004 (1), l’évolution de la consommation au cours de ces dix dernières années s’inscrit toujours dans une tendance globale à la hausse. Elle est qualifiée de « préoccupante » par l'Agence qui cite notamment les pénicillines à large spectre.

    La bonne nouvelle concerne les établissements de santé où la consommation est restée stable entre 2013 et 2014. Un usage plus important des carbapénèmes, antibiotiques dits « de dernier recours », a toutefois été observé en 2014 comparativement à 2013. Le recours à l’association amoxicilline-acide clavulanique continue de progresser, « ce qui constitue un sujet de préoccupation car cet antibiotique est particulièrement générateur de résistances », s'inquiète l'ANSM. Ainsi, dans les prochaines années, les conséquences de l’antibiorésistance pourraient être désastreuses en particulier pour les patients opérés ou traités par chimiothérapie, ont alerté récemment des spécialistes dans une étude parue dans The Lancet : Infectious Disease. Une menace dont la France n'est pas à l'abri visiblement.

    Vigilance pour les entérobactéries

    Si l'on considère les germes, les données restent encourageantes pour le pneumocoque en ville ainsi que pour le staphylocoque doré en secteur hospitalier, avec une diminution quasi-constante des résistances depuis plus de 10 ans.
    Une vigilance renforcée est cependant « toujours nécessaire » pour les entérobactéries. Cette famille réunit un grand nombre de bactéries présentes principalement dans le tube digestif, notamment Escherichia coli (E. coli), responsable d’infections urinaires, les plus fréquentes des infections rencontrées en ville comme à l’hôpital.
    « Chez ces bactéries, l’augmentation des souches productrices de BLSE (bêta-lactamases à spectre étendu) et l’émergence des entérobactéries productrices de carbapénémases, sont particulièrement préoccupantes », déplore l'ANSM.

    Des effets indésirables fréquents

    Enfin, pour la première fois, une analyse spécifique des cas d’effets indésirables notifiés a été effectuée dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV) (2). En 2014, près de 5 700 cas de patients présentant près de 8 000 effets indésirables liés aux antibiotiques ont été enregistrés (3). Mais, l'ANSM révèle que le nombre d’effets indésirables observés dans la base représente une estimation basse du nombre total d’effets indésirables liés aux antibiotiques, « notamment en raison d’une sous-notification par les professionnels de santé ». Ceci est préoccupant car, sur l’ensemble des cas recensés, 60,5 % étaient graves.
    Les effets indésirables les plus notifiés sont des atteintes cutanées ou hématologiques, des troubles généraux, des anomalies au site d’administration et des affections gastro-intestinales.
    Les pénicillines et autres bêta-lactamines représentaient près de la moitié des effets indésirables déclarés.

    Le problème de l'antibiothérapie semble donc s'améliorer en France, mais des efforts restent à faire.

     

    (1) 29,0 DDJ (dose définie journalière) pour 1000 habitants par jour en 2014 contre 30,1 DDJ/1000 habitants/jour en 2013

    (2) Les données présentées dans cette étude sont issues du secteur hospitalier et de ville

    (3) Plusieurs effets indésirables différents et/ou antibiotiques pouvant être rattachés à un cas

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