Infectiologie
Covid-19 : un inhibiteur de JAK démontre un intérêt chez les malades hospitalisés
Chez les malades Covid+ hospitalisées, la réplication virale s’associe à une réaction immunitaire progressivement croissante en cas de non-contrôle de cette réplication. Une stratégie d’association d’un inhibiteur de JAK, le baricitinib, à un antiviral, le remdésivir, est validée.
- Georgiy Datsenko/istock
Chez des adultes hospitalisés pour Covid-19, une stratégie de traitement associant le baricitinib, un inhibiteur de la Janus kinase 1 et 2 (JAK1-2), et le remdésivir, un antiviral, réduit modestement le temps de récupération et améliore de 30% les chances d’amélioration clinique à J15.
Les résultats de l'étude ACCT-2, un essai contrôlé versus placebo, randomisé et en double aveugle, validant l’intérêt du baricitinib versus placebo, chez des malades Covid+ sous remdésivir, sont publiés dans le New England Journal of Medicine.
Certaines publications montrent bien que le baricitinib induirait un blocage de la Protéine kinase 1 associée à l'AP2 (AAK1 - intra-cellulaire) qui est indispensable à l'endocytose de la membrane cellulaire lors de la pénétration du SARS-CoV-2 dans la cellules pulmonaire. Ce blocage gênerait l'infection des cellules respiratoires par le coronavirus.
Amélioration clinique des malades non intubés
Dans l'ensemble, le temps de récupération est significativement plus court dans le groupe association que dans le groupe témoin. La différence est modeste (médiane, 7 jours contre 8 jours ; rapport des taux de récupération, 1,16 ; IC à 95%, 1,01 à 1,32 ; p=0,03), mais il s’agit d’une période charnière.
Le groupe association a également 30% de chances en plus d'améliorer son état clinique au 15e jour par rapport au groupe témoin (RR, 1,3 ; IC à 95 %, 1,0 à 1,6). Il y a une tendance à une meilleure survie dans le groupe association, même si l’étude n’était pas planifiée pour évaluer ce critère.
L'incidence des événements indésirables graves est plus faible dans le groupe association que dans le groupe témoin (16,0% contre 21,0% ; différence, -5,0 points de pourcentage ; IC à 95 %, -9,8 à -0,3).
Etude randomisée de stratégie
Lors de l’inclusion, 1033 patients ont été randomisés, soit dans le groupe remdésivir et baricitinib (groupe association, 515 patients) soit dans le groupe remdésivir et placebo (groupe témoin, 518 patients). Ils ont également été stratifiés selon le score de sévérité usuel (4, 5, 6 ou 7). Le critère principal est le temps de guérison. Le principal critère secondaire est l'état clinique au jour 15.
Le remdésivir a été administré par voie intraveineuse à une dose de 200 mg à J1, suivie de 100 mg par jour. Le baricitinib a été administré par voie orale à une dose de 4 mg par jour, ou de 2 mg par jour si la fonction rénale était réduite.
Colle à l’histoire naturelle des formes graves
La stratégie a été choisie pour correspondre aux attentes thérapeutiques des malades Covid+ hospitalisés.
L'évolution de la Covid-19 est caractérisée par un stade initial avec des symptômes légers des voies respiratoires supérieures, au cours duquel la charge virale du SARS-CoV-2 est progressivement croissante au fur et à mesure de la colonisation des cellules de l’arbre respiratoire à partir du nasopharynx. Si tout se passe bien, la réplication virale est contrôlée par le système immunitaire et diminue après avoir atteint un pic. Chez 20 % des malades symptomatiques, la réplication virale n’est pas contrôlée par le système immunitaire et s’étend aux alvéoles aboutissant à une pneumonie bilatérale dyspnéisante avec réduction de la saturation en oxygène et nécessité d’un apport en oxygène.
Ce deuxième stade se caractérise par une réponse immunitaire progressivement croissante pour lutter contre le virus, avec aggravation des lésions pulmonaires et insuffisance respiratoire pouvant nécessiter une ventilation mécanique invasive. Vers le 10ème jour si la réplication virale n’est toujours pas contrôlée, un dysfonctionnement du système immunitaire peut se produire avec une dérégulation du système immunitaire inné, un syndrome hyper-inflammatoire et une défaillance multisystémique potentiellement mortelle.
Une stratégie logique
À ce jour, l'antiviral remdésivir, même si la pertinence son effet clinique est discutée, est utilisé pour limiter la réplication virale au stade précoce de l’hospitalisation. Les anti-inflammatoires, tocilizumab et dexaméthasone, sont considérés comme des options pertinentes de traitement de la pneumonie Covid-19 en cas d’emballement de la réponse immunitaire. Les stratégies d’association antiviral-antiinflammatoire intéressent les infectiologues devant la crainte d’une immunosuppression qui pourrait être à l’origine d’une éventuelle flambée infectieuse avec sepsis car le tocilizumab et la dexaméthasone sont aussi des immunosupresseurs.
Dans les études randomisées, l'efficacité du remdésivir semble plus élevée chez les patients dont le score de sévérité est modéré (4 = ne recevant pas d'oxygène ou 5 = recevant de l'oxygène à faible débit). L'efficacité du tocilizumab semble la plus intéressante chez les patients qui ont un syndrome inflammatoire très élevé. Alors que pour la dexaméthasone, l'incidence des décès est plus faible chez les malades recevant une ventilation mécanique invasive (score de 7) (29,3% contre 41,4% ; rapport de taux, 0,64 ; IC à 95%, 0,51 à 0,81) et, dans une moindre mesure, parmi ceux recevant uniquement de l'oxygène (23,3% contre 26,2% ; rapport de taux, 0,82 ; IC à 95%, 0,72 à 0,94).
Cette belle étude randomisée ACCT-2 valide donc l’intérêt du baracitinib, ainsi que le concept d’association antiviral et immunosupresseur, mais ces résultats sont loin d’être spectaculaires. En tout cas, ils apparaissent de magnitude moins élevée que ceux obtenus dans l’étude RECOVERY avec la dexaméthasone seule. Une étude sud-africaine a considéré que leur utilisation séquentielle, le remdésivir chez les malades hospitalisés non ventilés et la dexaméthasone chez les malades hospitalisés ventilés, était coût-efficace. Dans un éditorial associé à la publication, des experts posent la question de la comparaison à une association remdésivir dexaméthasone chez les malades hospitalisés non ventilés.











