Onco-digestif

Cancer colorectal métastatique : quelle maintenance avec les anticorps anti-EGFR ?

La maintenance optimale en cas d'utilisation des anticorps anti-EGFR en 1ère ligne n'est pas bien codifiée. Une nouvelle étude de phase 2 a comparé une maintenance par anticorps anti-EGRR seul à une pause thérapeutique.

  • Istock/Mohammed Haneefa Nizamudeen
  • 22 Mars 2021
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    La stratégie de maintenance a été développée en 1ère ligne métastatique des cancers colorectaux en raison de la toxicité neurologique cumulative de l’oxaliplatine. Cette stratégie, avec l’utilisation de l’oxaliplatine selon un schéma « stop and go » a démontré son intérêt en permettant de maintenir le bénéfice de survie et en réduisant la toxicité neurologique.

    En 1ère ligne thérapeutique avec le bevacizumab, plusieurs études de phase 3 ont évalué l’intérêt d’une maintenance. Une maintenance combinant fluoropyrimidine plus bevacizumab apparait supérieure à une pause thérapeutique complète ou au bevacizumab seul et est actuellement le standard reconnu. L’étude de phase 3 randomisée française BEVAMAINT compare actuellement une maintenance par fluoropyrimidine seule vs la combinaison fluoropyrimidine plus bevacizumab. Les résultats de cette étude sont très attendus car, jusqu’à présent, aucune étude n’a évalué un bras avec fluoropyrimidine seule.

    En cas d’utilisation d’un anticorps anti-EGFR en 1ère ligne, la question de la maintenance a été évaluée dans plusieurs études de phase 2. Dans l’étude COIN-B, une maintenance par cetuximab seul était supérieure à une pause thérapeutique complète. L’étude MACBETH a évalué après une 1ère ligne à base de FOLFOXIRI plus cetuximab une maintenance par cetuximab ou bevacizumab. Les résultats de survie sans progression chez les patients ayant atteint la maintenance étaient en faveur de la poursuite de l’anticorps anti-EGFR (HR=0,73 ; IC 95% : 0,46-1,17). Enfin, deux études MACRO2 et VALENTINO, ont comparé une maintenance par fluoropyrimidine (+/- oxaliplatine) plus anticorps anti-EGFR versus un anticorps anti-EGFR seul. Dans ces deux études, la poursuite de la fluoropyrimidine en combinaison avec l’anticorps anti-EGFR était associée à une SSP plus longue qu’avec un anticorps anti-EGFR seul.  

    Etude TIME - PRODIGE 28

    L’étude TIME PRODIGE 28 est une étude de phase 2 randomisée ayant comparé une maintenance par cetuximab à une pause thérapeutique chez les patients avec un cancer colorectal métastatique RAS non muté et traités par une 1ère ligne de chimiothérapie de type FOLFIRI Cetuximab.

    Les patients avec une maladie contrôlée après 4 mois, 8 cycles de FOLFIRI cetuximab, étaient randomisés entre la poursuite du cetuximab (500 mg/m²/14 jours) ou une pause thérapeutique, ratio 1 :1. A progression, une reprise du FOLFIRI cetuximab était planifiée dans les deux bras. Le critère de jugement principal était le taux de SSP à 6 mois après le début de la maintenance.

    214 patients ont été inclus et 139 randomisés entre le bras cetuximab (C, n=67) et le bras pause (P, n=72). Les caractéristiques des patients à l’inclusion étaient comparables entre les deux bras : cancer du côlon G 78%, métastases synchrones 75%, traitement adjuvant antérieur 19%, ACE ≥ 200 µg/l 40% ; Plaquettes ≥ 400 G/l 22% ; réponse partielle 72% et stabilité 28% après 8 cycles de FOLFIRI cetuximab.

    Après une médiane de suivi de 30 mois, les taux de SSP à 6 mois après le début de la maintenance étaient de 34,3% dans le bras C et de 6,9% dans le bras P. Les SSP médianes étaient de 5,3 [IC 95% : 3,7-6,5] mois dans le bras C et de 2,0 [IC 95% : 1,8-2,8] mois dans le bras P. Les taux d’effets secondaires de grade 3-4 étaient : diarrhée 6%, hypomagnésémie 5%, fatigue 3% et rash 2%.

    En conclusion, cette étude de phase 2 est négative pour son objectif principal (H0/H1 40%/55%). Ces données confirment celles de l’étude COIN et la poursuite d’une maintenance par anticorps anti-EGFR seul est supérieure en terme de SSP par rapport à une pause thérapeutique.  

    Quelle maintenance optimale avec les anti-EGFR ?

    A la différence du maintien du bevacizumab en maintenance et de la poursuite d’une inhibition anti-angiogénique continue dans le temps et au fur et à mesure des lignes, plusieurs arguments théoriques plaident pour une stratégie de stop and go avec les anticorps anti-EGFR.

    Les anticorps anti-EGFR sont associés à une toxicité cutanée en partie cumulative. La folliculite est désormais mieux prévenue par l’utilisation de cycline. Elle prédomine durant les 1ères semaines de traitement et s’amende ensuite mais la xérose cutanée avec les crevasses induites par celle-ci et son impact potentiel sur la qualité de vie est présente chez 100% des patients à 6 mois. L’arrêt transitoire des anticorps anti-EGFR pourrait ainsi améliorée la qualité de vie des patients.

    Chez les patients avec un cancer colorectal métastatique RAS/BRAF non muté, la survenue d’une progression sous anticorps anti-EGFR est associée à des mécanismes de résistance dont la sélection de clones mutés RAS. Ce phénomène a été très bien décrit via les analyses de l’ADN tumoral circulant chez les patients traités. L’arrêt transitoire de l’anticorps anti-EGFR permettrait ainsi de s’affranchir de la pression thérapeutique amenant à la sélection de clones résistants et de conserver une efficacité thérapeutique de l’anticorps anti-EGFR lors de sa réintroduction à progression.

    Deux études de phase évaluent actuellement l’intérêt d’une stratégie de maintenance sans anticorps anti-EGFR. L’étude de phase 2 randomisée Allemande PANAMA compare après 6 cycles de FOLFOX panitumumab une maintenance par fluoropyrimidine seule vs fluoropyrimidine plus panitumumab. L’étude de phase 2 Française OPTIPRIME évalue une maintenance par fluoropyrimidine après 6 cycles de FOLFOX panitumumab en induction. Dans ces deux études, une réintroduction du FOLFOX panitumumab est prévue à progression. Un monitorage de l’ADNtc est réalisé dans OPTIPRIME et permettra d’évaluer la dynamique de l’apparition des mutations de résistance. Il est à noter qu’une telle stratégie de « stop and go » avec les anticorps anti-EGFR n’empêchera pas leur utilisation en rechallenge.

    Conclusion 

    Sur la base des données actuelles, la meilleure stratégie de maintenance avec les anticorps anti-EGFR repose sur une combinaison de fluoropyrimidine et anticorps anti-EGFR. Les études PANAMA et OPTIPRIME actuellement en cours devraient permettre de mieux déterminer l’intérêt d’une stratégie de « stop and go » avec arrêt des anticorps anti-EGFR

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