Infectiologie

Vaccin anti-Covid : les vaccins à ARNm donnent de brillants résultats à court terme

Alors que 2 vaccins à ARN messages donnent des résultats inespérés après seulement un an d’épidémie et de développement, la vieille industrie du vaccin rame. L’ère de la vaccination a incontestablement changé si ces résultats se confirment sur le long terme.

  • ovop58/istock
  • 05 Janvier 2021
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    Le vaccin à adénovirus AstraZeneca-Oxford a publié ses résultats mais est englué dans une discussion gênante autour des biais méthodologiques de son protocole et une incertitude sur les doses réellement efficaces. Les autres vaccins à vecteur viral n’ont toujours pas publié leurs résultats dans des revues scientifiques garantissant pourtant une relecture de qualité. Le vaccin protéique Sanofi refait ses études en raison d’un problème de dose…

    A l’heure où tous les vaccins de l’ancienne génération ont donc des problèmes d’efficacité, de protocole ou n’ont pas fini leurs études, un 2ème vaccin à ARN messager, encapsulé dans une nanoparticule lipidique (vaccin ARNm-LNP), publie ses résultats dans le New England Journal of Medicine. C’est celui de Moderna et ses résultats semblent aussi bons que celui de Pfizer-BioNTech

    Un essai sur plus de 30 000 volontaires

    Dans l'essai COVE (Coronavirus Efficacy) de Moderna, 30 420 volontaires ont été tirés au sort pour recevoir, soit le vaccin ARNm-1273, soit un placebo (15 210 dans chaque groupe). A 2 mois de suivi médian, une infection Covid-19 symptomatique a été confirmée chez 185 participants du groupe placebo et 11 du groupe ARNm-1273, soit une efficacité vaccinale de 94,1% (IC 95 %, 89,3 à 96,8).

    Pour les participants âgés de 18 à moins de 65 ans, l'efficacité serait de 95,6%, et pour ceux âgés de 65 ans ou plus (près de 25% des volontaires soit 3763 personnes dans le groupe vacciné), l'efficacité serait de 86,4%. Un nombre modéré mais significatif de malades comorbides sont dans les 2 groupes et l’IMC moyen est à plus de 29.

    Le vaccin Moderna et le vaccin Pfizer-BioNTech commencent tous deux à protéger les personnes vaccinées environ 10 jours seulement après la première dose (50% environ), avec une protection maximale après la deuxième dose (94,1% et 95% respectivement, un peu moins après 65 ans).

    Bonne tolérance

    Sur un suivi médian de 2 mois seulement, le profil de sécurité du vaccin ARNm-1273 ne révèle aucun problème particulier, en dehors de quelques réactions allergiques. La fréquence des effets indésirables modérés et des effets indésirables graves pendant les 28 jours après l'injection est similaire entre les 2 groupes, vaccin et placebo.

    Les effets indésirables locaux au point d'injection se produisent par contre plus fréquemment avec le vaccin qu'avec le placebo, survenant chez 88,6% des personnes vaccinées après la deuxième dose.

    Points à clarifier

    Suite aux études sur les épidémies avec les autres coronavirus (SRAS et de MERS), les chercheurs s’inquiétaient de la possibilité d’une aggravation de la maladie par le vaccin anti-Covid-19, un phénomène appelé « vaccine-associated enhanced disease » (VAED). Dans l'essai COVE, une forme grave de la Covid-19 s'est développée chez 30 participants après la vaccination, mais uniquement dans le groupe placebo.

    Ainsi, le vaccin ARNm-1273 fournirait une protection à 100% contre les formes graves de la Covid-19, et sans aucune preuve de survenue d’une VAED sur au moins 15 000 patients vaccinés. Dans les études précliniques sur le SRAS et le MERS, la VAED s'est produite en cas de faibles taux d’anticorps neutralisants. Il sera donc important de continuer à surveiller la sécurité de ces vaccins après l’AMM, y compris le risque de VAED.

    Un recul encore faible

    Cette étude a une durée courte (2 mois en moyenne) et il faudra vérifier la bonne tolérance au long cours de ce vaccin d’un nouveau genre, mais dont la plupart des effets indésirables chez l’animal (où les vaccins à ARNm sont utilisés depuis plusieurs années) se produisent en aigu.

    Le doute subsiste quant à la capacité des vaccins anti-Covid-19 à contrer la pandémie de SARS-CoV-2. Tout d'abord, en raison de la durée de la réponse immunitaire protectrice contre le SARS-CoV-2 qui n’est pas connue. Une étude de suivi de l'essai de phase 1 sur l'ARNm-1273 a montré la persistance des anticorps neutralisants au moins 3 mois après la deuxième dose de vaccin. Deuxièmement, l'essai n'était pas formaté pour déterminer si le vaccin ARNm-1273 pouvait protéger contre une infection asymptomatique à SARS-CoV-2 et le portage du virus dans le pharynx, avec un risque de contagiosité, une question essentielle pour contrôler une pandémie. Des études destinées à répondre à cette question sont en cours.

    Un nouveau monde

    Le fait que les 2 vaccins à ARNm contre la Covid-19 protègent des personnes de tous âge contre les formes graves de la Covid-19 avec une efficacité vaccinale élevée et quasi identique et que les deux vaccins ont été développés et validés en moins d'un an représentent un triomphe scientifique.

    Cela n’a pu se produire que parce que la communauté scientifique était préparée par des années de développement technologique pour d'autres vaccins, dont ceux du SRAS et du MERS, parce que les chercheurs chinois ont fourni très tôt le séquençage génétique complet du SARS-CoV-2 et parce qu’une collaboration scientifique très active a rapidement débouché sur de vastes essais validant l'efficacité des vaccins anti-Covid-19.

    Ces vaccins à ARNm-LNP, dont l’effet protecteur est assurée par les anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2, avec un renforcement de la réponse par les lymphocytes T CD8, ont de plus le potentiel d’être adaptés très vite en cas de mutation significative du SARS-Cov-2, ce qui rassure quant à leur aptitude à contrôler l’épidémie. La technologie des ARNm a le potentiel de changer radicalement la conception des vaccins pour les futures épidémies virales, comme pour certains cancers.

    Un regret

    C’est un poncif de répéter que dans la patrie de Pasteur, il est désespérant de constater que près de la moitié des français sont réticents à se faire vacciner alors que c’est le seul moyen de sortir du confinement et de la crise pandémique. Il y a un vrai problème de société dans notre pays avec un rejet des élites en général et de la science en particulier.

    Autre témoignage de notre déclassement : les 2 vaccins à ARN messagers ont été créés par des chercheurs européens mais c’est aux Etats-Unis qu’ils ont été finalement développés. On savait que la recherche allait mal en France et en Europe, c’est désormais confirmé. Il n’y a pas que les industries qu’il faut rapatrier.

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