Hématologie
Covid-19 : hyperactivité des plaquettes dans les formes sévères de la maladie
L’infection à SARS-CoV-2 est associée à une forte expression génique dans les plaquettes et à une augmentation de leur activité. L'hyperréactivité plaquettaire pourrait contribuer à la pathophysiologie de la Covid-19, reste à savoir si c'est lié à une infection des mégacaryocytes ou à une infection des cellules endothéliales.
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La physiopathologie très particulière des formes sévères et du syndrome de détresse respiratoire aiguë de la Covid-19 intrigue de nombreux cliniciens. Non seulement, l’alvéolite ne semble pas le facteur majeur de décompensation respiratoire : les microthrombi et l’endothélite des artérioles du poumon seraient prédominants chez nombre de malades, avec un effet shunt secondaire qui modifie le type de réanimation.
De plus, le fameux « orage cytokinique », qui revient comme une incantation, n’en serait pas vraiment un dans la mesure ou les taux de cytokines proinflammatoires, et notamment d’IL-6, que l’on observe au cours de la Covid-19, seraient très inférieurs à ceux observé au cours d’un syndrome de relargage cytokinique.
Une hyperactivité des plaquettes
Selon une équipe de recherche de Salt Lake City, la Covid-19 serait par contre associée à un très net état d’hypercoagulation sanguine, proche de ce que l’on voit au cours d’une coagulation intra-vasculaire disséminée, sauf que la thrombose prédomine sur les hémorragies. Cet état d’hypercoagulation pourrait être à l’origine de la majorité des problèmes cardiovasculaires et de défaillance d'organe chez certains patients, en particulier chez ceux qui souffrent de problèmes sous-jacents tels qu’un diabète, une obésité ou une hypertension artérielle.
Les chercheurs pensent que le SARS-CoV-2 lui-même, ou les protéines inflammatoires produites lors de l’infection, modifiraient considérablement la fonction plaquettaire, rendant les plaquettes « hyperactives » et plus susceptibles de former des caillots sanguins. Leur étude est publiée dans Blood, une revue de la société américaine d'hématologie, l’ASH.
Analyse génétique différentielle
Pour mieux comprendre ce phénomène, les chercheurs ont étudié 41 patients Covid-19 hospitalisés à l'hôpital de l'Université de l'Utah à Salt Lake City. Dix-sept de ces patients sont passés dans l'unité de soins intensifs, dont neuf étaient sous ventilation mécanique. Ils ont comparé le sang de ces patients avec des échantillons prélevés sur des personnes en bonne santé, appariées pour l'âge et le sexe.
Via une analyse génétique différentielle, les chercheurs ont découvert que le SARS-CoV-2, semble déclencher des modifications des gènes des plaquettes. Il vitro, ils ont étudié leur agrégation, un élément important de la formation des caillots sanguins, et ont observé que les plaquettes s'agrégeaient plus facilement au cours de la Covid-19.
Faible présence du virus dans les plaquettes
Selon les chercheurs, ces changements modifiaient considérablement la façon dont les plaquettes interagissaient avec le système immunitaire, contribuant probablement à l'inflammation des voies respiratoires qui pourrait, à son tour, entraîner une aggravation des lésions pulmonaires.
Par contre, ils n'ont pas détecté de traces du virus dans la grande majorité des plaquettes (où il n’y a pas de récepteur ACE2), ce qui suggère que le virus pourrait favoriser indirectement les modifications génétiques au sein de ces cellules, à travers une action sur les mégacaryocytes, les cellules qui produisent les plaquettes dans la moelle.
« Nous avons découvert que l'inflammation et des changements systémiques secondaires à l'infection, influencent le fonctionnement des plaquettes, les amenant à s'agréger plus rapidement, ce qui pourrait expliquer pourquoi nous constatons un nombre accru de caillots sanguins chez les patients atteints de la Covid-19 » selon déclare Robert Campbell, auteur principal de l'étude et professeur adjoint au département de médecine interne de l'université de l'Utah.
Différents mécanismes d’hyperactivité plaquettaire
Un mécanisme possible est bien sûr l'inflammation qui est un mécanisme classique de thromboses, mais qui pourrait affecter les mégacaryocytes au cours de la Covid-19 : des altérations génétiques critiques seraient transmises des mégacaryocytes aux plaquettes ce qui les rendraient hyperactives.
Une autre hypothèse est qu'un dysfonctionnement endothélial soit à l'origine de cette hypercoagulabilité des plaquettes. En effet, différentes études ont montré que les cellules endothéliales pouvaient être infectées par le virus et être altérées par l'infection, voire détruites par le système immunitaire. C'est ce qui vient d'être confirmé dans une étude du Lancet Hématology.
Au final, les SARS-CoV-2 induit des processus génétiques au niveau des mégacaryocytes qui peuvent être ciblés afin d’empêcher la modification et l’hyperactivité pro-coagulante des plaquettes.











