Diabétologie
Diabète gestationnel : une prédiction plus précoce grâce à l’IA ?
Alors qu’une intervention précoce pourrait être plus efficace dans le cadre d’un diabète gestationnel, celui-ci ne peut être diagnostiqué qu’à la fin du second trimestre dans une majorité des cas.
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Le dépistage actuel du diabète gestationnel est réalisé par une glycémie à jeun au premier trimestre et surtout par une hyperglycémie provoquée orale (HGPO) à la fin du second trimestre selon la présence de facteurs de risque. Afin d’identifier de manière plus précoce les femmes à risque, une étude Israélienne a développé un modèle prédictif de diabète gestationnel à partir de multiples données provenant de plus de 450.000 grossesses, dont 3,6 % avec diabète gestationnel confirmé. Le modèle développé surpasse le score de risque habituellement utilisé. Surtout, la précision de ce modèle n’est que faiblement diminuée lorsqu’il est réduit à 9 questions auxquelles les femmes enceintes peuvent répondre dès le début de leur grossesse.
Amélioration de la prédiction du risque de diabète gestationnel
Dans ce nouveau modèle prédictif, l’aire sous la courbe ROC (receiver operating characteristic, représentant les performances du modèle de classification) est de 0,851, contre 0,680 pour le modèle classique (1 représentant le modèle parfait, 0,5 un modèle totalement aléatoire). Surtout, cette amélioration de la prédiction s’applique aussi bien dans les catégories de patientes à risque faible, modéré ou élevé de diabète gestationnel. Enfin, cette amélioration apparaît quelque soit le moment de l’estimation du risque, entre le pré-conceptionnel et jusqu’à la 20è semaine de grossesse, la prédiction étant bien sûr meilleure à 20 SA qu’en pré-conceptionnel (plus de données ayant pu être acquises), et plus précise en cas de grossesse voire d’HGPO antérieures que chez une primipare.
Pour une application clinique, les auteurs ont pu résumer ce modèle avec 9 questions incluant les paramètres les plus importants dans cette prédiction : âge de la patiente, indice de masse corporel, antécédent personnel de maladie pouvant être liée au syndrome métabolique (HTA, SOPK, dyslipidémie, cardiopathie, fausse couche, diabète gestationnel antérieur), antécédent familial de diabète gestationnel, résultats de tests glycémiques lors de grossesses antérieures ou HbA1c avant la grossesse actuelle. Il s’agit donc d’un auto-questionnaire pouvant être rempli par la patiente. Afin de valider ces critères, les auteurs ont appliqué cet algorithme dans deux cohortes de validation de presque 140.000 grossesses, et ont déterminé qu’en acceptant 20 % de diabètes gestationnels manqués (taux de diagnostics manqués habituellement rapportés avec une HGPO), 80 % des femmes ayant eu une HGPO n’auraient pas eu à la réaliser.
L’application du machine learning à une base de données de santé
Cette étude démontre l’intérêt d’une énorme base de données de santé, incluant ici plus de 2.000 critères pour chacune des grossesses, correspondant à des données cliniques et biologique antérieures à la grossesse ou recueillies jusqu’à 20 semaines d’aménorrhée. Comme attendu, parmi les 10 critères les plus déterminants dans la prédiction d’un diabète gestationnel, 5 concernent le métabolisme glucidique : HGPO après 20SA réalisée lors d’une grossesse antérieure, glycémie à jeun en début de la grossesse en cours, lors des grossesses antérieures, et durant l’année précédent la grossesse actuelle. Cette approche permet surtout de classer ces critères et d’en révéler d’autres. Ainsi, le résultat d’une HGPO antérieure est plus prédictif que le simple évènement binaire d’antécédent de diabète gestationnel.
Le score calcique appelé à évoluer ?
Cette étude suggère donc que la simple réponse par la patiente à un questionnaire de 9 items permettrait de dire si elle est à risque de développer un diabète gestationnel. Ces informations étant disponibles dès le début de la grossesse, voir en pré-conceptionnel, il serait alors possible, en cas d’identification d’un risque important, d’intervenir très précocement grâce à l’instauration de mesures hygiéno-diététiques. Toutefois, cette étude présente plusieurs limites devant être levées avant une réelle application clinique. Tout d’abord, l’HGPO avait été réalisée chez toutes les patientes utilisées pour l’élaboration de ce modèle (représentant 75 % des patientes enregistrées dans cette base de données israélienne), avec un taux relativement faible de diabète gestationnel confirmé (< 4 %). L’intérêt d’une diminution de 80 % des HGPO réalisées, rapportée dans cette étude, devra donc être confirmé en utilisant d’autres registres de pays réalisant un dépistage ciblé, tel qu’indiqué en France.
Les complications liées au diabète gestationnel sont très hétérogènes, le risque principal dans la grande majorité des cas étant une simple augmentation du poids de naissance et du taux de césarienne, sans autre complication associée (clairement démontré dans l’étude HAPO publiée en 2008 dans le New England Journal of Medicine). Il sera donc important de préciser le profil des patientes échappant au diagnostic de diabète gestationnel avec cette méthode, et surtout de démontrer l’intérêt du prise en charge bien plus précoce qu’actuellement chez les (futures) femmes enceintes ainsi sélectionnées, alors même que certaines d’entre elles n’auraient pas du tout développé de diabète gestationnel.











