Rhumatologie
Coronavirus : quel impact sur les rhumatismes inflammatoires ?
Au cours de la Covid-19, les rhumatismes inflammatoires traités par des biothérapie et/ou des immunomodulateur depuis des années ne semblent pas plus à risque de formes graves. Certains traitements sont compatibles avec une amélioration du pronostic.
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Peu de données sont disponibles sur l’évolution des malades souffrant d'un rhumatisme inflammatoire et traités par biothérapies, traitements immunomodulateurs ou les deux à long terme, lorsqu’ils sont infectés par la Covid-19.
C’est donc tout l’intérêt d’une première série prospective américaine impliquant différents types de rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme des maladies inflammatoires de l'intestin…) sur 86 malades suivis en ambulatoire ou hospitalisés. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Impact modeste de la maladie et des médicaments
Bien que cette analyse soit limitée en taille, ces données révèlent une incidence d'hospitalisation parmi les patients souffrant d’un rhumatisme inflammatoire de 16%, pas vraiment supérieure à celle des patients infectés par la Covid-19 dans la population générale de la ville de New York, à la même époque (35 746 des 134 874 patients, soit 26 %).
On retrouve les mêmes facteurs de risque de forme grave que dans les données historiques, et ceux-ci sont plutôt des facteurs de risque de dysfonction endothéliale (âge, HTA, diabète, obésité). Les symptômes respiratoires et la fièvre sont légitimement plus fréquents chez les malades hospitalisés, mais il faut noter que la diarrhée l’est également, or on la retrouve plus souvent chez les malades immunodéprimés. L’anosmie-agueusie, qui serait souvent un signe de vascularite des petits vaisseaux des terminaisons nerveuses au cours de la Covid-19, serait également plus fréquente chez ces malades en cas d’hospitalisation.
Les médicaments qui sont associés plus fréquemment à une forme sévère nécessitant une hospitalisation sont le méthotrexate, l’hydroxychloroquine et les corticoïdes oraux. L’hydroxychloroquine n’était utilisée que chez 10% de ces malades avant l’infection, mais elle ne semble pas avoir réduit le risque de formes sévères. A l’inverse, l'étude suggère que la prise d’une biothérapie (anti-TNF essentiellement) pour le rhumatisme n'est pas associée à un plus grand nombre de formes sévères lors de l’infection par la Covid-19. Les anti-JAK seraient plutôt neutres. Seuls 11% des malades préalablement traités ont été hospitalisés, ce qui est en dessous de la moyenne.
Malades ambulatoires et hospitalisés
Il s’agit d’une série prospective de 86 malades souffrant d'un rhumatisme inflammatoire avec une infection Covid-19 symptomatique, confirmée (59 patients) ou fortement suspectée (27 patients). Elle a été rassemblée par la New York University Langone Health, à New York et des comparaisons ont été faites entre les malades hospitalisés et ceux suivis en ambulatoire.
Parmi ces patients, 72% recevaient une biothérapie ou un inhibiteur de la Janus kinase (anti-JAK) (62 sur 86) avant la survenue de la Covid-19, et le pourcentage des malades hospitalisés est de 16% (14 sur 86 patients).
Les patients hospitalisés sont un peu plus âgés que les patients ambulatoires (50 versus 46 ans, respectivement). Bien que la répartition des diagnostics de maladies inflammatoires soit similaire entre les 2 groupes, un pourcentage plus élevé de patients hospitalisés souffrait de polyarthrite rhumatoïde.
Par rapport aux patients ambulatoires, un plus grand nombre de patients hospitalisés souffrent d'hypertension, de diabète et peut-être de bronchopneumopathie chronique obstructive, mais pas d’asthme, et ils sont un peu plus âgés.
Pas d’impact majeur du traitement immunitaire
Le pourcentage de patients sous biothérapie ou inhibiteurs de JAK à l’inclusion est plus élevé chez les malades ambulatoires (76%) que chez les patients hospitalisés (50%) (soit 55 des 72 patients et 7 des 14 patients, respectivement), et l'incidence globale des hospitalisations chez les patients qui ont reçu ces traitements immunomodulateurs sur le long terme est de seulement 11% (7 des 62 patients).
Cependant, même après analyse multivariée, l'utilisation de corticoïdes oraux (chez 4 des 14 patients hospitalisés [29%] et chez 4 des 72 patients ambulatoires [6%]), d'hydroxychloroquine (chez 3 des 14 patients [21%] et 5 des 72 patients [7%], respectivement) et de méthotrexate (chez 6 des 14 patients [43%] et 11 des 72 patients [15%], respectivement) est plus élevée chez les rhumatismes inflammatoires pour laquelle une hospitalisation a été nécessaire. Ces observations sont cohérentes lorsque l'analyse est limitée aux patients dont l'infection par le SARS-Cov-2 est été confirmée par PCR.
Sur les 14 rhumatismes inflammatoires qui ont été hospitalisés, 79% (11 sur 14) sont sortis après une durée moyenne de séjour de 5,6 jours. Sur les 2 patients atteints d'une maladie plus grave, aucun des deux patients ne recevait de traitements biologiques à long terme.
Au final, dans cette série prospective de 86 malades qui ne semblent pas spécialement aggravés par la Covid-19, il y a un potentiel effet délétère des comorbidités impliquant une dysfonction endothéliale et un potentiel effet protecteur de certains traitements comme les biothérapies.











