Cardiologie
Thrombose et cancer : l'apixaban fait aussi bien que l’héparine dans Caravaggio
Dans une étude randomisée chez des malades cancéreux avec thrombose, l’apixaban oral fait aussi bien que la daltéparine injectable, sans augmenter le risque d'hémorragie majeure, y compris pour les cancers gastriques.
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Chez les personnes traitées pour cancer et ayant déjà fait une thrombose veineuse ou une embolie, l'apixaban, un anticoagulant oral direct, est au moins aussi efficace que la daltéparine, une héparine de faible poids moléculaire administrée par injection, pour prévenir un nouvel évènement thromboembolique.
Ce bénéfice est obtenu sans augmentation du risque d'événements hémorragiques majeurs, y compris en cas de cancer gastrique, où jusqu’ici, il existait un risque d’hémorragie en cas de traitement ADO.
Ce sont les résultats de l’étude Caravaggio présentés lors du congrès annuel de l'American College of Cardiology, réalisé cette année en même temps que le Congrès mondial de cardiologie.
Efficacité et tolérance identiques
Sur un suivi de 6 mois, les récidives d’une maladie thromboembolique veineuse (MTEV), le principal critère d'évaluation de l'étude, sont survenues chez 32 des 576 patients (5,6%) du groupe apixaban et 46 des 579 patients (7,9%) du groupe daltéparine, une différence qui n’est pas statistiquement significative.
Par ailleurs, l'apixaban serait plus efficace que la daltéparine pour prévenir les récidives de MTEV chez les malades de moins de 65 ans. D’autres analyses de sous-groupes sont prévues afin de déterminer si certains patients bénéficient davantage de cette approche.
Concernant les événements hémorragiques majeurs, définis par les guidelines de l'ISTH, ils sont similaires entre les 2 groupes, se produisant chez 22 patients (3,8%) du groupe apixaban contre 23 patients (4,0%) du groupe daltéparine. Des saignements gastro-intestinaux importants sont observés chez 1,9% des patients traités par l'apixaban et 1,7% des patients traités par la daltéparine (NS).
La proportion de patients exempts de MTEV récurrente, d'événements hémorragiques majeurs et de décès pendant la période d'étude est de 73,3% dans le groupe apixaban et de 68,6% dans le groupe daltéparine.
Un large essai de phase 3
L'étude Caravaggio est la plus large étude visant à évaluer le traitement de la MTEV dans le cancer. Elle a comparé l’efficacité et la tolérance de l'apixaban, un anticoagulant oral direct, à la daltéparine sous-cutanée, pour prévenir les récidives de MTEV dans une étude de non-infériorité.
L'essai a recruté 1 170 patients atteints d'une MTEV associée au cancer au moment du diagnostic. Ils ont été randomisés pour recevoir l’apixaban, un inhibiteur du facteur Xa par voie orale, à la dose de 10 mg deux fois par jour pendant sept jours, suivi de 5 mg deux fois par jour, ou de la daltéparine sous-cutanée à raison de 200 unités par kg une fois par jour pendant un mois, puis de 150 unités par kg une fois par jour, pendant six mois au total.
Une population à risque
Les patients étaient âgés de 68 ans en moyenne et une embolie pulmonaire, avec ou sans TVP, était présente chez 55% des patients à l’inclusion, tandis que 45% avaient une TVP isolée.
La plupart des patients (80,3%) avaient une thrombose symptomatique, tandis que 20% souffraient d'une MTEV insoupçonnée révélée par des tests d'imagerie réalisés pour des raisons autres qu'une suspicion clinique de MTEV.
La plupart des patients (97%) des deux groupes avaient un cancer actif au moment de leur inclusion : 94,3% des patients du groupe apixaban et 91% du groupe daltéparine avaient une tumeur solide, dont 32,6% et 32,3% était situés dans le tractus gastro-intestinal, y compris un cancer du pancréas ou des voies biliaires, qui sont les cancers les plus à risque de saignements importants sous ADO. Par contre, aucune tumeur ou métastase cérébrale, non plus qu’aucune leucémie aiguë n’a été inclue dans cette étude.
Le cancer à risque de thrombose
Diverses enquêtes montrent qu’une thrombose sur cinq se produirait chez les personnes atteintes d'un cancer. De plus, cette population de malade a un risque beaucoup plus élevé de développer des MTEV majeures, notamment uns thrombose veineuse profonde (TVP), ou une embolie pulmonaire.
Selon les experts, de nombreuses raisons expliquent pourquoi les personnes atteintes d'un cancer sont plus susceptibles de former des caillots : par exemple, le cancer lui-même peut augmenter la coagulabilité du sang, et de nombreux traitements et chirurgies du cancer peuvent enflammer les vaisseaux sanguins et limiter les mouvements des patients, facilitant ainsi la formation des caillots.
Un virage dans le traitement
« La MTEV est une cause majeure de complications et de décès chez ces patients, et le risque élevé de récidive de caillots sanguins et de saignements chez les patients atteints de cancer rend le traitement anticoagulant difficile », a déclaré le professeur Giancarlo Agnelli, de l'Université de Pérouse, en Italie, et auteur principal de cet essai. « Nos données montrent que l'apixaban est au moins aussi efficace que la daltéparine, le traitement de référence actuel, sans aggraver le risque d'hémorragie majeure.
Il a ajouté que : « si des études antérieures ont montré que d'autres anticoagulants oraux directs (edoxaban et rivaroxaban) étaient aussi efficaces que l'héparine de faible poids moléculaire chez ce type de malades, il y a un rapport bénéfice-risque négatif chez les personnes atteintes de cancers gastro-intestinaux compte tenu de l'augmentation marquée du risque de saignements ».
« C'est le seul essai dans la thrombose associée au cancer où un AOD n'est pas associé à une augmentation des saignements gastro-intestinaux, malgré l'inclusion d'une proportion substantielle de ces cancers », a-t-il conclu.











