Oncologie
Résistance aux anticancéreux : les biopsies liquides révèlent mieux les modifications génétiques
L’analyse des biopsies liquides et tumorales montre l’apparition au fil du temps de multiples mécanismes de résistance chez chaque patient. Dans ce contexte, la palme revient à la biopsie liquide, moins invasive et plus performante.
- Nutthaseth Vanchaichana/istock
De nombreux patients voient leurs tumeurs régresser sous traitement anti-cancéreux, pour ensuite les voir regrossir au fur et à mesure qu'elles évoluent pour résister au traitement. L’idéal serait d’être en mesure de détecter rapidement l’apparition d’une résistance à un médicaments anticancéreux afin de mettre en place sans tarder un autre médicament auquel les tumeurs vont être sensibles.
Une nouvelle étude menée par un groupe de chercheurs du Broad Institute of MIT et de Harvard, du Massachusetts General Hospital (MGH) et d'IBM Research démontre la pertinence de cette stratégie. Les chercheurs ont examiné l’intérêt de la répétition de la biopsie liquide (une simple prise de sang), dans l’analyse de l'ADN libéré par les tumeurs, appelé « ADN tumoral circulant » (ou ADNct) pour rechercher une résistance génétique.
Nouvelle compréhension des résistances
L'équipe de recherche a comparé les résultats de biopsies liquides et tissulaires standard de patients traités pour un cancer gastro-intestinal mais ayant développé une résistance aux médicaments. Les résultats, publiés dans Nature Medicine, révèlent que les biopsies liquides fournissent une image plus complète, à la fois de la diversité génétique du cancer d'un patient et de la façon dont les tumeurs développent leur résistance moléculaire aux médicaments. Cette constatation remet en question la façon dont la résistance aux médicaments anticancéreux était habituellement perçue, ce qui a d'importantes répercussions sur les futures stratégies de traitement.
Un changement de paradigme
Selon Gad Getz, coauteur de l'étude, et directeur au Cancer Genome Computational Analysis Group au Broad et Paul C. Zamecnik Chair in Oncology au MGH Cancer Center, la surprise est que ce ne sont pas un mais plusieurs mécanismes de résistance qui apparaissent. De plus, ce serait plus fréquent que ce qui était envisagé auparavant : « C'est un véritable changement de paradigme qui nous obligera à repenser non seulement la biologie de la résistance aux médicaments anticancéreux, mais aussi notre approche thérapeutique dans le futur ».
Ces résultats pourraient, en effet, expliquer pourquoi le cancer, une fois qu'il a développé une résistance aux médicaments, est si difficile à vaincre. L'étude suggère également des mécanismes moléculaires possibles sous-jacents à la résistance aux médicaments, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements plus personnalisés.
La biopsie liquide est répétable
Les biopsies tissulaires sont un des piliers du diagnostic de cancer, mais elles sont par essence invasives et ne donnent qu'un aperçu partiel du cancer et en un endroit dans la tumeur (sauf cas de biopsies multiples). Pourtant, il existe clairement une hétérogénéité des cellules tumorales, même les plus voisines au sein d’une même tumeur, qui peuvent être génétiquement distinctes les unes des autres.
Les biopsies liquides, qui incorporent des informations provenant de multiples lésions tumorales, constituent une alternative prometteuse, bien qu’elles soient actuellement rarement utilisées en pratique (pas de remboursement en dehors des protocoles de recherche).
Une étude comparative
Pour étudier l'utilité des biopsies liquides dans la détection de la résistance acquise aux anticancéreux, Getz et ses collègues ont étudié 42 malades souffrant de différentes formes de cancer gastro-intestinal traités par des thérapies ciblées. Lorsque des signes de résistance aux médicaments apparaissaient chez les malades, les chercheurs ont analysé leurs tumeurs, à la fois via des biopsies liquides et via des biopsies tissulaires, pour analyser l'ADN tumoral et leurs mutations de résistance (PhylogicNDT).
La comparaison directe des biopsies liquides et tissulaires révèle que dans près de 80 % des cas, les biopsies liquides montrent des altérations génétiques cliniquement pertinentes liées à la résistance aux médicaments qui n’ont pas été identifiées par des biopsies tissulaires standard.
Cette étude est la plus importante à ce jour comparant directement la biopsie liquide à la biopsie tumorale dans le cadre de la résistance d’un cancer. Les résultats, s’ils sont confirmés à plus grande échelle et pour différentes tumeurs et différents traitements, suggèrent que la biopsie liquide pourrait être la modalité la plus intéressante à l’avenir pour évaluer comment les tumeurs des patients évoluent au fil du temps.











