Cardiologie

HOPE-3 : bénéfice relatif des statines en prévention primaire

L’étude HOPE-3 a été mise en place pour tester le concept de « polypill » associant statine et traitement antihypertenseur en prévention primaire. Elle démontre uniquement l’intérêt théorique du traitement hypocholestérolémiant et signe le retour au traitement adapté au risque.

  • 05 Avril 2016
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    Depuis des années, Salim Yusuf est un fervent avocat des « polypills » en prévention primaire, afin de lutter contre le fléau des maladies cardiovasculaires. Il a eu l’occasion de tester cette hypothèse dans une étude parue dans le NEJM, conjointement organisée par AstraZeneca et le Canadian Institute of Health Research.

    Monsieur ou Madame « Tout le monde »

    L’étude a recruté 12 705 personnes sans aucune maladie cardiovasculaire et ayant un risque absolu intermédiaire en raison d’un âge d’au moins 55 ans pour les hommes, ou 60 ans pour les femmes, et de l’association de facteurs de risques associés (HTA et/ou diabète et/ou troubles lipidiques et/ou tabagisme et/ou obésité abdominale).
    L’étude utilise un plan factoriel 2 X 2, c’est à dire que les malades sont répartis entre rosuvastatine 10 mg/jour ou Candésartan 16 mg/j + hydrochlorothiazide 12,5 mg/jour ou les 2 associés ou un double placebo. Cette population inclut plus de femmes et plus de groupes ethniques variés que d’habitude.

    Réduction du risque de 25%

    Au terme d’un traitement bien suivi pendant une moyenne de 5,6 ans, le risque d’événements cardiovasculaires a été significativement réduit de 24%, c’est-à-dire un index composite classique comprenant : décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde non-fatal ou AVC non-fatal. La réduction concerne aussi le critère composite secondaire qui intègre en plus l’angine de poitrine.
    La tolérance est excellente avec un taux d’interruption de traitement pour effet indésirable identique dans les 4 groupes. L’adhérence au traitement est supérieure à 83% à 2 ans et à 74% au terme de l’étude.

     

    Cholestérol : un facteur de risque rentable

    Si le traitement par statine confirme dans cette population à risque modéré le ratio de réduction de 25% du risque cardiovasculaire pour chaque diminution de 1 mmol/l du taux de LDL-cholestérol, le traitement antihypertenseur n’est d’aucun bénéfice malgré une diminution moyenne de 6.0/3.0 mm Hg.
    Un bénéfice du traitement antihypertenseur est absent au global et peut être uniquement observé dans le tertile supérieur de pression artérielle systolique (analyse pré-spécifiée), c’est-à-dire chez les personnes en pré-hypertension et où le risque absolu est 6,5% à 5,6 ans. Il n’y a aucune synergie observée en rapport avec l’association d’une statine avec un traitement antihypertenseur.

    Confirmation des hypothèses

    Le risque d’événement cardiovasculaire à 5,6 ans a été de 5.0% dans le groupe double placebo, ce qui confirme que cette population est bien à risque intermédiaire bas (5.0%), c’est-à-dire trop bas pour démontrer un quelconque bénéfice d’un traitement antihypertenseur.
    Le niveau de CRP (inférieur ou supérieur à 2 mg/l) n’influe absolument pas sur les résultats obtenus ce qui confirme l’absence d’intérêt de ce paramètre en prévention primaire.

    Traiter selon le risque

    HOPE-3 semble sonner le glas du concept de la « polypill » en prévention primaire et donne des arguments supplémentaires à une intervention thérapeutique décidée uniquement en fonction des facteurs de risques existants et du risque cardiovasculaire absolu : il ne faut traiter que les risques identifiés et uniquement au-delà d’un certain seuil.

    Elargissement abusif des indications

    Au-delà, cette étude vise à démontrer le bénéfice d’un élargissement incroyable des indications actuelles du traitement par statines. Cette population à risque intermédiaire très modéré correspond à Monsieur ou Madame « Tout le monde » au-delà de 55 ans et est bien au-delà des indications des recommandations américaines qui avaient été déjà fort critiquées.
    Surtout, quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que le taux d’évènements cardiovasculaires est très bas et que, même si une réduction de 24% est observée, cela correspond en pratique à devoir traiter au moins 41 personnes pendant 5,6 ans pour éviter un seul événement cardiovasculaire (et plus de 260 pendant la même durée pour éviter un décès cardiovasculaire). C’est une notion à prendre en compte, mais avec beaucoup de réserve.

     

    Au final, HOPE-3 confirme l’intérêt d’un traitement hypocholestérolémiant en prévention primaire selon une approche basée sur le calcul du risque cardiovasculaire absolu. Cette étude permet aussi de définir qu’un traitement antihypertenseur à dose modérée n’a aucune indication chez les personnes qui ont une pression artérielle systolique inférieure à 140 mm Hg et un risque cardiovasculaire absolu inférieur à 5%.

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