Oncologie

Cancer du sein triple négatif : la moitié temporairement résistante à la chimiothérapie

L’inefficacité de la chimiothérapie dans la moitié des cancers du sein triple négatifs serait temporaire et réversible. Une constatation qui ouvre la voie à un nouveau traitement combiné.

  • thomasandreas/istock
  • 18 Avril 2019
  • A A

    Les cellules du cancer du sein triple négatif peuvent développer une résistance à la chimiothérapie néoadjuvante, non pas en développant des adaptations permanentes, mais plutôt en activant de façon transitoire des voies moléculaires qui les protègent contre les produits toxiques.

    L'étude, publiée aujourd'hui dans Science Translational Medicine, identifie ainsi une vulnérabilité qui pourrait fournir une nouvelle option thérapeutique pour le cancer du sein triple négatif résistant à la chimiothérapie. Parmi ces voies activées se trouve un processus métabolique, connu sous le nom de phosphorylation oxydative, qui peut être ciblé par un traitement. C’est ce que teste actuellement la division Therapeutics Discovery du MD Anderson Cancer Center, à Atlanta.

    Un modèle de xénogreffes

    Afin d'étudier comment les cellules du cancer du sein triple négatif peuvent devenir résistantes à la chimiothérapie, les chercheurs du MD Anderson ont créé des modèles murins de xénogreffes du cancer du sein triple négatif à partir des échantillons de tumeurs de patientes inclues dans l'étude clinique ARTEMIS.

    Dans l’étude ARTEMIS sur le cancer du sein triple négatif, les malades ont eu des biopsies de leur cancer du sein triple négatif avant et après un traitement de chimiothérapie néoadjuvante, ce qui permet aux chercheurs d'étudier pourquoi certaines tumeurs sont résistantes et de rechercher des stratégies plus efficaces.

    Un état de résistance réversible

    L'équipe de chercheurs a identifié plusieurs xénogreffes qui ont d'abord répondu à la chimiothérapie et ont ensuite développé une résistance aboutissant à une reprise de la croissance tumorale. Cependant, lorsque le traitement a été interrompu, les tumeurs résiduelles sont redevenues sensibles à la chimiothérapie, ce qui indique que la résistance ne serait que temporaire.

    De plus, une analyse individuelle des cellules tumorales montre que l'hétérogénéité des cellules d'une tumeur donnée est maintenue après le traitement, ce qui suggère que la chimiothérapie n'a pas sélectionné un petit groupe de cellules résistantes.

    La caractérisation des modifications de l'expression génique révèle un ensemble de voies activées dans le cadre de cet état de résistance temporaire, qui sont désactivées lorsque la chimiothérapie cesse. Les chercheurs confirment que bon nombre de ces changements moléculaires se reflètent également dans les biopsies prélevées in vivo chez des patientes ARTEMIS.

    Une molécule bloquante

    Dans l'espoir de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques pour le cancer du sein triple négatif résistant, les chercheurs ont découvert que ces cellules sont devenues dépendantes de la phosphorylation oxydative pour la production d'énergie qui leur est nécessaire. Cette voie peut ainsi être ciblée par une petite molécule de synthèse qui est la première petite molécule découverte et développée par la division Therapeutics Discovery de MD Anderson.

    Lors du traitement des souris avec xénogreffe de cancer du sein triple négatif par le bloqueur spécifique de la phosphorylation oxydative après un traitement de chimiothérapie, les chercheurs observent un effet synergique suggérant que le traitement séquentiel chimiothérapie puis bloqueur spécifique pourrait prolonger la durée de la réponse thérapeutique. Le SIGC-10579 fait actuellement l'objet d'essais cliniques pour divers types de cancer hématologique et solide.

    Un changement de stratégie

    Cette étude fournit un rationnel convaincant pour expliquer la résistance des cancers du sein triple négatifs et définir de nouvelles stratégies combinées, dont celle du MD Anderson est la première étape. L’objectif à long terme reste d'éviter le recours à la chimiothérapie chez les patients atteints d'une maladie résistante et d'utiliser plutôt des thérapies ciblées pour éviter les effets secondaires sévères.

    Le cancer du sein est le cancer plus diagnostiqué chez la femme en France avec près de 60 000 nouveaux cas en 2017 et 12 000 décès dans l’Hexagone. Son taux de mortalité a grandement diminué en 15 ans en raison d’un meilleur dépistage et de traitement plus efficaces mais 15 à 20% des femmes cancéreuses seront atteintes d'un cancer du sein triple négatif dont la moitié sont résistants à tout traitement.

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.