Neurologie
Douleur neuropathique : de nouvelles cibles thérapeutiques identifiées chez l’homme
La douleur neuropathique est une forme de douleur chronique qui implique des regroupements de cellules spécialisées des ganglions sur les racines dorsales de la moelle épinière. Une étude clarifie les rôles des cellules et des molécules impliquées.
- Rost-9D/istock
La première analyse approfondie sur la façon dont la douleur chronique affecte l'expression des gènes dans les neurones des ganglions des racines dorsales de la moelle prélevés chez les personnes vivantes ouvre de nouvelles voies de recherche. L'électrophysiologie et le séquençage de l'ARN ont été effectués sur des clusters de cellules nerveuses spécialisées, directement dans les ganglions des racines nerveuses dorsales de la moelle épinière. Ceux-ci ont été prélevés sur des patients cancéreux souffrant d’une douleur neuropathique.
Les résultats établissent que l'activité spontanée des neurones dans les ganglions des racines dorsales est associée, tant à la douleur neuropathique, qu’à la compression des racines nerveuses. L'analyse du transcriptome suggère la présence de différences liées au sexe et révèle des modules géniques et des voies de signalisation dans la réponse immunitaire et la plasticité neuronale liées à la douleur neuropathique qui peuvent suggérer de futures cibles thérapeutiques. L'étude est publiée dans Brain.
Une cohorte de malades opérés
Les chercheurs ont profité d'une occasion extrêmement rare d'étudier les neurones dans les ganglions des racines dorsales, prélevés chez des patients cancéreux opérés au MD Anderson Cancer Center. Cette cohorte comprend 21 patients et, bien qu'elle ne semble pas très importante, elle est beaucoup plus large que toutes les études antérieures sur la douleur chronique chez l’homme utilisant le séquençage de l'ARN.
Les chercheurs ont catalogué les variations de l'expression de l'ARN dans les cellules des ganglions rachidiens dorsaux de malades souffrant de douleur neuropathique en fonction de la douleur et du sexe. L'utilisation du séquençage de l'ARN, une forme de séquençage génétique, sur ces cellules des ganglions rachidiens dorsaux a permis d'établir une liste de voies biochimiques prometteuses pour lesquelles les chercheurs pourraient être en mesure de concevoir des médicaments analgésiques.
Des différences par rapport aux modèles animaux
La douleur chronique est qualifiée de neuropathique lorsqu'elle est causée par des lésions des cellules nerveuses. La douleur neuropathique englobe un large éventail de pathologies (syndrome du membre fantôme, douleurs après un accident vasculaire cérébral et paresthésies associées au diabète) touchant de 7 à 10 % de la population, ce qui complique la prise en charge.
Plusieurs traitements prometteurs, dérivées de découvertes dans des modèles animaux de douleur neuropathique, n'ont pas réussi à démontrer leur efficacité dans des essais cliniques chez l’homme, suggérant la possibilité d'importantes différences au niveau cellulaire et moléculaire entre les animaux et les humains.
L'établissement des différences potentielles entre les animaux de laboratoire et les humains, par l'étude directe des tissus et/ou cellules humains, est importante pour faciliter la traduction des découvertes précliniques en traitements efficaces.
Une douleur sans stimulus
Les cellules nerveuses périphériques se déclenchent habituellement à cause d'un stimulus douloureux externe (douleur nociceptive), par exemple si on se brûle ou si on se pince les doigts. Parfois, les neurones continuent à fonctionner sans aucun stimulus externe persistant, laissant les gens avec une douleur chronique. Ces cellules qui se mettent à fonctionner sans aucun stimulus détectable ont donc une activité spontanée et cette étude fait un pas important en localisant les circuits par lesquels cette activité douloureuse voyage dans le corps humain.
Il y a environ 50 à 100 gènes qui semblent très prometteurs, dont les deux tiers ont un rôle dans la douleur qui est, soit peu connu, soit pas du tout connu. Les chercheurs ont classé ces gènes en fonction de leur potentiel en tant que biomarqueur ou cible thérapeutique. Une liste des 10 meilleurs gènes, qui appartiennent à des réseaux impliqués dans la signalisation et la réponse immunitaires, peuvent d’ores et déjà faire l’objet de recherches approfondies. Ils sont exprimés différemment chez les hommes et les femmes.
Bien qu'il n'existe aucun moyen d'extraire et d'analyser les ganglions des racines dorsales de la moelle épinière chez la plupart des malades souffrant de douleur chronique, les chercheurs pensent qu'il existe peut-être des cellules substitutives qui partagent les mêmes marqueurs. Les modèles précliniques laissent supposer que les cellules immunitaires comme les lymphocytes T, qui sont beaucoup plus faciles à prélever sur un malade, pourraient faire avoir ce rôle.
Les résultats de l'étude ont montré que de nombreux résultats d'études antérieures sur les animaux sont corrects d'une manière générale, mais qu’ils manquaient de précision pour pouvoir être transposés directement chez l’homme.











