Chirurgie orthopédique
Epaule : les risques de la chirurgie prothétique plus élevés que prévu
Le recours à la chirurgie prothétique de l’épaule est particulièrement élevé chez les hommes jeunes mais les risques de complications graves ou de révision chirurgicale pour descellement sont également élevées.
- yodiyim/istock
Les risques associés à la mise en place d’une prothèse totale d'épaule, pour des problèmes articulaires non traumatiques, sont plus élevés que prévus (4,6% globalement, dont 0,5% de décès), en particulier chez les moins de 60 ans et les plus de 85 ans.
Les résultats d’une une étude publiée dans le BMJ, montrent qu'un homme sur quatre âgé de 55 à 59 ans risque d'avoir besoin d'une réintervention chirurgicale pour descellement de sa prothèse au cours du reste de sa vie. Parallèlement, les risques de complications graves (tels que infarctus du myocarde, thromboses veineuses graves et infections pulmonaires) dans les 90 jours suivant la chirurgie sont beaucoup plus élevés que prévu, en particulier chez les personnes de plus de 85 ans.
Développement incontrôlé
Ces risques pouvant obérer le bénéfice de la procédure, ils devraient être mieux expliqués aux malades avant qu'ils ne décident de se faire opérer. Les auteurs de l’article mettent ainsi en garde contre le « développement incontrôlé » de la chirurgie de remplacement prothétique de l'épaule chez les malades les plus jeunes et les plus âgés.
Le nombre de prothèses totales d'épaule mises en place augmente, en effet, rapidement au Royaume-Uni. Chez les adultes de plus de 50 ans, le nombre de prothèses a été multiplié par plus de 5,6 et est passé de 1 018 prothèses totales d’épaules en 1998 à 5 691 en 2016.
Mieux évaluer les risques
En dépit de cette croissance impressionnante, aucune étude n'a réellement évalué les risques de cette chirurgie à l’échelle de la vie qui reste au malades (life-time risk), or nombre de complications graves, considérés comme rares, semblent plus fréquentes.
Une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford a utilisé des registres d’hôpitaux et de mortalité pour calculer une estimation précise du risque d’événements indésirables graves et du risque de chirurgie de révision calculé sur toute la durée de la vie, après une chirurgie de remplacement de l’épaule non traumatique.
L'étude a analysé un peu plus de 58 000 interventions sur près de 52 000 adultes (âgés de 50 ans ou plus) en Angleterre entre avril 1998 et avril 2017. L'âge moyen à la chirurgie était de 72 ans et le suivi moyen de 5,6 ans. Les taux d'événements indésirables graves ont été calculés à 30 et 90 jours après la chirurgie et comprenaient les évènements thrombotiques majeurs, les infarctus du myocarde, les infections, les accidents vasculaires cérébraux et les décès. Le risque de révision en fonction de l’âge et du sexe a été estimé à 3, 5, 10 et 15 ans après la chirurgie et sur toute la vie du patient.
Un risque élevé de complications
Les risques d'une chirurgie de révision (descellement) sur l’ensemble de la vie varient de : un sur 37 chez les femmes de 85 ans et plus, à un sur 4 chez les hommes de 55 à 59 ans. Les risques de révision sont les plus élevés au cours des cinq premières années après la chirurgie.
Les risques de survenue d'un événement indésirable grave sont de : un sur 28, 30 jours après l'intervention chirurgicale et de un sur 22 à 90 jours après l'opération.
Il existe un une relation nette entre les risques de survenue d’un événement indésirable grave et l’augmentation de l’âge, l’existence d’une maladie existante (comorbidité) et le sexe masculin : une femme sur 9 et un homme sur 5 âgés de 85 ans et plus ont eu au moins un événement indésirable grave dans les 90 jours !
Une large étude observationnelle
Il s’agit d’une étude d’observation qui, en tant que telle, ne peut établir de relation de cause à effet entre la mise en place de la prothèse et les risques observés : les chercheurs ne peuvent donc exclure la possibilité que certains facteurs non évalués dans cette étude aient pu influencer les résultats. Néanmoins, il est certain que ces risques sont plus élevés que précédemment envisagé et que, dans certaines situations, ils pourraient même effacer les bénéfices potentiels.
Les patients les plus jeunes, en particulier les hommes, doivent donc être conscients du risque d'échec précoce de la prothèse totale d'épaule (descellement) et de la possibilité d'une chirurgie de révision secondairement au cours de leur vie, qui est nécessairement plus complexe. Au-delà de 85 ans, il est sans doute risqué de tenter ce remplacement du fait de l'augmentation des risques de complications. Dans tous les cas, les patients doivent être informés des risques qu’ils encourent en fonction de leur âge et de leur état général (problème des comorbidités).
Au fur et à mesure que la population vieillit, il est probable que la demande de chirurgie de remplacement de l'épaule va continuer à augmenter, et les risques plus élevé de reprise chirurgicale ou d'effets indésirables décrits dans cette étude devraient faire partie de la décision partagée avec les patients.











