Pneumologie
Regarder un sujet dyspnéïque provoque difficultés respiratoires et malaise chez l'observateur
Les observateurs de sujets dyspnéïques ressentent eux-mêmes un malaise et des difficultés à respirer. D’après un entretien avec Thomas Similowski.
- KatarzynaBialasiewicz / istock
Lorsqu’un observateur voit quelqu’un qui souffre, il éprouve de la compassion et de la douleur. En est-il de même lorsque l’on observe un sujet atteint de dyspnée ? Une étude originale publiée dans l’European Respirtory Journal a montré qu’une sensation de malaise apparaissait chez l’observateur, accompagnée d’une émotion négative et d’anxiété. En effet, la dyspnée, contrairement à la douleur, a un caractère non universel et non partagé par chacun, qui s’accompagne de sensation de mort imminente.
Des liaisons neurologiques qui font réagir à la dyspnée
Cette réaction a été documentée par un enregistrement électro-encéphalographique : il a montré des modifications de l’activité cérébrale avec des potentiels évoqués positifs, une observation, nouvelle, qui pourrait sans doute expliquer pourquoi les observateurs de sujets dyspnéïques sont exposés à une souffrance personnelle. Thomas Similowski de la Pitié-Salpétrière à Paris et directeur de l’unité INSERM 1158, fait référence à une étude parue en 2017 dans l’European Respiratory Journal qui montrait que les familles proches de patients hospitalisés en réanimation étaient exposées à un stress post-traumatique dont le facteur prédominant était la difficulté respiratoire du patient dont la douleur était soulagée par des protocoles antalgiques, mais la dyspnée ne l’était pas.
Comprendre pour créer un nouveau lien avec le patient
Pour Thomas Similowski, cette étude constitue une grosse avancée dans la prise en charge de la détresse respiratoire car la compréhension de ce phénomène peut aider à créer un lien nouveau avec le patient. Plusieurs autres études ont monté un lien entre l’empathie et l’intensité de la douleur ressentie par l’observateur. Elles ont montré que la douleur entrainait une douleur au même endroit chez l’observateur. La dyspnée provoque un mal-être plus diffus. L’induction de dyspnée expérimentale chez le sujet sain apporte une sensation de terreur. Thomas Similowski fait référence à deux éditoriaux parus dans l’ERJ : l’un dont il est l’auteur, « traiter les poumons et apaiser l’esprit », et celui écrit par M. Basoglu, plus provocateur, qui dit que « ne pas bien s’occuper de la dyspnée, peut être assimilé à de la torture ».
En conclusion, la dyspnée est le seul symptôme qui unit les pneumologues car leurs patients seront à un moment ou à un autre essoufflés. Il y a donc nécessité de considérer la dyspnée comme une entité. L’étape suivante serait de mieux comprendre les mécanismes en cause dans ce phénomène de mal-être en utilisant, par exemple, l’IRM fonctionnelle, de classifier selon le type d’observateur et d’amener à une prise de conscience pour améliorer l’aide à apporter au patient dyspnéïque.












