Cardiologie

Risque cardiovasculaire : démonstration du rôle de l’inflammation

Une nouvelle étude démontre le rôle de l'inflammation systémique dans l’augmentation du risque cardiovasculaire chez certains patients en prévention secondaire et au cours des rhumatismes inflammatoires.

  • chanawit/Epictura
  • 22 Septembre 2017
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    Pour la première fois, une équipe américaine a démontré que diminuer un syndrome inflammatoire, même minime, existant chez certains patients en post-infarctus (CRPus > 2 mg/l), permettrait de limiter leur risque cardiovasculaire. Il est à noter que la population étudiée comprenait des rhumatismes inflammatoires et des cancers et que l’effet est obtenu indépendamment du risque lié au LDL-cholestérol. L’étude CANTOS change le paradigme de l’athérosclérose et est parue dans le New England Journal of Medicine.

    Rôle de l’inflammation démontré dans la plaque d’athérosclérose

    Pour démontrer le rôle athérogène de l’inflammation systémique, les auteurs ont utilisé un inhibiteur de l’interleukine 1, le canakinumab, afin de réduire l’inflammation dans une étude de phase 3 versus placebo où les 10 000 patients inclus avaient tous une CRP ultrasensible supérieure à 2 mg/l et un traitement hypocholestérolémiant. Par ailleurs, ils ne devait avoir ni cancer, ni infection chronique, comme une tuberculose ou le SIDA, mais le suivi des patients a posteriori a démontré que certains d’entre eux avaient un rhumatisme inflammatoire ou un cancer occulte.

    Parallèlement à la réduction de l’inflammation systémique, les auteurs ont observé une réduction de 15 à 18% des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux et des évènements cardiovasculaires sans qu’il y ait eu parallèlement une modification du taux de LDL-cholestérol.

    L’information principale de l’étude CANTOS est donc que l’inflammation est, chez certains malades, un des composants majeurs de la maladie athéroscléreuse et qu’elle jouerait un rôle au niveau de l’instabilité de la plaque chez certains malades. Avant de vouloir baisser plus drastiquement le LDL-cholestérol, par exemple jusqu’à des seuils inférieur à 0,70 g/l, il faudrait d’après eux vérifier qu’il n’y ait pas d’inflammation. Le traitement de l’athérosclérose n’est donc plus uniquement centré sur le cholestérol et c’est une petite révolution.

    Polyarthrites rhumatoïdes, niveau d’activité et risque cardiovasculaire

    Selon les données issues d’un suivi de cohorte pendant plus de 10 ans, la cohorte Nijmegen Early RA, un état de faible activité de la maladie rhumatoïde serait suffisant pour réduire le risque cardiovasculaire dans la PR, ce qui va dans le même sens que les données issues de CANTOS. Par contre, la rémission, définie dans cette cohorte comme correspondant à un DAS28 <2,6, n'aurait pas d'effet protecteur supplémentaire contre le risque CV par rapport à une faible activité de la maladie (≤ 3,2).

    L'objectif de ce suivi de cohorte était d’objectiver, chez des patients atteints de PR, l’impact de différents niveaux d'activité de la maladie rhumatoïde, en particulier la faible activité de la maladie et la rémission, sur le risque de maladie cardiovasculaire. Le critère principal était le premier événement CV dans les 10 premières années de suivi.

    Les seuils de DAS28 avaient été déterminés comme ceux de l’EULAR: pour la rémission (<2,6), maladie à activité faible (≤ 3,2), modérée (3,2-5,1) et élevée (> 5,1). L'effet de l'activité de la maladie sur le risque CV a été évalué en utilisant un modèle de Cox de régression des risques en fonction du DAS28 comme co-variable dépendante du temps et également comme variable principale. Une réduction du risque CV dès que l’activité de la PR est faible

    Un DAS28 correspondant à une activité de la maladie rhumatoïde faible (≤ 3,2) est significativement associé à un risque cardiovasculaire réduit (HR 0,65, IC 95% 0,43 à 0,99) par rapport à un DAS28> 3,2, tous deux utilisés en covariable en fonction du temps et par rapport à un DAS28 ≤3,2 (HR 0,52, IC 95%: 0,33 à 0,81).

    Dans cette cohorte, et en discordance par rapport à CANTOS, la rémission a un effet protecteur additionnel modeste contre le risque CV et un effet non significatif (HR 0,67, IC 95% 0,43 à 1,07), mais on peut discuter de la pertinence du choix du seuil du DAS pour la définition de la rémission. Il aurait sans doute été préférable de choisir un seuil plus bas.

    Mais, au final, ces résultats renforcent la légitimité des stratégies de contrôle strict de la maladie rhumatoïde basée sur l’activité (« Tight control ») dans la pratique clinique quotidienne. L’objectif est d’obtenir une activité faible ou une rémission de la maladie chez les patients atteints de PR dès que possible et de la maintenir stable au cours du temps.

    Impact sur le risque CV du niveau de contrôle actuel de la PR

    L’impact en vie réelle de la réduction de l’activité de la maladie rhumatoïde sur le risque cardiovasculaire a, par ailleurs, été étudié dans un autre suivi de cohorte nationale suédoise chez des patients souffrant de PR incidentes entre 1997 et 2014 par comparaison avec la population générale : 15 744 patients souffrant de PR incidente et 70 899 sujets de la population générale ont été comparés. Sept cent soixante-douze patients atteints de PR ont développé un syndrome coronarien aigu au cours de 103 835 années-patients de suivi (incidence brute, 7,4 par 1000), correspondant à un Hazard-Ratio global par rapport à la population générale de 1,41 (IC 95%: 1,29 à 1,54) et donc à une augmentation du risque CV global de 41% par rapport à la population générale.

    Cependant, alors que l'incidence du syndrome coronarien aigu a diminué au cours du temps, à la fois dans la PR et dans la population générale, l'excès de risque relatif du syndrome coronarien aigu est resté le même dans la PR par rapport à la population générale.

    En pratique

    Le syndrome coronarien aigu et les autres maladies cardiovasculaires ischémiques sont parmi les principaux facteurs responsables de l'augmentation de la morbidité et de la mortalité prématurée dans la polyarthrite rhumatoïde.

    Le syndrome coronarien aigu au cours de la PR semble associé à l'inflammation et à la sévérité de la maladie rhumatoïde. Au cours des dernières années, grâce à de nouvelles options thérapeutiques et aux stratégies de traitement visant à mettre les malade en rémission ou en activité faible, l’objectif a été de parvenir à une rémission de la polyarthrite rhumatoïde le plus tôt possible après le diagnostic, ainsi, le niveau moyen d'activité de la maladie rhumatoïde a diminué ainsi que le risque cardiovasculaire, mais celui-ci reste supérieur à celui de la population générale.

    D’autres facteurs expliquent probablement le sur-risque cardiovasculaire au cours de la PR (traitements comme les AINS, co-morbidités comme le diabète…), mais il faut se servir de CANTOS pour comprendre qu’il y aurait aussi différents profils de plaques d’athérosclérose : tous les patients qui ont de l’athérosclérose n’ont pas les mêmes problèmes au niveau biologique.

    Il y aurait des patients pour lesquels le cholestérol reste trop élevé, c’est ce que les cardiologues appellent les patients à « risque résiduel lié au cholestérol » : pour eux baisser le LDL-cholestérol est la priorité, et cela peut nécessité de descendre en dessous de 0,70g/l de LDL-cholestérol. Et il y aurait d’autres patients dont le problème majeur serait d’avoir un système immunitaire hyperactif avec trop d’inflammation systémique. Ces deux populations, bien que recouvrantes, seraient différentes et nécessiteraient des stratégies adaptées. Le rôle des médecins est de donner le bon médicament au bon patient mais pas de traiter tout le monde de la même façon.

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