Diabétologie
Diabète de type 2 : que changerait la reconnaissance officielle d’une « rémission sous traitement » ?
Les nouveaux traitement transforment le visage du diabète de type 2. Mais derrière les débats médicaux sur la définition de la « rémission » se cache un enjeu beaucoup plus large : financement des soins, communication publique, prévention et rapport des patients à leur maladie. Que se passerait-il si la rémission sous traitement devenait une réalité officielle ?
- stefanamer/istock
Le terme « rémission » ne relève pas que du vocabulaire médical. Il est chargé d’imaginaire :
- Pour les patients, il évoque un soulagement, parfois même l’idée de guérison.
- Pour la société, il reflète une victoire sur une maladie chronique qui pèse lourd en termes de coûts et de complications.
- Pour les pouvoirs publics, il entraîne des conséquences directes sur la reconnaissance, le financement, et la priorisation des actions de santé.
Reconnaître une « rémission sous traitement » ne serait donc pas un simple détail sémantique, mais un véritable changement de paradigme.
1. Une révolution économique pour l’Assurance maladie
Le diabète de type 2 est aujourd’hui le premier poste de dépense de l’Assurance maladie (près de 20 milliards d’euros/an en France, selon la CNAM).
- Actuellement, les médicaments innovants (GLP-1, tirzépatide, inhibiteurs de SGLT2) sont remboursés parce qu’ils permettent de réduire les complications et d’améliorer le contrôle glycémique.
- Mais si ces traitements entraient dans la catégorie de la « rémission », il faudrait repenser le modèle de remboursement : s’agit-il encore d’un traitement chronique… ou d’un traitement curatif ?
Conséquence possible :
- Les autorités pourraient être tentées de limiter la durée de prise en charge (« si vous êtes en rémission, vous n’avez plus besoin de remboursement »).
- À l’inverse, la reconnaissance officielle pourrait pousser à élargir l’accès à ces molécules, au nom d’une logique de prévention des complications à long terme.
C’est tout le paradoxe : reconnaître la rémission pourrait coûter plus cher à court terme (plus de prescriptions), mais économiser beaucoup à long terme (moins d’infarctus, d’AVC, de dialyses).
2. Une remise en question de la prévention
Si un traitement permet une « rémission pharmacologique », quel message envoyer aux patients et au grand public ?
- Côté positif : on peut redonner espoir et montrer que le diabète n’est pas une fatalité.
- Côté négatif : certains pourraient se dire que « la prévention n’est plus nécessaire » puisqu’un médicament pourra corriger la situation.
Cela poserait un risque majeur : la banalisation du diabète, au détriment de la lutte contre l’obésité et la sédentarité, qui restent les vraies racines de l’épidémie.
3. Un enjeu de communication publique
Les pouvoirs publics devront trancher :
- Doit-on dire aux Français que le diabète est désormais réversible (ce qui peut motiver à se soigner, mais aussi relâcher les efforts) ?
- Ou faut-il maintenir un discours plus pessimiste et responsabilisant, quitte à sous-estimer les progrès thérapeutiques ?
L’histoire récente du Covid nous a montré à quel point la communication médicale est délicate. Dans le cas du diabète, le choix des mots pourrait influencer des millions de personnes.
4. Le regard des patients : espoir ou confusion ?
Pour un patient, entendre le mot « rémission » change tout.
- C’est un moteur psychologique, une manière de se réapproprier sa santé.
- Mais c’est aussi une source de confusion : « suis-je encore malade ? dois-je continuer mes contrôles ? puis-je relâcher mes efforts ? »
Certaines associations de patients réclament un cadre clair pour éviter les malentendus. Reconnaître officiellement la rémission sous traitement obligerait à mettre en place de nouveaux protocoles d’éducation thérapeutique, pour expliquer que la maladie est contrôlée mais pas éradiquée.
5. Les industriels et le marché
Derrière cette question se cache aussi un enjeu industriel majeur.
- Les laboratoires pharmaceutiques voient dans la rémission pharmacologique un argument de poids pour leurs produits.
- Mais les autorités de santé redoutent une inflation des coûts, surtout si les prescriptions s’élargissent à des patients en simple surpoids ou prédiabétiques.
La bataille du vocabulaire est donc aussi une bataille économique.
Conclusion : un choix de société
Reconnaître la « rémission sous traitement » du diabète de type 2 ne serait pas un simple ajustement de définition médicale.
Ce serait :
- Un tournant politique dans la manière de rembourser et de prioriser les dépenses de santé.
- Un tournant sociétal dans la perception de la maladie, entre fatalité et espoir.
- Un tournant individuel dans la façon dont chaque patient vit avec son diabète.
Les mots comptent. Et si, demain, les autorités de santé acceptaient de parler de « rémission pharmacologique », ce serait bien plus qu’une évolution sémantique : ce serait une révolution culturelle dans la lutte contre l’une des plus grandes épidémies de notre temps.
Trois scénarios possibles
- Rémission pharmacologique reconnue officiellement
- Le diabète devient une maladie que l’on peut « mettre entre parenthèses » grâce aux nouveaux traitements.
- Conséquence : explosion des prescriptions, mais baisse des complications à long terme.
- Rémission limitée au « sans traitement » (statut actuel)
- Les patients traités restent classés comme diabétiques, même avec des analyses normales.
- Conséquence : cohérence scientifique, mais frustration des patients et sous-valorisation des progrès.
- Rémission pharmacologique reconnue partiellement
- Un statut intermédiaire est créé, avec un suivi renforcé et une prise en charge spécifique.
- Conséquence : compromis entre rigueur scientifique et réalité clinique.











