Hématologie
LLC : supériorité de l’association ibrutinib-vénétoclax guidée sur la maladie résiduelle
Chez les patients adultes atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) de novo, le schéma « time-limited » ibrutinib-vénétoclax, piloté sur la maladie résiduelle (MRD), triple la profondeur de réponse et réduit de 70% le risque de progression par rapport à l’ibrutinib seul en continu. À cinq ans, la survie sans progression culmine à 94%, plaçant la combinaison loin devant la chimio-immunothérapie FCR de référence.

- Jian Fan/istock
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) touche environ 4,6 personnes sur 100 000. Chez les patients atteints de LLC, les lymphocytes B malins prolifèrent de manière autonome grâce à la signalisation des récepteurs des lymphocytes B (BCR) médiée par la tyrosine kinase de Bruton (BTK) et ne subissent pas d'apoptose, en partie à cause de la surexpression de la protéine antiapoptotique B-cell lymphoma 2 (BCL2).
La double inhibition BTK/BCL2 exploite deux vulnérabilités majeures des cellules B malignes : la prolifération BCR-dépendante (ciblée par l’ibrutinib) et l’anti-apoptose BCL2 (ciblée par le vénétoclax). Un traitement continu avec un inhibiteur de la BTK a été associé à une amélioration des résultats chez les patients atteints de LLC, mais peut induire une résistance et des effets toxiques. Après les signaux encourageants de CAPTIVATE, GLOW et CLARITY, l’essai de phase III FLAIR a comparé, en première ligne, une stratégie MRD-guidée ibrutinib-vénétoclax (n = 260) par rapport à l’ibrutinib seul (n = 263) et au schéma fludarabine-cyclophosphamide-rituximab (FCR ; n = 263).
Une étude qui va changer les pratiques
Les résultats ont été présentés au congrès 2025 de l’European Hematology Association et publiés dans le New England Journal of Medicine. À deux ans, 66,2 % des patients du bras association affichent une MRD médullaire indétectable (< 10-4) contre 0 % sous ibrutinib et 48,3 % sous FCR (p < 0,001). Après 62 mois de suivi médian l’association ne compte que 18 événements progression/décès (6,9 %) versus 59 (22,4 %) et 112 (42,6 %) dans les bras comparateurs, soit des rapports de risque de 0,29 et 0,13 (p < 0,001).
La survie sans progression (SSP) à cinq ans atteint ainsi 93,9 %, signant le meilleur contrôle de maladie jamais publié en première ligne de LLC.
Le meilleur contrôle de maladie jamais publié en première ligne de LLC
L’analyse des critères secondaires renforce cet avantage. La survie globale (SG) à cinq ans est de 95,9 % sous ibrutinib-vénétoclax, contre 90,5 % sous ibrutinib (HR 0,41 ; IC à 95 % 0,20-0,83) et 86,5 % sous FCR (HR 0,26 ; 0,13-0,50). L’effet est particulièrement marqué chez les malades avec IGHV non muté : 54,5 % obtiennent une MRD sanguine indétectable dès 12 mois (vs 38,5 % en cas d’IGHV muté) avec un délai médian plus court (12 vs 18 mois). L’éradication moléculaire poursuit sa progression jusqu’à 92,7 % à six ans dans le sang, et le protocole a permis d’arrêter le traitement chez 48 %, 56 % et 68 % des patients respectivement aux années 2, 3 et 4.
Côté tolérance, aucun signal inédit : l’arythmie et l’hypertension, bien connues sous ibrutinib, restent plus fréquentes (3 décès soudains dans le bras combinaison, 8 sous ibrutinib, 4 sous FCR) mais ont été maîtrisées par un suivi cardiologique anticipé.
Un essai académique multicentrique et randomisé
FLAIR est un essai académique, multicentrique, ouvert, randomisé 1:1:1, financé par Cancer Research UK. Les deux co-critères principaux, obtention d’une MRD médullaire indétectable à deux ans (association vs ibrutinib) et SSP (association vs FCR), étaient puissamment dimensionnés, et la centralisation des analyses MRD confère une grande robustesse aux données. Cependant, la cohorte relativement jeune (âge médian 56 ans) et la nécessité d’une infrastructure de biologie moléculaire en temps réel peuvent limiter la généralisation immédiate aux populations plus âgées ou aux centres sans plateforme MRD.
Selon les auteurs, ces résultats plaident néanmoins pour un chagement des pratiques : privilégier l’association ibrutinib-vénétoclax à durée individualisée, surtout chez les IGHV non mutés, afin de concilier profondeur de réponse, SSP durable et arrêt thérapeutique précoce.
Les prochains enjeux de la recherche dans la LLC consisteront à comparer directement cette approche à d’autres schémas « time-limited » (vénétoclax-obinutuzumab, BTK de nouvelle génération), à affiner les seuils MRD prédictifs et à documenter le rapport coût-efficacité dans des cohortes plus âgées ou comorbides.