Oncologie

Cancer du rectum : la radiothérapie hypofractionnée ouvre de nouvelles perspectives

La radiothérapie hypofractionnée n’est pas inférieure à la radiothérapie conventionnelle. De plus, elle autorise un allongement du délai opératoire, ce qui ouvre de nouvelles possibilités thérapeutiques.

  • Novalis TX/Wikipedia
  • 13 Mars 2017
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    La radiothérapie réduit le risque de récidive locale dans le cancer du rectum mais ses modalités restent à discuter. Dans la Stockholm Study, parue dans le Lancet Oncology, la radiothérapie hypofractionnée (radiothérapie courte à 5 x 5 Gy) apporte le même contrôle carcinologique locorégional dans le cancer du rectum. Cependant, le délai de la chirurgie après radiothérapie hypofractionnée semble réduire le taux de complication post-opératoires.

    Deux modalités de radiothérapie hypofractionnée

    Il s’agit d’une étude multicentrique de phase 3, randomisée, en ouvert, de non-infériorité (Stockholm III). Elle a inclu tous les malades atteints d’un adénocarcinome du rectum objectivé sur une biopsie, sans signe de non-résécabilité ou de métastase à distance, sans comorbidité cardiovasculaire grave et prévus pour une résection abdominale dans 18 hôpitaux suédois.

    Les participants ont été répartis au hasard avec des blocs permutés, stratifiés par centre participant, pour recevoir soit 5 × 5 Gy avec la chirurgie une semaine après (radiothérapie hypofractionnée avec délai court) ou après 4-8 semaines (radiothérapie hypofractionnée avec délai long) ou 25 × 2 Gy avec une intervention chirurgicale 4-8 semaines après (groupe traitement standard).

    En raison de la difficulté à inclure les malades dans le groupe traitement standard, du fait de la popularité du protocole hypofractionné en Suède, un amendement au protocole a été fait, la randomisation permettait d’inclure dans les trois groupes ou seulement dans les deux groupes de radiothérapie hypofractionnée, selon la préférence de chaque hôpital.

    Le critère d'évaluation principal est le délai de récidive locale calculé à partir de la date de la randomisation jusqu'à la date de récurrence locale. Les comparaisons entre groupes de traitement ont été jugées non inférieures si la limite supérieure de l’IC à 90% à double sens pour le rapport de risque (HR) ne dépassait pas 1,7. Les patients ont été analysés selon l'intention de traiter pour tous les critères.

    Pas d’infériorité de la radiothérapie hypofractionnée

    Entre le 5 octobre 1998 et le 31 janvier 2013, 840 patients ont été recrutés et randomisés : 385 patients dans la première partie de l’étude (randomisation à trois bras), dont 129 patients dans le groupe radiothérapie hypofractionnée avec délai court, 128 dans le groupe radiothérapie hypofractionnée avec délai long et 128 dans le groupe standard. Ensuite, 455 patients ont été randomisés dans la deuxième partie de l’étude (randomisation à deux bras) : 228 ont été randomisés dans le groupe radiothérapie hypofractionnée avec délai court et 227 dans le groupe radiothérapie hypofractionnée avec délai long.

    Chez les patients avec une récidive locale, le délai médian entre la date de randomisation et la récidive locale dans la comparaison de radiothérapie de courte durée est de 33,4 mois (18 ± 2,62 ± 2) dans le groupe radiothérapie hypofractionnée avec délai court et de 19 ± 3 Mois (8,5-39,5) dans le groupe de radiothérapie hypofractionnée avec délai long. Le délai médian de récidive locale dans le groupe standard (radiothérapie de longue durée avec délai opératoire) est de 33,3 mois (intervalle 17,8-114,3).

    L'incidence cumulée de récidive locale dans l'ensemble de l'étude était de huit patients sur 357 ayant reçu une radiothérapie hypofractionnée avec délai court, dix sur 355 ayant reçu une radiothérapie hypofractionnée avec délai avec délai long et sept sur 128 ayant eu le traitement standard (HR vs radiothérapie hypofractionnée sans délai : Radiothérapie hypofractionnée avec délai 1,44 [IC 95% 0,41-5,11], radiothérapie fractionnée avec délai long 2,24 [0,71-7,10] p = 0,48; non inférieur).

    5 x 5 Gy avec délai opératoire long réduit les complications opératoires

    La toxicité radiologique aiguë a été enregistrée chez un patient (< 1%) de 357 patients après radiothérapie hypofractionnée avec délai court, 23 (7%) de 355 après radiothérapie hypofractionnée avec délai opératoire long et six (5%) avec le traitement standard (radiothérapie longue avec délai opératoire). La fréquence des complications postopératoires était similaire entre tous les bras lors de la randomisation à trois bras (65 [50%] de 129 patients dans le groupe de radiothérapie hypofractionnée avec délai court ; 48 [38%] de 128 patients dans la radiothérapie hypofractionnée avec délai long ; 50 [39%] de 128 patients dans la radiothérapie de longue durée avec délai long, odds ratio [OR] vs radiothérapie hypofractionnée avec délai court : radiothérapie hypofractionnée avec délai long 0,59 [IC 95% 0,36-0,97], radiothérapie de longue durée avec délai long 0,63 [0,38-1,04], p = 0.075). Cependant, dans le cadre d'une analyse groupée des deux protocoles de radiothérapie hypofractionnée, le risque de complications postopératoires était significativement plus faible après une radiothérapie hypofractionnée avec délai long qu'après radiothérapie hypofractionnée avec délai court (144 [53%] de 355 vs 188 [41%]) De 357; OR 0,61 [IC 95% 0,45-0,83] p = 0 001).

    En pratique

    Le traitement standard du cancer du rectum pour les stades avancés est jusqu’à présent basé sur la radiothérapie 25 × 2 Gy avec une intervention chirurgicale 4 à 8 semaines après la fin de la radiothérapie. Son principal intérêt est de réduire le risque de récidive locale. Cependant, le fractionnement optimal de la radiothérapie et l'intervalle entre la radiothérapie et la chirurgie, sont encore en discussion.

    Cette étude comparative basée sur le critère « récidive locale du cancer du rectum » compare trois protocoles différents en ce qui concerne soit le fractionnement de la radiothérapie, soit le délai de la chirurgie : elle était très attendue, malgré ses difficultés de recrutement.

    La Stockholm Study démontre que la radiothérapie hypofractionnée marche aussi bien que la radiothérapie 25 x 2 Gy, mais qu’attendre un délai de 4 à 8 semaines pour la chirurgie semble réduire les complications chirurgicales. Sur la base de ces résultats, les auteurs suggèrent que la radiothérapie hypofractionnée avec délai opératoire long est une alternative utile à la radiothérapie hypofractionnée avec la chirurgie immédiate.

    Réduire le nombre de séances de radiothérapie sans perte d’efficacité est une bonne nouvelle, à la fois en termes d’économies de la santé, en termes d’organisation des centres de radiothérapie, mais aussi pour les malades, surtout s’ils habitent loin.

    Bien qu’une toxicité radiologique soit observée après la radiothérapie hypofractionnée avec délai opératoire long, les complications postopératoires sont significativement réduites par rapport à la radiothérapie hypofractionnée avec délai opératoire court (une semaine). Ceci signifie que cette option doit être choisie, d’autant qu’elle permet d’envisager une chimiothérapie néoadjuvante entre la radiothérapie hypofractionnée et la chirurgie afin de peut-être réduire aussi le risque de récidives métastatiques.

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