Cardiologie
Hypercholestérolémie : les formes familiales sous-diagnostiquées et sous-traitées
En examinant les données issues du séquençage génétique d’un grand nombre d’américains suivis dans un système régional de santé, les chercheurs ont identifié de nombreuses personnes atteintes d'hypercholestérolémie familiale qui n'avaient jusqu’alors pas été diagnostiquées et traitées.
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Le séquençage génétique de plus de 50 000 personnes adultes suivies dans un système de santé américain régional révèle que 1 personne sur 222 serait porteuse d’une variation génétique associée à l'hypercholestérolémie familiale (HF). De plus, ces porteurs de variants génétiques HF sont beaucoup plus à risque d'avoir une insuffisance coronaire ou un infarctus prématuré.
Selon cette étude parue dans la revue Science, dans cette population américaine standard, les données de séquençage génétique ont identifié des variants HF à une prévalence supérieure à celle estimée précédemment (1 sur 319 aux Pays-Bas).
Un diagnostic difficile et tardif
Selon les critères de Dutch Lipid Clinic Network, une hypercholestérolémie familiale peut être diagnostiquée à partir des signes cliniques spécifiques et de tests génétiques pour identifier des variants de gènes codant pour le récepteur du LDL-cholestérol (LDL-R), l'apolipoprotéine B (Apo-B) et la PCSK9.
Malgré le dosage fréquent du cholestérol et l’identification des personnes avec un taux élevé de LDL-cholestérol, seule une petite fraction des patients atteints d’hypercholestérolémie familiale est diagnostiquée et traitée de manière précoce et appropriée. Ceci représente une perte de chance dans la prévention de la morbi-mortalité cardiovasculaire associée à l’HF.
Une large étude en population normale
Le sous-groupe MyCode dispose de données médicales cliniques et biologiques détaillées dans un dossier clinique électronique, ce qui permet d’établir des associations sur une population de plus de 50 000 personnes non-sélectionnées.
Les chercheurs ont voulu déterminer la prévalence des variants connus des gènes associés à l’hypercholestérolémie familiale chez 50 726 patients, ayant un âge moyen de 61 ans, qui faisaient partie d’un sous-groupe MyCode du système de santé de Geisinger.
Ils ont également cherché à déterminer la prévalence de l’insuffisance coronaire prématurée (≤ 55 ans chez les hommes et ≤ 65 ans chez les femmes) et l’incidence de l’insuffisance coronaire au cours d'un suivi moyen de 14 ans chez les patients avec hypercholestérolémie familiale.
Des phénotypes à risque fréquents
Ils ont identifié 35 variants génomiques connus associés à l’hypercholestérolémie familiale : 29 variants de LDL-R, 4 variants de PCSK9 et 2 variants d'Apo-B chez 229 personnes.
La prévalence globale de ces variants HF est de 1 sur 118 patients qui avaient eu une angioplastie et de 1 sur 256 patients non sélectionnés.
Le LDL-cholestérol maximum est 69 mg/dL plus élevé chez les porteurs de variants HF que chez les autres patients.
Comparativement aux non-porteurs, les porteurs de variant HF ont un risque 2,6 fois plus élevé de coronaropathie (OR 2,6, IC 95% 2,0-3,5, P = 4,3x10-11) et 3,7 fois plus élevé de coronaropathie précoce (OR 3,7; IC 95% 2,6-5,2, P = 5,5x10-14).
Une prise en charge insuffisante
Au-delà du problème diagnostique, l'étude suggère également que l’hypercholestérolémie familiale est également largement sous-traitée.
Seulement 3 porteurs de variants HF sur cinq ont un traitement en cours par une statine, et seulement 2 sur cinq ont un taux de LDL-cholestérol inférieur à 100 ng/mL, celui-ci étant l’objectif recommandé pour les adultes atteints d’hypercholestérolémie familiale.
Dans l'ensemble, 173 des 215 porteurs d’un des variants génétiques associés à l’hypercholestérolémie familiale (81%) reçoivent un traitement hypolipémiant, et en particulier une statine. Mais, parmi les dossiers médicaux les plus récents (de 2015 à 2016), seulement 109 des 189 porteurs de variants génétiques associés à l’HF (58%) reçoivent effectivement un traitement par statines et seulement 37% reçoivent un traitement par statines à dose forte.
Le taux de cholestérol LDL dans ce sous-groupe des malades les plus récents est inférieur à 100 mg/dL chez seulement 46% des porteurs de variants génétiques HF, mais est inférieur à ce seuil chez 77% des non-porteurs d’un variant HF.
Une perte de chance
Un examen rétrospectif des antécédents personnels et familiaux de LDL-cholestérol élevé, de maladies cardiovasculaires prématurées, des signes cliniques d'hypercholestérolémie et d'identification des variants HF connus a révélé que 24% des porteurs de variants HF répondent aux critères du Dutch Lipid Clinic Network pour un diagnostic probable ou avéré d’HF. Or, près de la moitié d’entre eux (45%)auraient été jugées peu susceptibles d'avoir un diagnostic d’HF.
Des variants génétiques encore inconnus
A noter que, dans cette population, seulement 2,5% des personnes atteintes d'hypercholestérolémie sévère (LDL-cholestérol ≥ 190 mg/dL) sont porteuses d’un variant génétique HF identifié, et les auteurs recommande la recherche de variants génétiques HF encore inconnus.
En pratique
Ces données soulignent les limites de l'utilisation des critères cliniques pour le dépistage basé sur les critères du Dutch Lipid Clinic Network et l’intérêt du séquençage génétique pour augmenter le diagnostic précoce des personnes atteintes d’hypercholestérolémie familiale.
L'étude suggère d’autre part, que l'utilisation du séquençage génétique peut améliorer l’ajustement du traitement et, au final, réduire le risque cardiovasculaire de l’hypercholestérolémie familiale.
L'un des grands défis de la biomédecine est de lier une variation génétique humaine à des caractères phénotypiques à l'échelle de la population. Cet objectif semble à portée de main dans l’hypercholestérolémie familiale











