Rhumatologie

Coxibs : après la controverse, retour à la raison sur le célécoxib avec PRECISION

Dix ans après le retrait du rofécoxib, l’étude PRECISION démontre que le célécoxib à dose moyenne n’a pas de sur-risque cardiovasculaire et nous avons enfin une bonne évaluation des qualités et des défauts des principaux AINS

  • RACKAM/RACKAM/SIPA
  • 23 Décembre 2016
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    Le retrait du rofécoxib en 2004 en raison d’un sur-risque cardiovasculaire a été un véritable tournant dans l’évaluation des médicaments, en même temps qu’une crise médiatique et scientifique. Pour défendre le célécoxib, qui était accusé des mêmes maux, le laboratoire Pfizer a lancé l’étude PRECISION qui visait à démontrer son innocuité cardiovasculaire chez des malades à haut risque cardiovasculaire et souffrant d’une arthrose ou d’une polyarthrite rhumatoïde. Les résultats viennent de paraître et d’être présentés au congrès de l’American Heart Association

    Pas de sur-risque cardiovasculaire

    Sur un total de 24 081 malades et avec 34 mois de suivi, le risque cardiovasculaire du célécoxib est de 2,3% en évaluation stricte (en « intention de traitement »), contre 2,5% pour le naproxène et 2,7% pour l’ibuprofène (critères cardiovasculaires valides APTC).

    La non-infériorité et donc l’absence de sur-risque cardiovasculaire est démontrée pour le célécoxib avec une significativité nette dans les 2 comparaison (p<0.001). Les chiffres sont similaires si l’on ne prend en compte que les malades sous traitement (« on-treatment »).

    Parmi les critères secondaires, moins d’évènements cardiovasculaires au sens large ont été observé dans le groupe célécoxib et le risque de décès toutes causes semble aussi plus bas avec le célécoxib par rapport au naproxène, même si on n’atteint pas tout à fait la significativité (p=0.052).

    Validité des données

    Le protocole a été rédigé en collaboration avec Pfizer, mais par un comité scientifique indépendant. Le recueil et l’analyse des données ont été effectués à la Cleveland Clinic, l’institution qui avait levé le lièvre du rofécoxib. Les comparateurs choisis sont le naproxène, qui a la meilleure tolérance cardiovasculaire dans toutes les études et les méta-analyses, et l’ibuprofène, qui a la réputation d’avoir une activité anti-agrégante plaquettaire.

    Ce choix n’est pas anodin car la communauté scientifique avait beaucoup reproché le choix du diclofénac comme comparateur dans l’étude MEDAL (étoricoxib) car le diclofénac ne semble pas dépourvu d’un sur-risque cardiovasculaire dans les méta-analyses. Enfin, les doses choisies sont les doses AINS moyennes de l’AMM pour le célécoxib (200 mg/jour), le naproxène (850 mg/jour) et l’ibuprofène (2000 mg/jour).

    Bénéfices associés

    L’étude PRECISION permet également de montrer que, à bénéfice quasiment identique sur la qualité de vie et la douleur, le célécoxib a une meilleure tolérance digestive que le naproxène et l’ibuprofène, en dépit du fait que la prise d’un inhibiteur de la pompe à proton était autorisée par le protocole et a été équivalente dans les 3 groupes (p à 0.01 et 0.002 respectivement).

    Au plan rénal, il y a également une amélioration versus ibuprofène dans cette population âgée en moyenne de 63 ans avec nombreux facteurs de risque d’athérosclérose (différence non significative versus naproxène). De même le taux d’hospitalisation pour hypertension artérielle est inférieur dans le groupe célécoxib versus ibuprofène (p=0.04), mais non significativement différent du naproxène.

    Ecoutez...
    Le Pr Jean Sibilia, Rhumatologue, CHU de Strasbourg : « Bonne tolérance cardiovasculaire et amélioration de la tolérance digestive pour le célécoxib...»


    Après la controverse, les faits

    L’étude PRECISION fournit des preuves valides sur le fait que le risque cardiovasculaire associé à des doses moyennes de célécoxib à 200 mg/jour est plutôt inférieur au naproxène, la référence AINS actuelle en termes de risque cardiovasculaire. Tous ces résultats sont atteints sans interaction significative avec les doses d’aspirine, ce qui démontre par ailleurs, que l’ibuprofène ne démontre aucune capacité anti-agrégante dans cette très large étude. Ceci ne signe certainement pas un chèque en blanc pour le célécoxib puisque ses toxicités cardiovasculaires avaient été observées avec les doses journalières de 400 mg et surtout de 800 mg.
    Les évènements digestifs sont peu fréquents dans les 3 groupes en raison de la prise associée d’inhibiteurs de la pompe à proton, mais ils sont encore plus bas dans le groupe célécoxib (même si c’est surtout la perte en fer qui tire les résultats).
    La réduction des effets rénovasculaires (insuffisance rénale et HTA) sous célécoxib est également patente, mais il n’y a pas de différence entre les 3 AINS concernant les insuffisances cardiaque congestives. Ces bénéfices sont obtenus avec une légère supériorité du naproxène sur la douleur qui n’atteint cependant pas une différence telle qu’elle est cliniquement définie.

    En pratique, 10 ans après la controverse et l’hystérie médiatico-scientifique, il est clair que tous les AINS peuvent donner des complications cardiovasculaires à forte dose, mais que 3 AINS ressortent comme étant bien toléré vis-à-vis du risque d’athérothrombose, et ceci indépendamment de leur sélectivité Cox-1/Cox-2. Par contre le risque de décompensation d’une insuffisance cardiaque congestive existe quel que soit l’AINS. Enfin, la promesse d’une réduction des effets indésirables digestifs est réelle avec le célécoxib, même si elle est probablement réduite par rapport au bénéfice général des inhibiteurs de la pompe à proton. PRECISION est l’étude dont Pfizer avait besoin au lancement de son AINS (qui est maintenant génériqué) et il faut remercier ce laboratoire de l’avoir poursuivi jusqu’à son terme pour le bénéfice de la communauté médicale et scientifique.

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