Hématologie
Allogreffe de moelle : la survie dépendrait de la richesse du microbiote intestinal
La composition du microbiote intestinal initial, et en particulier sa diversité avant la greffe, aurait un rôle pronostic majeur sur la survie des malades lors d’une allogreffe de cellules hématopoïétiques.
- OlegMalyshev/istock
En cas d’hémopathie nécessitant une allogreffe de moelle, une étude observationnelle multicentrique montre que les malades dont le microbiote intestinal est bien diversifié avant la greffe ont un meilleur taux de survie après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.
Dans 2 cohortes, comprenant plus de 1 300 allogreffes, des réductions du risque de décès de 29% et 51% sont observées chez les malades dont le microbiote intestinal est plus diversifié au moment de la greffe (abondance des taxa bactériens) par rapport à ceux dont la diversité est moindre. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Une étude multicentrique internationale
Les chercheurs ont analysé 8767 échantillons de selles, provenant de 1362 patients soumis à une allogreffe de moelle, le plus souvent pour une leucémie myéloïde aiguë (36%), un syndrome myélodysplasique ou un syndrome myéloprolifératif (19%), un lymphome non hodgkinien (17%), une leucémie aiguë lymphoblastique (9%) ou un myélome (8%).
L'âge moyen des patients était de 52,9 ans, 61% étaient des hommes et ils ont été étudiés dans 4 centres : New York (cohorte 1) et en Allemagne, au Japon et en Caroline du Nord (cohorte 2). Les patients ont été classés en deux groupes selon la diversité ou non de leur microbiote intestinal.
Une diversité qui joue un rôle
Le microbiote fécal a été analysé par séquençage génétique de l'ARN ribosomique 16S et une plus grande diversité a été définie comme une valeur médiane supérieure à 2,64, seuil utilisé dans les deux cohortes.
Les patients dont le microbiote est bien diversifié ont un taux de survie plus élevé quelle que soit la cohorte géographique. On observe, dans la cohorte 1 et 2 : 104 décès pour 354 patients et 18 décès pour 87 patients dans les groupes au microbiote diversifié contre 136 décès pour 350 patients et 35 décès pour 92 patients dans les groupes au microbiote peu diversifié, respectivement.
Une dysbiose similaire quelle que soit la région
L'analyse détaillée révèle des schémas similaires de perturbation du microbiote (dysbiose) dans toutes les régions géographiques, ce qui suggère que les résultats sont plus généralisables que ceux des précédentes études qui étaient surtout monocentriques. La dysbiose est liée à la perte de diversité et à la domination par un seul taxon.
Une analyse en sous-groupe de la cohorte new-yorkaise montre également une association entre la faible diversité du microbiote et un nombre plus important de décès lié à la greffe et à la réaction du greffon contre l'hôte (GVH), ce qui tend à soutenir l’hypothèse du rôle immunomodulateur d’un microbiote intestinal bien diversifié.
Une large étude observationnelle
L'étude étant observationnelle, il n'est pas possible de faire un lien de causalité entre la survie et la diversité du microbiote intestinal. Mais tout l'intérêt de cette analyse réside dans sa taille (8767 échantillons de selles et 1362 malades) et dans son caractère multicentrique et international, qui valident ses résultats dans différentes populations.
L’étude confirme des résultats précédents monocentriques et apporte une information cruciale sur la possibilité d'extrapoler ces résultats quelles que soient l'origine géographique de la population, la variété du microbiote et, de façon moindre, les pratiques de greffe.
Des études de greffe fécale
Cette étude établit donc un lien entre diversité du microbiote intestinal et survie post-allogreffe de moelle osseuse, quelle que soit la population concernée.
Selon ses auteurs, elle définit le rationnel de différentes interventions pour rétablir l'intégrité du microbiote intestinal au cours d’une allogreffe, comme le remplacement du microbiote fécal (greffe fécale) ou d'autres stratégies, qui pourraient également être évaluées dans d’autres contextes, au-delà de la seule allogreffe de cellules hématopoïétiques
Des études randomisées sont maintenant nécessaires au cours de l’allogreffe (quelques études préliminaires sont disponibles) pour confirmer le lien de cause à effet et valider l’intérêt des greffes fécales pour rétablir la diversité du microbiote intestinal chez les patients lors d’une allogreffe de moelle.











