Oto-rhino-laryngologie
Surdité congénitale liée au gène OTOF : une thérapie génique rétablit une audition naturelle
Chez des enfants atteints de surdité congénitale OTOF-, une thérapie génique intracochléaire (DB-OTO, double AAV1 ciblant les cellules ciliées internes) restaure une audition acoustique fonctionnelle chez la majorité des patients à 24 semaines.

- Marija Stepanovic/istock
Chez les personnes chez lesquelles le gène OTOF (codant pour l'otoferline) est fonctionnel, les cellules ciliées internes de la cochlée expriment l'otoferline, une protéine qui agit comme un capteur de calcium pour les vésicules synaptiques au niveau des synapses en ruban, contrôlant la libération des neurotransmetteurs nécessaire à la transmission nerveuse et à l'audition acoustique. Chez les personnes qui ont des variants pathogènes dans le gène OTOF, la structure cellulaire des cellules ciliées internes reste intacte, mais des anomalies dans le fonctionnement de l'otoferline entraînent dans la plupart des cas une surdité congénitale profonde dès la naissance sans récupération spontanée. Tirant parti de l’intégrité structurelle persistante de l’oreille interne, la thérapie génique DB-OTO associe deux vecteurs AAV1 sous promoteur Myo15 pour acheminer l’ADNc OTOF au-delà de la capacité d’empaquetage d’un AAV unique.
Dans une étude ouverte présentée au congrès 2025 de l’American Academy of Otolaryngology et publiée dans le New England Journal of Medicine, monobras, convertie en essai d’enregistrement, 12 enfants avec variants OTOF et seuil audiométrique moyen >90 dB HL ont reçu une perfusion intracochléaire (7,2×10^12 génomes/oreille) unilatérale ou bilatérale. Le critère principal, seuil pure-tone audiometry (PTA) moyen ≤70 dB HL à 24 semaines, est atteint chez 9 enfants sur 12 (75 % ; ICà 95 % 43–95 ; p=1,1×10^−13), tout comme le critère secondaire clé d’une réponse en potentiels évoqués du tronc cérébral ≤90 dB nHL à 24 semaines. Ces données valident l’hypothèse d’une restauration de la neurotransmission synaptique par apport d’otoferline.
Au-delà du seuil : réponses objectives, fonctions et tolérance
Outre le franchissement du seuil PTA, six participants peuvent percevoir une voix faible sans aide, et trois ont une audition moyenne dans les normes cliniques. Les gains s’étendent sur l’éventail fréquentiel 0,125–8 kHz, incluant la bande critique de la parole (0,5–4 kHz), avec chez un enfant la détection de sons lointains, rarement possible avec un implant. Les réponses ont été observées jusqu’à 16 ans, contredisant l’idée d’un bénéfice strictement limité à la petite enfance. Trois enfants retrouvent une sensibilité auditive normale, illustrant le potentiel de « guérison sensorielle » quand le substrat cellulaire est préservé.
Huit sujets suivis au-delà de 24 semaines suggèrent une durabilité de l’effet, malgré un déclin discret des hautes fréquences chez deux, sans retentissement notable sur la compréhension de la parole. Un non-répondeur isolé, malgré une chirurgie sans incident, pourrait refléter une délivrance insuffisante ; la présence d’anticorps anti-AAV1 préexistants n’a pas semblé prédictive d’échec.
Au total, 67 événements indésirables sont survenus ou se sont aggravés, aucun n’ayant entraîné d’arrêt ; aucune différence de sécurité n’a été observée entre traitements unilatéral et bilatéral. Ces résultats plaident pour une approche bilatérale afin d’optimiser localisation spatiale et intelligibilité en bruit.
Rétablir la synapse auditive est désormais possible
L’étude adopte une conception pragmatique de première-administration chez l’humain, ouverte et monobras, avec amendement précoce vers des tests hypothétiques formels après signaux d’efficacité initiaux. La chirurgie reprend la voie standard des implants, maximisant la transposabilité. Les critères objectifs (PTA, ABR) et la cohérence des réponses comportementales renforcent l’inférence causale, mais l’absence de bras contrôle randomisé, la petite taille et la durée limitée imposent prudence et confirmation à long terme.
La représentativité couvre des enfants avec variant pathogène OTOF et architecture cochléaire préservée ; l’extension à d’autres gènes ou à des atteintes dégénératives reste incertaine.
Selon les auteurs, ces données supporte l’intégration de la thérapie génique DB-OTO dans le parcours des surdités OTOF : discussion précoce en RCP audio-génétique, choix informé entre implant et thérapie ou stratégies séquentielles, préférence pour un traitement bilatéral, et suivi audiologique structuré incluant hautes fréquences et développement du langage. Les priorités de recherche incluent des essais contrôlés, la recherche de biomarqueurs de délivrance effective et la généralisation à d’autres déficits monogéniques lorsque le substrat cellulaire demeure intact.
En pratique, en l’absence de traitements médicamenteux, DB-OTO se positionne comme une alternative ou un complément aux implants cochléaires, avec une tolérance acceptable et des gains objectifs et subjectifs d’audition.