Pédiatrie
Infection à VRS de l’enfant : quels sont les nourrissons à risque de formes graves ?
Une large cohorte nationale suédoise montre que les formes sévères d’infection à VRS des enfants surviennent majoritairement chez des nourrissons de moins de 3 mois, nés à terme et sans comorbidité. Des facteurs « oubliés » des politiques d’immunisation, comme le petit poids pour l’âge gestationnel, la gémellité, une fratrie en bas âge, doublent à quadruplent le risque de séjour en réanimation ou de décès.

- GOLFX/istock
Le Virus Respiratoire Syncitial (VRS) demeure la première cause d’infections respiratoires basses du jeune enfant, avec des options d’immunoprophylaxie désormais très efficaces (anticorps monoclonaux à longue durée d’action, vaccination maternelle). Pour orienter ces stratégies, une étude de registres reliant naissances, diagnostics, facteurs socio-démographiques et comorbidités a inclus tous les enfants nés en Suède entre 2001 et 2022 (n = 2 354 302). Parmi eux, 38 919 (1,7 %) ont eu un diagnostic VRS et 4 621 (11,9 % des cas VRS) ont eu une évolution sévère. L’âge médian à l’admission en réanimation était de 1,9 mois et 41,3 % avaient au moins une comorbidité.
Selon les résultats publiés dans The Lancet Regional Health Europe, à l’échelle de la population, les facteurs les plus fortement associés au critère principal (séjour en réanimation ou décès) sont : naissance en hiver (HR 2,96 ; IC à 95 % 2,53–3,46), petit poids pour l’âge gestationnel (aHR 3,91 ; 3,08–4,97), naissances multiples (aHR 3,43 ; 2,80–4,21), existence de frères/sœurs de 0–3 ans (aHR 2,92 ; 2,57–3,31) et comorbidités sévères (aHR > 4). Les formes graves d’infection à VRS frappent surtout des nourrissons très jeunes, au-delà du seul groupe « à risque classique ».
Qui protéger en priorité ?
Dans le sous-ensemble des enfants ayant un diagnostic VRS, les associations socio-démographiques sont atténuées ou deviennent non significatives, tandis que la prématurité, le petit poids de naissance par rapport à l’âge gestationnel et les comorbidités demeurent les prédicteurs majeurs de séjour en réanimation ou de décès et d’hospitalisation prolongée (≥ 7 jours). Les cardiopathies se distinguent par un risque accru de séjours longs.
Chez les nourrissons < 3 mois ayant un évènement sévère, les comorbidités sont moins fréquentes que chez les plus âgés (40,3 % vs 71,6 % ; p < 0,0001), soulignant le poids de l’âge et de l’exposition intrafamiliale (fratrie jeune).
Les facteurs « expositionnels » (saison de naissance, fratrie) semblent donc surtout augmenter le risque d’infection et d’accès aux soins, tandis que, une fois infecté, le profil intrinsèque de l’enfant (prématurité/SGA/comorbidités) gouverne l’évolution. Aucune « tolérance » thérapeutique n’était en jeu (étude non interventionnelle), mais la charge en soins intensifs et la proportion de séjours prolongés illustrent l’empreinte clinique et organisationnelle du VRS.
Des implications immédiates pour l’immunisation
L’étude s’appuie sur des registres nationaux de haute qualité, couvrant 23 ans, avec analyses multivariées de Cox et sous-analyses restreintes aux enfants VRS+. Sa puissance statistique a permis d’examiner des complications rares (séjour en réanimation, décès) difficilement accessibles dans des séries hospitalières. Elle a quelque limites : hétérogénéité temporelle des pratiques diagnostiques, absence de données de séjour en réanimation avant 2008 (sans biais des estimations de risque), manque de granularité clinique et possible sous-estimation de l’incidence du VRS. Ces réserves n’amoindrissent pas la pertinence des signaux pour la décision publique.
Selon les auteurs, trois constats importants se dégagent. Premièrement, il semble critique de prioriser le développement d’une couverture immunoprophylactique universelle au début de la vie (ou, a minima, un ciblage élargi des nourrissons de moins de 3 mois), car la majorité des formes graves surviennent chez des nourrissons à terme et sans antécédents. Deuxièmement, intégrer dans les critères d’éligibilité des facteurs aujourd’hui non retenus mais fortement associés à la sévérité : petit poids par rapport à l’âge gestationnel, gémellité/naissances multiples, fratrie de 0 à 3 ans, avec une attention particulière pour les naissances de l’automne-hiver. Troisièmement, renforcer les interventions périnatales et de premier recours : information parentale sur l’hygiène respiratoire et l’éviction des expositions intrafamiliales (cocooning), vigilance accrue en cas de symptômes chez les très jeunes, et filières d’accès rapide pour les moins de 3 mois.
En bref, pour réduire les complication graves des infections à VRS de l’enfant (réanimation) et les décès liés au VRS, il faut dépasser une approche centrée uniquement sur les comorbidités et protéger en priorité les très jeunes nourrissons, même en l’absence de facteurs médicaux « classiques ».