Gastro-entérologie
Maladie de Crohn : le ciblage spécifique de l’IL23p19 serait un nouveau standard
Deux essais de phase III montrent que les patients traités par guselkumab obtiendraient des taux significativement plus élevés de guérison endoscopique et de rémission profonde, des indicateurs associés à une diminution des poussées de la maladie, des hospitalisations et des complications à long terme. L’inhibition sélective de la sous‑unité p19 d’IL‑23 pourrait ainsi devenir une option de première ou seconde ligne dans la maladie de Crohn modérée à sévère.

- BeritK/istock
Confronté à une inflammation résiduelle et à un tiers de patients souffrant d’une maladie de Crohn réfractaires ou perdant leur réponse aux biothérapies usuelles, l’objectif thérapeutique est désormais la cicatrisation muqueuse, gage de moindres rechutes et complications. Le guselkumab, un anticorps humanisé ciblant spécifiquement la sous-unité p19 d’IL‑23 et se liant au récepteur CD64 des cellules productrices de cytokine, a déjà fait ses preuves dans la rectocolite hémorragique. L’interleukine-23 (IL23) est en effet un driver clé de l’inflammation intestinale chronique.
Les études GALAXI‑2 et ‑3 (N = 1048, 257 centres, 40 pays) adoptent un design identique, quadruple bras, triple‑aveugle, incluant un comparateur actif, l’ustékinumab (un anti-IL12/23 ciblant la sous-unité p40 partagée par IL12 et IL23) 6 mg/kg IV puis 90 mg SC toutes les 8 semaines). Les co‑critères composites exigeaient d’abord une réponse clinique à S12 (diminution du CDAI ≥100 pts ou score PRO2 < 15), puis une rémission clinique ou une réponse endoscopique (diminution du SES‑CD ≥50 %) à S48.
Dans les deux essais, dont les résultats sont publiés dans The Lancet, la combinaison réponse S12 + rémission S48 est atteinte par 49 à 55 % des patients sous guselkumab contre 12 à 13 % sous placebo (p < 0,0001). La combinaison réponse S12 + réponse endoscopique S48 suit la même tendance : 34 à 39 % versus 5 à 6 %. L’ustékinumab se situe entre les deux mais reste significativement inférieur au guselkumab sur la majorité des critères, notamment la cicatrisation profonde.
Efficacité soutenue quelles que soient les expositions antérieures
La supériorité du guselkumab s’affirme dans tous les sous‑groupes : sujets naïfs de biothérapie (taux de rémission endoscopique 48 %), échecs aux anti‑TNF ou à l’ustékinumab (30 %), phénotypes inflammatoires ou fistulisants.
Au-delà du contrôle des symptômes, l'effet épargneur sur les corticoïdes de ce traitement souligne encore davantage sa valeur en clinique, en particulier pour les patients à la recherche d'alternatives à l'utilisation prolongée de corticoïdes.
Sur le plan symptomatique, plus de 40 % des non‑répondeurs cliniques à S12 évoluent vers une rémission à S48 sous traitement d’entretien par guselkumab SC, justifiant la poursuite du traitement indépendamment de la réponse initiale. Les marqueurs objectifs corroborent ces données : CRP et calprotectine fécale chutent significativement sous guselkumab versus les deux comparateurs dès la 16ᵉ semaine et se maintiennent jusqu’à un an.
Concernant la tolérance, les événements graves restent rares : 7 à 11 % sous guselkumab, 12 % sous ustékinumab, 15 % sous placebo, sans aucun décès et pas d’augmentation des infections opportunistes ni des cancers sous guselkumab (spécificité Th17 sans action Th1). Les taux d’anémie, de neutropénie ou d’élévation des transaminases ne diffèrent pas cliniquement entre les groupes.
Des perspectives de changement de pratique
Le design treat‑through, sans retrait randomisé, reflète le parcours réel : induction IV puis relais SC, évaluation continue, rescue limité. L’analyse primait chez les patients remplissant un seuil SES‑CD de sévérité, renforçant la pertinence endoscopique. Bien que sponsorisées, les études bénéficient d’une triple dissociation thérapeutique et d’une puissance > 90 % pour chaque coparamètre, conférant robustesse et cohérence entre GALAXI‑2 et ‑3.
Selon les auteurs, ces résultats positionnent le guselkumab (anti-IL23 spécifique) devant l’ustékinumab anti-IL12/23) dès la première ligne biologique, ou comme alternative chez les réfractaires aux anti‑TNF/anti‑intégrines.
À court terme, l’intégration aux recommandations internationales devrait s’accompagner d’un algorithme basé sur la signature IL‑23 et la sévérité endoscopique. À plus long terme, l’évaluation du guselkumab en association avec des stratégies de désescalade des corticoïdes ou de combinaison thérapeutiques (immunomodulateurs, petites molécules) explorera la potentialité d’une rémission sans corticoïdes durable et d’une prévention des complications structurales.