Hématologie
Lymphome à cellules du manteau en rechute : efficacité prometteuse du glofitamab
Le pronostic des patients atteints de lymphome à cellules du manteau (LCM) en rechute ou réfractaire (R/R), particulièrement après traitement par inhibiteurs de BTK (ibrutinib), est défavorable. La thérapie par CAR T-cells, bien qu’approuvée dans cette indication, impose quelques défis logistiques et peut être compliquée de toxicités potentiellement graves (syndrome de relargage de cytokines (SRC), syndrome neurotoxique associé aux cellules effectrices immunitaires (ICANS)). Les anticorps bispécifiques anti-CD3/CD20 pourraient ainsi être une alternative innovante pour ces patients. Les auteurs de cette étude de phase 1/2 ont évalué un traitement par glofitamab chez des patients atteints de LCM en R/R.
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Le lymphome à cellules du manteau (LCM) est une hémopathie lymphoïde B rare, avec un large éventail de manifestations cliniques et d'approches thérapeutiques, allant de la surveillance active pour les maladies asymptomatiques et cliniquement indolentes, à une immunochimiothérapie en urgence pour les variants agressifs associée à une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques et à un entretien par rituximab 1. Le traitement des rechutes (R/R) est un défi clinique, car la durée de la réponse diminue généralement après chaque rechute, et le pronostic est particulièrement défavorable chez les patients dont la maladie progresse après un traitement par inhibiteurs de BTK (BTKi).
L’administration de CAR T-cells est l’unique thérapie approuvée pour les patients ayant progressé sous BTKi, et peut être associée à des toxicités graves, tels que le syndrome neurotoxique (ICANS), et des contraintes logistiques peuvent limiter son accès 2. Dans ce contexte, les auteurs de cette étude de phase 1/2 ont évalué une monothérapie par un anticorps bispécifiques, le glofitamab, chez des patients atteints de LCM en R/R 3.
Une cohorte de LCM de stades avancés
Au 4 septembre 2023, 61 patients atteints de LCM en R/R ont été inclus dans cette étude. Soixante patients ont reçu le traitement à l’étude : 16 ont reçu 1000 mg d’obinutuzumab (puis le glofitamab à une dose cible de 16 mg pour 2 patients et 30 mg pour 14 patients), et 44 ont reçu 2 000 mg d’obinutuzumab (tous à une dose cible de glofitamab de 30 mg).
L’âge médian des patients était de 72 ans (41-86 ans), 53,3% avaient un PS ECOG à 1, et 86,7% étaient au stade III/IV d’Ann Arbor. Le nombre médian de lignes de traitement antérieures était de deux (1-5), 51,7 % avaient déjà reçu un traitement par BTKi, dont 58,1% l’avaient reçu comme dernier traitement. Par ailleurs, 73,3% étaient réfractaires à leur dernière ligne de traitement.
Une efficacité prometteuse à 12 mois
Avec un suivi médian de 19,6 mois, 60 patients sont évaluables (1 patient n’a pas reçu de traitement). Le taux de réponse complète (RC) est de 78,3% et le taux de réponse objective (RG) de 85%. Le délai médian pour la première réponse est de 42 jours. Onze patients sont passés d’une réponse partielle (PR) à une CR.
La durée médiane de la RC est de 15,4 mois, avec un taux de RC de 71% à 12 mois. La durée médiane de la réponse est de 16,2 mois, avec un taux de RG de 66,6% à 12 mois. La médiane de survie sans progression (SSP) est de 16,8 mois, avec un taux de SSP de 56,7% à 12 mois, tandis que la médiane de survie globale (SG) est de 29,9 mois, avec un taux de SG de 73,9% à 12 mois. Parmi les patients ayant reçu un BTKi, le taux de RC est de 71%, et le taux de RG de 74,2% (contre 86,2% et 96,6% pour les patients naïfs de BTKi).
Un profil de toxicité dominé par la neutropénie et les infections
Sur le plan de la tolérance, les principaux effets indésirables sont le syndrome de relargage cytokinique (SRC) (70%), la neutropénie (38,3%), la COVID-19 (31,7%) et la fièvre (31,7%). Les principaux effets indésirables de grade ≥3 étaient la neutropénie (23,3%), la pneumonie (11,7%), l’anémie (11,7%) et le SRC (11,7%). Huit patients (13,3%) ont eu une infection de grade 5, dont cinq décès liés à la COVID-19. Des interruptions de la dose de glofitamab ont été nécessaires pour 60% des patients, et 6,7% des patients ont dû interrompre le traitement à cause d’infections.
Les SRC sont plus fréquents dans le groupe recevant 1000 mg d’obinutuzumab et surviennent principalement lors des deux premiers cycles de traitement, avec un délai médian d’apparition de 9,7 heures après la première dose de glofitamab. Le SRC est principalement traité avec du tocilizumab (36,7%) et des corticostéroïdes (30%). Par ailleurs, des réactions liées à l’infusion ont été observées chez 16,7% des patients, et des effets indésirables neurologiques de type ICANS sont signalés chez 11,7% des patients (tous résolutifs).
Conclusion
Le traitement de durée fixe avec le glofitamab permet d’obtenir des taux élevés de RC chez des patients lourdement prétraités atteints de LCM en R/R, y compris après un traitement antérieur par BTKi. Les réponses sont durables après la fin du traitement, et le profil de sécurité est prévisible avec un taux de SRC plus faible après 2000 mg d’obinutuzumab. Une étude de phase 3 évaluera l’efficacité et la tolérance du glofitamab en comparaison au rituximab, en association au choix de l’investigateur (bendamustine ou lenalidomide), chez les patients précédemment traités avec un BTKi.
Références
- Maddocks K. Update on mantle cell lymphoma. Blood 2018;132:1647-56.
- Wang M, Munoz J, Goy A, et al. KTE-X19 CAR T-Cell Therapy in Relapsed or Refractory Mantle-Cell Lymphoma. N Engl J Med 2020;382:1331-42.
- Phillips TJ, Carlo-Stella C, Morschhauser F, et al. Glofitamab in Relapsed/Refractory Mantle Cell Lymphoma: Results From a Phase I/II Study. J Clin Oncol 2024:JCO2302470.











