Traitement
Certains médicaments affectent le microbiote même des années après
Des années après l’arrêt d’un traitement, certains médicaments comme les antidépresseurs ou les IPP continuent de modifier notre microbiote intestinal, selon une nouvelle étude.

- Par Stanislas Deve
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Antidépresseurs, bêta-bloquants, inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)... Et si les médicaments que vous avez pris il y a plusieurs années continuaient de modifier votre flore intestinale aujourd’hui ? C’est ce que révèle une nouvelle étude menée sur plus de 2.500 personnes en Estonie, qui remet en question l’idée selon laquelle les effets des traitements s’arrêtent avec la dernière pilule. Les travaux ont été publiés dans la revue de l’American Society of Microbiology.
Des empreintes durables sur le microbiote
Les chercheurs de l’université de Tartu disent ont analysé les données médicales et les échantillons de selles de participants, et ont observé que certains médicaments laissaient des traces durables sur le microbiote intestinal, parfois plus de trois ans après l’arrêt du traitement. Antidépresseurs, bêta-bloquants, inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et benzodiazépines figuraient parmi les plus médicaments qui altéraient le plus la flore digestive. Sur les 186 médicaments étudiés, 167 modifiaient la composition du microbiote pendant leur usage. Mais surtout, 78 d’entre eux – soit 42 % – présentaient des "effets rémanents", selon un communiqué.
Si les antibiotiques étaient déjà connus pour perturber la flore intestinale, les chercheurs ont été surpris de constater que les benzodiazépines (comme le Xanax ou le Valium), généralement prescrites contre l’anxiété ou les troubles du sommeil, avaient des effets similaires sur la diversité microbienne. Même constat pour les IPP, très courants contre les reflux gastriques, qui favorisent la présence d'espèces de bactéries buccales comme Streptococcus parasanguinis ou Veillonella parvula... dans l’intestin.
Une accumulation dans le temps
A noter également que les effets s’additionnent : plus une personne a pris de médicaments différents, plus son microbiote est altéré. Des analyses réalisées sur un groupe de participants suivis pendant quatre ans ont permis de confirmer ce lien de causalité : quand un volontaire commençait ou arrêtait un traitement, son microbiote évoluait en conséquence. Selon les chercheurs, ces effets retardés pourraient même fausser certains travaux liant le microbiote à des maladies, s’ils ne tiennent pas compte de l’historique médicamenteux des patients.
Attention, ces résultats n’impliquent pas qu’il faille renoncer aux traitements prescrits – leurs bénéfices demeurent prioritaires. Mais ils invitent à une réflexion plus nuancée : l’effet d’un médicament ne s’arrête pas toujours à la fin du traitement, et son impact sur le microbiote pourrait avoir des conséquences à long terme sur la santé.