Neurologie

Épilepsie de la personne âgée : « on passe à côté extrêmement souvent »

Bien que fréquente, l'épilepsie chez le sujet âgé est sous diagnostiquée. La faute notamment à une symptomatologie atypique. Un gérontopsychiatre, a livré, aux JASFGG des repères pratiques pour ne plus passer à côté de cette pathologie.

  • Madrolly/istock
  • 29 Nov 2022
  • A A

    « On passe à côté probablement extrêmement souvent », voilà comment le professeur Blain, gérontopsychiatre introduit sa présentation sur l'épilepsie chez le sujet âgé aux JASFGG (Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie). Alors que le diagnostic est assez simple chez le sujet jeune avec la survenue de crises généralisées bien reconnaissables, en gériatrie, la sémiologie est bien plus atypique.

    Le chef du pôle de gériatrie du CHU de Montpellier nous livre donc des repères pour mieux diagnostiquer l'épilepsie du sujet âgé, troisième cause de pathologie neurologique dans cette population, derrière les AVC et les maladies neurodégénératives. Il nous rappelle aussi la prise en charge en urgence avec une particularité bien spécifique du sujet âgé.

    Une présentation atypique mais des repères qui ne trompent pas 

    « Il y a beaucoup de signes devant lesquels il faut penser à l'épilepsie » insiste le Pr Blain. La liste des signes, souvent atypiques est longue. Le gériatre livre alors un repère pour éviter de passer à côté du diagnostic malgré cela : « là où il faut vraiment évoquer l'épilepsie c'est quand les symptômes sont stéréotypés et répétés ». Exemple : un patient qui présente à plusieurs reprises des paresthésies de la main, l'AIT est suspecté sur les premiers épisodes, mais la répétition doit ensuite alerter et faire évoquer des crises d'épilepsie.

    Pour revenir à la longue liste des symptômes évocateurs, sur le plan neurologique, le gériatre cite les pertes de connaissance brèves, les ruptures de contact, les hallucinations ou encore les paresthésies notamment au niveau des mains et de la face. Les symptômes peuvent aussi être d'ordre neuropsychiatriques avec de brefs épisodes de confusion ou de troubles du comportement. Plus rarement, l'épilepsie peut se manifester par des signes végétatifs.

    Autre élément clé pour aider au diagnostic : la présence de symptômes post-critiques. Là encore particularité de la personne âgée, la somnolence fréquente chez le sujet jeune n'est pas le plus courant en gériatrie. Les patients seront plutôt sujet à une phase de comportement inhabituel, de déambulation, de mal de tête, voire d’une incontinence de quelques heures. La répétition de tels épisodes inexpliqués doit donc là aussi faire évoquer le diagnostic.

    Prise en charge en urgence : prudence avec les benzodiazépines

    La prise en charge en urgence concerne particulièrement les crises généralisées. Bien que plus rares, elles peuvent tout de même survenir chez la personne âgée. Elles ont alors de plus graves conséquences que chez le sujet jeune. Savoir les prendre en charge rapidement et efficacement est donc essentiel.

    Pour commencer, deux réflexes de pratique : noter l'heure du début pour surveiller l'entrée dans un état de mal et, « réflexe absolu » insiste le Pr Blain, faire un dextro pour éliminer l'hypoglycémie.

    Se pose aussi la question d'appeler ou non le 15. Trois situations le nécessitent : une crise avec des blessures ou une cause grave avec une altération des constantes, un état de mal épileptique avec une phase tonico-clonique qui dure plus de 5 minutes et en cas de première crise. Quoi qu'il en soit, on installe le patient en position latérale de sécurité et on libère les voies aériennes supérieures.

    Concernant la place des benzodiazépines, prudence ! alerte le gériatre : « clairement si on peut ne pas faire de benzodiazépines, c'est mieux » insiste-t-il. En effet, cela augmente notablement le risque de complications respiratoires et aggrave ainsi le pronostic. Concrètement, on ne fait pas de benzodiazépines sauf si on a pris un avis médical auprès du 15 ou d'un autre médecin référent, si on a des consignes claires d'un neurologue dans le dossier ou si la crise tonico-clonique dure plus de 5 minutes ou que les crises sont répétées et rapprochées.

    Gériatrie penser iatrogénie

    Le Pr Blain insiste, avant de débuter un traitement anti-épileptique, souvent indiqué en cas de première crise chez une personne âgée : « il faut réviser l'ordonnance pour vérifier qu'on n'a pas mis quelque chose qui est à l'origine de la crise ».

    Parmi les traitements qui abaissent le seuil épileptique, il cite, de manière non exhaustive : les bétalactamines (les plus épileptogènes), les quinolones, le tramadol, les antidépresseurs et en général les antipsychotiques. Donc comme toujours en gériatrie, penser iatrogénie avant tout.   

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF