Infectiologie

Candidose généralisée : une découverte inédite sur le mécanisme d'invasion

Candida albicans est la levure responsable de la moitié des candidoses systémiques dont la mortalité globale avoisine 40%. Une mortalité qui pourrait baisser grâce à la découverte d'un « curieux » mécanisme impliqué lors de l'invasion de la levure à travers la paroi intestinale.

  • 09 Sep 2022
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    Levure bien connue, Candida albicans, est naturellement présente dans les muqueuses buccale, vaginale ou encore digestive. Le plus souvent non pathogène, elle peut toutefois conduire à des infections locales, bénignes, souvent rencontrées en pratique courante comme le muguet buccal ou les mycoses vaginales.

    Plus rarement, chez les personnes fragiles, notamment en cas d'immunodépression, elle peut devenir gravement pathogène. Elle traverse alors la paroi intestinale, passe dans le sang et peut alors infecter de nombreux organes, on parle alors de candidose systémique.

    De quelle manière l'invasion est-elle possible ? On fait le point sur l'étonnant phénomène, et ses potentielles implications cliniques, qu'une équipe de scientifiques de l'INSERM vient de découvrir à ce sujet.

    Ce que l'on savait déjà du mécanisme d'invasion  

    Lorsqu'elle devient gravement pathogène, la levure C. albicans change de forme. Elle passe de sa forme classique, ronde, à une forme filamenteuse capable d'infiltrer les tissus. Cette forme appelée « hyphe » colonise les parois intestinales, gagne la circulation sanguine et entraîne alors l'infection généralisée.

    Au niveau cellulaire, des travaux ont déjà étudié les étapes précoces de l'invasion. Ils ont montré que la levure se fixait aux cellules de la paroi intestinale via des molécules d'adhésion, puis a lieu la formation de l'hyphe qui envahit alors le tissu à proximité. Dans un premier temps, la progression de la levure est silencieuse : elle n'endommage ni cellules ni membranes. « Comment la levure peut-elle pénétrer dans les cellules sans les abîmer ? » s'est alors demandé Allon Weiner, chercheur au Centre d'immunologie et de maladies infectieuses à Paris. Un mystère qui est maintenant résolu grâce à ses recherches.

    La découverte d'un « processus d'invasion inédit »

    In vitro, le chercheur et son équipe ont mis en contact C. albicans avec différentes lignées cellulaires dont les entérocytes, les cellules de la paroi intestinale. Grâce à des appareils de microscopie permettant l'observation de l'invasion en temps réel et d’événements à l'échelle nanométrique, ils ont observé le « processus d'invasion inédit » qui permet la progression silencieuse de la levure à travers les cellules sans les détruire.

    Les hyphes repoussent les membranes des cellules qui forment alors les parois de tunnels transcellulaires. Ce que le chercheur explique de façon plus imagée et donc plus compréhensible : « c’est comme si votre doigt était l’hyphe et que vous l’enfonciez dans plusieurs ballons de baudruche superposés, jusqu’à les avoir tous traversés sans les crever ».   

    Quelles implications cliniques suite à cette découverte ?

    Les recherches montrent que la formation de ces fameux tunnels transcellulaires dure plusieurs heures. Les cellules ne commencent à être endommagées qu'au bout de 9 à 24 heures. Allon Weiner explique que ce début d'infection du fait de son caractère silencieux empêche le système immunitaire de bloquer l'infection à un stade précoce.

    En étudiant davantage ces mécanismes, il pense qu'il sera possible d'apprendre à contrer ce phénomène pour limiter les infections sévères. L'INSERM précise qu'il est « déjà au travail »

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    JDF