Pédiatrie

Hépatites infantiles inexpliquées : un lien indirect avec l’adénovirus 41

Deux études, aux États-Unis et en Angleterre, objectivent une réelle augmentation des cas d'hépatites infantiles inexpliquées, qui restent rares, et démontrent l’implication de l’adénovirus 41, un virus hivernal commun. Mais ce lien pourrait être indirect.

  • Ridofranz/istock
  • 14 Jul 2022
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    Selon l'Organisation mondiale de la santé, au moins 920 cas probables d'hépatites infantiles graves et inexpliquées, survenant chez des enfants préalablement en bonne santé, ont été détectés dans 33 pays, depuis octobre 2021. Environ 5% d'entre elles auraient nécessité une transplantation du foie et 18 décès ont été signalés.

    Jusqu'à présent, les causes de ces hépatites sont restées obscures et une part importante de ces cas reste inexpliquée, faisant craindre à certains un microbe émergeant de plus. Mais, il n'y a pas encore de consensus chez les experts sur la question de savoir si ces cas sont devenus plus fréquents.

    L’adénovirus 41 est le plus souvent associé

    Deux nouvelles études, publiées dans le New England Journal of Medicine, rapportent que deux centres hospitaliers pédiatriques, l’un aux États-Unis et l’autre en Grande-Bretagne, ont vu augmenter les admissions d'enfants atteints d'hépatite aiguë inexpliquée au cours de l’automne 2021.

    Les études apportent également des éléments de preuves montrant que l'adénovirus 41, qui provoque habituellement des symptômes gastro-intestinaux, pourrait être un facteur contributif à ces hépatites. Dans les deux études, des infections à adénovirus ont été détectées chez environ 90% des enfants testés, et les enfants qui ont développé une insuffisance hépatique aiguë, ou qui ont dû subir une transplantation, auraient des taux de virus dans le sang plus élevés que ceux qui avaient des formes moins graves… mais les enfants étaient porteurs également d’autres virus (rhinovirus, entérovirus et virus influenza…)

    Mais, dans aucune des deux études il n’a pu être établi que le virus se répliquait dans les cellules hépatiques recueillies par biopsie. Ceci suggère que, s'il existe un lien entre les infections à adénovirus 41 et ces hépatites, il pourrait ne pas être direct.

    Analyses détaillées et cohérentes

    L'un des articles du New England Journal of Medicine analyse les cas d'hépatite à l'hôpital pédiatrique de l’Alabama. Sur la période analysée de 5 mois (octobre 2021 à février 2022), l'hôpital a admis 9 enfants pour hépatite aiguë inexpliquée, soit 3 fois plus que pendant toute l'année précédente. Les échantillons de sang de ces neuf enfants ont été testés positifs pour un adénovirus et le séquençage génomique a identifié un adénovirus 41.

    En Grande-Bretagne, 44 enfants atteints d'hépatite aiguë inexpliquée ont été adressés au centre de transplantation hépatique pédiatrique de Birmingham entre le 1er janvier et le 11 avril 2022. Treize ont été admis, soit plus que le nombre d’enfants admis sur la même période (1 à 5) les années précédentes. Sur les 30 enfants testés pour l'adénovirus, 27 étaient positifs et l’analyse a révélé qu’il s’agissait d’un adénovirus 41. Mais, lorsque les scientifiques ont analysé les biopsies de foie de certains de ces enfants : il n’y avait aucune trace de protéines ou de particules virales dans les cellules hépatiques.

    Un lien indirect probable

    Ces 2 centres objectivent donc une augmentation des cas d’hépatites infantiles inexpliquées et un éditorial, associé aux 2 études du NEJM, revient sur la signification de ces dernières. L'hépatite a diverses causes, notamment des médicaments, des toxines, l'alcool, des maladies et les virus de l'hépatite A à E. Les adénovirus, une famille de virus qui provoquent généralement des syndromes grippaux, ne sont généralement pas associés à une hépatite chez les enfants en bonne santé.

    Si l'hépatite peut être néanmoins une conséquence rare des infections à adénovirus chez les immunodéprimés, les cas chez des enfants sains pourraient augmenter parallèlement à une élévation de la prévalence des infections à adénovirus dans la population (rattrapage après une année 2020 sans beaucoup de cas d’adénovirus du fait du confinement et du port du masque et du lavage des mains), ce qui semble avoir été le cas en Grande-Bretagne.

    Il est également possible que le virus ait changé, ou que d'autres facteurs, comme une infection préalable par la Covid-19 ou un autre virus, aient rendu certains enfants plus vulnérables à une infection ultérieure par l'adénovirus 41 : parmi les enfants testés en Grande-Bretagne, 28% des enfants seraient positifs pour le coronavirus, tandis que 38% auraient des anticorps anti-SARS-CoV-2.

    Nécessité de registres internationaux

    Ainsi, les nouveaux cas d’hépatite infantile ne représentent pas forcément l’émergence d’un agent infectieux nouveau et menaçant, mais ils ne peuvent être ignorés. Une possibilité serait que l’infection à adénovirus 41 déclencherait une réponse immunitaire anormale chez certains enfants, et que c'est cette réponse immunitaire, plutôt que le virus, qui endommagerait le foie.

    Un certain nombre d'experts ne sont pas encore convaincus qu'il existe un lien entre infection à adénovirus 41 et hépatites infantiles, ou même que l'incidence de l'une ou l'autre augmente : une étude récente des Centers for Disease Control and Prevention américains n'a, en effet, pas trouvé d’augmentation des hépatites infantiles inexpliquées globalement sur l’ensemble des États-Unis.

    Quoi qu'il en soit, une collecte et une analyse plus systématiques des cas d’hépatites infantiles sont nécessaires. C'est pourquoi des registres sont actuellement mis en place afin que de savoir s'il y a vraiment un nouveau virus qui nécessiterait la mise en place de mesures particulières.

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    JDF