Pneumologie

CBNPC : un diagnostic rapide mais un impact du délai de prise en charge discutable

L’impact du délai de la prise en charge des cancers non à petite cellule de stade trois et quatre est difficile à démontrer. Le délai diagnostic doit être le plus court possible mais l’allongement du délai de prise en charge n’entraine pas forcément de perte de chance. D’après un entretien avec Didier DEBIEUVRE.

  • 14 Jul 2022
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    Une étude néerlandaise, dont les résultats sont parus en mai 2022, dans Thorax, a cherché à évaluer l’impact du délai de mise en route du traitement des CBNPC de stades 3 et4 sur le pronostic et la survie. Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique, réalisée sur une large cohorte, dans un pays où l’accès aux soins ne pose pas de problème et n’impacte donc pas le délai prise en charge. La base de données utilisées comportait au total 58 312 patients, suivis de 2014 à 2019. Les patients inclus avaient un CBNPC de stade 3 ou 4 traités par chimio-radiothérapie, radiothérapie seule ou traitement systémique. Les patients ayant eu une mise en route du traitement immédiate ou supérieure à 180 jours, pour des raisons personnelles par exemple, ont été exclus. Au total, 10 306 patients ont été inclus, avec un âge moyen de 67 ans et une prédominance masculine. Parmi eux, 49% étaient attiens de CBNPC de stade 3 et 51 % de stade 4. Le délai entre la première visite ambulatoire de « suspicion » et la date de début du traitement a été évalué. Il a été en moyenne de 30 à 49 jours (avec une médiane de 37 jours pour les stades 3 et de 34 jours pour les stades 4), avec une hétérogénéité, selon les centres, allant de 17 à 68 jours. Les variables observées étaient l’âge, l’historique du cancer, le niveau socioéconomique, l’année du diagnostic, le performans status, l’histologie de la tumeur, la présence ou non de métastases, le type de radiothérapie, chimiothérapie ou traitement systémique ou encore l’utilisation de radiothérapie stéréotaxique. La survie globale a été calculée entre la date du début du traitement et la date de décès du patient ou la date de fin d’étude. Elle a été de 22 mois pour les patients de stade 3 et de 10 mois pour les patients de stade 4.

    Des résultats surprenants

    Le docteur Didier DEBIEUVRE, chef du service de pneumologie et oncologie thoracique du Centre Hospitalier Emile Muller de Mulhouse, explique, qu’intuitivement, le délai de mise en route du traitement après la découverte d’un CBNPC de stade avancé impacte le pronostic et que plus le diagnostic et la prise en charge sont rapides, plus le pronostic est favorable. Or, les conclusions de la littérature sur le sujet sont contradictoires. Il souligne que les résultats de ce travail sont surprenants par rapport à l’hypothèse initiale puisque l’on observe un moindre risque de décès après un long délai de traitement systémique ou par radiothérapie dans les CBNPC de stade3. Le bénéfice attendu avec le raccourcissement du délai n’est pas obtenu, au contraire. En revanche, en cas de CBNPC de stade 4 plus le délai est court en cas de traitement systémique, plus la survie est longue. Les délais de prise en charge allongés ont surtout été observés chez les sujets de plus de 80 ans, ayant bénéficié d’une chirurgie exploratrice ou d’une ponction transpariétale tandis que les délias les plus courts ont été observés chez les sujets en mauvais état général, traités par TKI ou métastatiques. Didier DEBIEUVRE insiste donc sur le fait que c’est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit. Ces paradoxes seraient expliqués par d’autres facteurs que ceux qui nt été mesurés dans cette étude, qui seraient des facteurs liés à a tumeur et au patient. Il insiste sur le fait que le délai de diagnostic doit être le plus bref possible. Les patients symptomatiques sont traités plus rapidement mais le bénéfice est moindre car il s’agit souvent d’une tumeur très agressive. Pour les patients traités par TKI, l’augmentation du délai de traitement n’impacte pas le pronostic ni la survie car ce sont des cancers à évolution lente. De plus, les techniques modernes de diagnostic comme le TEP scan ou la biologie moléculaire peuvent allonger le délai de prise en charge.

    Un diagnostic rapide mais pas de précipitation

    Didier DEBIEUVRE souligne que cette étude présente des limites car des données importantes sont manquantes. En effet, il n’existe aucune donnée sur la longueur des procédures diagnostiques, les comorbidités des patients, leur statut tabagique, leur fonction respiratoire ni leur statut psychosocial. Pour lui, l’idéal pour les axes futurs serait d’élaborer des études prospectives, en tenant compte des progrès thérapeutiques qui vont améliorer le pronostic. Un projet de travail en ce sens est déjà en cours. En effet, ce travail a été réalisé entre 2014 et 2019, et les thérapeutiques actuelles n’étaient pas encore toutes sur le marché.   Il est nécessaire d’insister davantage sur le stade du cancer, le type de tumeur, l’intention de traitement, les comorbidités, l’histologie et les mutations. Pour Didier DEBIEUVRE, il ne faut donc pas forcément se précipiter à traiter mais apporter le traitement juste.

    En conclusion, ces résultats confirment les données paradoxales observées dans la littérature et la question d’étudier d’autres facteurs se pose pour évaluer le réel impact du délai de prise en charge sur la survie. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de s’astreindre à obtenir un diagnostic le plus rapide possible.

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    JDF