Rhumatologie

Monoarthrite séronégative : le diagnostic jamais posé dans un cas sur 2

Après l’urgence de la ponction articulaire à la phase aiguë, le diagnostic d’une monoarthrite séronégative subaiguë ou chronique est un long parcours qui n’aboutit pas dans près d’un cas sur 2 encore actuellement.

  • dimid_86/istock
  • 07 Jan 2022
  • A A

    Devant une monoarthrite aiguë (à ne pas confondre avec une périarthropathie), le médecin ne se pose généralement que peu de questions car c’est une urgence et l’articulation doit être ponctionnée au plus vite pour examen direct du liquide articulaire (arthrite, hémarthrose, cristaux…) et mise en culture avec recherche de germes et de microcristaux. A noter, que la découverte de microcristaux à l’examen direct n’élimine pas forcément le diagnostic d’arthrite septique car les 2 affections peuvent coexister. Un test PCR peut aussi être effectué dans le liquide synovial si la coloration de Gram et les cultures du liquide synovial, voire de la biopsie synoviale, donnent des résultats négatifs et qu'il y a un contexte d'infection.

    Au final, la décision de ne pas effectuer de ponction articulaire diagnostique est la cause la plus fréquente d'erreurs de diagnostic dans ce contexte de monoarthrite aiguë.

    Pourtant, après élimination d’une arthrite septique sur la culture du liquide articulaire voire de la biopsie synoviale, le diagnostic est ensuite souvent difficile, car contrairement à la polyarthrite, seules quelques données cliniques sont disponibles et le spectre diagnostique est extrêmement large.

    Un tableau toujours inquiétant

    Une monoarthrite inflammatoire subaiguë ou chronique est l’un des diagnostics les plus compliqués de la rhumatologie. Plus probablement de cause inflammatoire au stade subaigu, le clinicien n’est jamais tout-à-fait débarrassé d’une arrière-pensée infectieuse, de plus, un rhumatisme inflammatoire chronique pouvant aboutir à une destruction articulaire est parfois difficile à éliminer.

    Surtout, l’absence de diagnostic complique singulièrement le traitement.

    Une démarche rigoureuse

    Les patients doivent donc avoir d’emblée une anamnèse détaillée, qui peut orienter les examens complémentaires, d'un examen clinique approfondi à la recherche de localisations extra-articulaires parfois cachées et d’examens complémentaires pertinents, interprétés à la lumière du contexte clinique. Il faut en effet être prudent dans l'interprétation de certains tests sérologiques, en raison des résultats faussement positifs ou négatifs.

    Les progrès récents de l’imagerie sont d’un apport essentiel dans le bilan d’une monoarthrite séronégative, en trouvant des lésions pré-radiologiques à l’IRM, en découvrant des atteintes inflammatoires synoviales (ou ténosynoviales) ailleurs à l’échographie ou en trouvant des localisations extra-articulaire au PET-scan.

    Remettre en cause le diagnostic

    Le tableau clinique pouvant évoluer avec le temps, l'histoire et l'examen clinique du patient doivent être revus à intervalles réguliers, sans hésiter à remettre en cause un cadre diagnostique trompeusement rassurant. L'utilisation initiale à l’aveugle des corticoïdes doit être évitée car elle complique notoirement la démarche. Un traitement symptomatique et probabiliste avec des évaluations fréquentes, et le temps, sont parfois les clés du diagnostic.

    Les méthodes d'imagerie performantes sont indispensables chez les personnes avec atteinte monoarticulaire non ou peu inflammatoire. L'imagerie par résonance magnétique est ainsi l’examen de référence pour diagnostiquer une synovite villonodulaire, une arborescence de lipomes, une nécrose avasculaire, une arthropathie neuropathique….

    Séronégative un jour, séronégative toujours ?

    Mais la plupart des études de suivi prolongée sur les monoarthrites séronégatives, comme sur les oligoarthrites séronégatives, doivent nous inciter à la modestie. Dans une analyse rétrospective de 501 dossiers de monoarthrites séronégatives, suivis sur une période de trente ans, le pourcentage d'arthrites dont le diagnostic est resté incertain est de 48% (n = 246). Un diagnostic a été possible dans 26% grâce à la ponction et dans 47% grâce à la biopsie synoviale. La numération-formule-sanguine et la vitesse de sédimentation n'ont été d'aucune aide pour le diagnostic.

    Au bout de 30 ans, 119 des 246 cas de monoarthrite d'origine inconnue sont devenus indolores (48,4%), généralement après quelques années. L'influence de l'âge ou du sexe n'a pas pu être mise en évidence dans ce groupe de patients. Cependant, les patients les plus jeunes avaient tendance à ne plus ressentir de douleur (73% dans le groupe des moins de 10 ans).

    Le pourcentage de diagnostics est encore plus bas dans une autre étude suisse de suivi sur 8 ans en moyenne, avec un diagnostic dans moins de 5% des cas et une résolution complète des symptômes dans 9 cas sur 10.

    Un traitement symptomatique

    Selon la littérature, les monoarthrites chroniques d'étiologie inconnue régressent dans environ 70% des cas après un an, dans environ 80% après deux ans et dans environ 90% après trois ans, et dans la grande majorité sans laisser de signes de destruction.

    Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les injections de corticoïdes intra-articulaires, la synovectomie ou la synoviorthèse, peuvent soulager temporairement les symptômes et les signes d'inflammation. Ils n'ont jamais prouvé qu'ils pouvaient modifier l'évolution de la maladie, quelle que soit la durée ou l'étendue de la destruction clinique ou radiologique finale. Mais il faut se souvenir que les polyarthrites rhumatoïdes séronégatives, même moins agressives que les séropositives, sont quand même responsables de destructions articulaires.

    Il faut espérer que les progrès dans le développement de biomarqueurs vont finir par combler le fossé entre l'arthrite séronégative et l'arthrite séropositive.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF