Rhumatologie

Maladies auto-immunes et polyarthrite : la vitamine D réduirait les risques

Une supplémentation en vitamine D, et peut-être en acides gras oméga-3 (dérivés de l'huile de poisson), semble prévenir le risque de maladies auto-immunes, et en particulier de polyarthrite rhumatoïde. C’est le résultat de la 1ère étude prospective randomisée sur 5 ans.

  • Aliseenko/istock
  • 09 Nov 2021
  • A A

    L’étude VITAL est un essai multicentrique, randomisé sur près de 26 000 adultes, conçu initialement pour étudier les effets d’une supplémentation en vitamine D et en acides gras oméga-3 sur l'incidence des cancers et des maladies cardiovasculaires. Une analyse ancillaire a été ajouté pour analyser en parallèle le bénéfice éventuel de ces supplémentations sur le risque de survenue d’une maladie auto-immune.

    Au terme de cette analyse de 5 ans, la supplémentation prolongée en vitamine D (2000 UI/jour) est associée à une réduction significative de 22% du risque de maladies auto-immunes incidentes confirmées, et la supplémentation prolongée en acides gras oméga-3 (1 gramme/jour) est associée à une réduction non significative de 15% des maladies auto-immunes incidentes confirmées.

    L'importance clinique de ces résultats pourrait être majeure, selon les auteurs, dans la mesure où il s'agit de suppléments alimentaires connus et bien tolérés, et qu'il n'existe pas d'autres traitements connus pour réduire l'incidence des maladies auto-immunes. Cette analyse ancillaire de l’étude VITAL a été présentée en séance plénière lors du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR 2021) (Abstract 0957).

    La 1ère étude randomisée

    Malgré de nombreuses données observationnelles, dont des données françaises sur la maladie de Crohn, il n'y a pas eu d'essais prospectifs randomisés pour tester les effets d’une supplémentation en vitamine D ou en acides gras oméga-3 sur l'incidence des maladies auto-immunes. Costenbader et son équipe ont donc réalisé une étude ancillaire sur le risque de maladie auto-immune en parallèle de l’étude VITAL (Vitamin D and Omega-3 Trial), financée par le National Institute of Heath des Etats-Unis, et qui visait principalement à analyser l’impact de cette supplémentation sur l'incidence des cancers et des maladies cardiovasculaires.

    Au total, 25 871 participants ont été recrutés, dont 12 786 hommes âgés de 50 ans et plus et 13 085 femmes âgées de 55 ans et plus. L'étude avait un plan factoriel 2 x 2, les patients étant répartis au hasard entre 4 groupes : vitamine D 2000 UI/jour ou placebo, puis répartis au hasard entre acides gras oméga-3 (1 gramme/jour ou placebo dans les deux bras de randomisation initiaux. Les groupes ont été parfaitement randomisés et 16 956 participants ont fait initialement l'objet d'un dosage de la 25-OH vitamine D et de l'indice oméga 3 plasmatique (rapport entre l'acide eicosapentaénoïque (EPA) et l'acide docosahexaénoïque (DHA) et les acides gras totaux).

    Réduction du risque de maladie auto-immune

    Au bout de 5 ans de suivi, 123 patients du groupe vitamine D ont eu une maladie auto-immune incidente confirmée, contre 155 dans le groupe placebo, ce qui se traduit par un hazard ratio réduit significativement en faveur de la vitamine D (HR = 0,78 ; p = 0,045).

    Dans le groupe oméga-3, 130 participants ont développé une maladie auto-immune, contre 148 dans le groupe placebo, ce qui se traduit par un HR non significatif de 0,85.

    Ces données s’améliorent encore pour les 2 suppléments si on inclut non seulement les maladies auto-immunes confirmées mais aussi les probables, et si on exclut de l’analyse les 2 premières années où les courbes se superposent. Significatifs ou pas, tous les groupes intervention sont en amélioration par rapport au placebo.

    Pas d’interaction entre les suppléments

    Il n'y a pas eu d'interaction entre les deux suppléments selon l’analyse statistique, mais il existerait une interaction entre la vitamine D et l'indice de masse corporelle, son effet étant plus fort chez les participants ayant un faible IMC (p = 0,02). Il y aurait également une interaction entre les acides gras oméga-3 et les antécédents familiaux de maladie auto-immune (p = 0,03).

    Dans une analyse multivariée, ajustée en fonction de l'âge, du sexe, de la race…, la vitamine D seule est associée à une réduction du risque de maladie auto-immune de 0,68 (p = 0,02), les oméga-3 seuls sont associés à une réduction du risque de 0,74 (NS) et l'association est associée à une réduction du risque de 0,69 (p = 0,03).

    Quand on regarde les maladies auto-immunes individuellement, la diminution du risque de polyarthrite rhumatoïde serait de 42% et celle de la pseudo-polyarthrite rhizomélique de 30% mais les différences ne sont pas significatives peut-être en raison du petit nombre d’évènements (14 vs 24 pour la PR et 30 vs 43 pour la PPR).

    Intérêt préventif confirmé de la vitamine D

    La vitamine D est une hormone qui, quand elle se lie sur son récepteur cellulaire, a de nombreuses actions régulatrices sur les gènes impliqués dans l’inflammation et l’immunité, autant innée qu’acquise.

    L’implication d’un déficit de vitamine D dans l’auto-immunité a été évoquée en raison d’un gradient Nord-Sud sur l’incidence des maladies auto-immunes et d’études observationnelles comme une étude française sur la maladie de Crohn, qui montre que son incidence diminue avec l’exposition à la vitamine D, et une étude de la Nurses’ Health Study, qui a trouvé une association entre exposition solaire ou taux élevés de vitamine D dans le sang et une réduction du risque de polyarthrite rhumatoïde.

    Des preuves observationnelles sont plus ténues pour les oméga-3 mais elles existent également.

    Un délai avant la réduction de l’auto-immunité

    Dans l’étude VITAL, la dissociation des courbes se produit au bout de 3 ans pour la vitamine D et 2 ans pour les oméga-3 et les personnes qui se supplémentent doivent donc prendre les suppléments pendant ce temps avant de commencer à voir un bénéfice avec la vitamine D. Un inconvénient possible donc, mais les maladies auto-immunes se développent lentement avec le temps et, par ailleurs, ces suppléments ont d'autres avantages pour la santé : l'huile de poisson serait anti-inflammatoire et la vitamine D est utilisée en prévention de l'ostéoporose.

    Il s’agit d’une étude ancillaire et elle a été menée chez des personnes qui n’étaient pas à haut risque de maladie auto-immune et qui étaient plutôt âgées (plus de 50 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes), car le but poursuivi principalement dans VITAL était la prévention des cancers et des maladies cardiovasculaires. Mais, telle qu’elle est, VITAL est la première grande étude randomisée sur l’intérêt de la vitamine D et c’est la plus forte preuve de l’intérêt de la vitamine D en prévention des maladies auto-immunes. Je ne serai probablement pas le seul à prendre de la vitamine D désormais.

    L’étude se poursuit à travers un simple suivi des malades du fait de la très bonne tolérance des 2 suppléments

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF