Médecine générale

Vaccin anti-Covid-19 : peut-on retarder ou pas la 2ème dose ?

L’urgence sanitaire, qui incite à vacciner rapidement le plus grand nombre possible de personnes, notamment fragiles, se heurte aux limites de production des vaccins contre la Covid-19. Une situation qui a conduit certains pays à allonger le délai entre les deux doses vaccinales, stratégie qui reste débattue.

  • Ridofranz/istock
  • 11 Jan 2021
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    La médecine fondée sur les preuves suppose d’appliquer dans la vraie vie les conditions de délivrance d’un médicament ou d’un vaccin selon le protocole validé dans les études cliniques. La question d'un espacement des doses des vaccins contre la Covid-19 se pose partout dans le monde.

    Jusqu’à 12 semaines pour les britanniques, 6 semaines en France

    Une fois de plus, la Covid-19 fait exception. Urgence épidémique oblige, les autorités britanniques ont été les premières à proposer fin décembre dernier d’allonger l’intervalle entre les deux doses vaccinales à 12 semaines, au lieu des 3 à 4 semaines des protocoles d’études, afin de permettre de délivrer une première dose vaccinale à une majorité de personnes à risque.

    Suivant l’avis de l’Agence européenne du médicament, le Danemark, puis la France, ont il y a quelques jours également, adopté une stratégie de décalage de doses, toutefois moins extrême, en repoussant jusqu’à 6 semaines le délai de la 2è dose vaccinale. De son côté la Food and drug administration estime pour l’instant que les données actuelles ne permettent pas de justifier d’un espacement des injections.  

    Ce que disent les essais cliniques

    Dans un avis publié dans le BMJ, Gareth Lacobucci et Elisabeth Mahase, deux experts britanniques, font justement le point sur les données disponibles.

    Les essais menés avec le vaccin Pfizer/BioNTech n’ont évalué, ni un espacement de doses, ni une dose versus deux doses, point que rappellent d’ailleurs les industriels concernés. Pour proposer un espacement de doses, les experts britanniques se sont basés sur des analyses post-hoc suggérant que la protection conférée par le vaccin débutait environ 10 jours après la première dose, pour atteindre en moyenne 89% entre J15 et J21.  Un niveau de protection jugé suffisamment élevé pour retarder l’injection de rappel.

    La situation est différente pour le vaccin Oxford-Astra-Zeneca, pour lequel les essais ont évalué plusieurs intervalles entre les deux doses vaccinales. L’analyse des données montre que l’immunité conférée 2 semaines après la seconde dose est plus élevée lorsqu’elle a été administrée plus de 6 semaines après la première.  Après une seule dose, l’efficacité du vaccin contre les formes symptomatiques de Covid-19 serait de 73%.

    Des vaccins différents

    Au-delà des données issues des essais cliniques, certains experts soulignent que l’expérience acquise avec d’autres types de vaccins à ADN plaide en faveur d’un possible espacement des doses.

    Dans le cas du vaccin Pfizer/BioNTech, premier vaccin à ARNm, on ne peut se baser sur aucune expérience clinique antérieure, rappellent de leur côté John Robertson et al. dans une lettre au BMJ.  La durée de survie de l’ARNm après une première injection est inconnue.

    Des données colligées sur des modèles animaux rapportent une baisse importante de la production d’anticorps neutralisants à J28, avec un effet booster important d’une seconde injection avant la fin de cet intervalle de 28 jours. La décaler pourrait avoir un impact sur la qualité de l’immunité conférée.   

    Le mieux ennemi du bien ?

    Au total, vacciner rapidement plus de personnes avec une seule dose vaccinale plutôt que moins de personnes avec le schéma validé dans les essais efficace à plus de 95% pourrait finalement avoir des effets plus délétères que bénéfiques à l’échelle de la population, mettent en garde ces experts.

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    JDF