Diabétologie
COVID-19 : quel impact sur le diabète ?
L’épidémie de COVID-19 occupe tous les esprits et une grande majorité des sujets de recherche en ce début d’année. A l’heure où les hôpitaux français s’apprêtent à affronter un pic, quels liens peut-on faire entre ce coronavirus et diabète ?
- Powerofflowers/istock
Le monde vit à l’heure du COVID-19 et les Français suivent au jour le jour le durcissement des mesures sanitaires appliquées par les autorités pour limiter l’ampleur et la portée de l’épidémie. Le discours du président de la république Emmanuel Macron du jeudi 12 mars a probablement marqué un tournant dans la prise de conscience de la gravité de la situation notamment du fait de l’annonce de la fermeture des écoles.
Mais vos patients diabétiques ont probablement été marqués par cette phrase: « Dans l'immense majorité des cas, le Covid-19 est sans danger, mais le virus peut avoir des conséquences très graves, en particulier pour celles et ceux de nos compatriotes qui sont âgés ou affectés par des maladies chroniques comme le diabète, l'obésité ou le cancer. ». Depuis, nous sommes nombreux à être sollicités par nos patients qui s’inquiètent du risque qu’ils encourent.
Les données scientifiques
Les données disponibles sont encore bien maigres pour savoir exactement quel lien exact il existe entre gravité de l’infection et diabète. On sait cependant d’une des premières études chinoises que 20% des patients nécessitant une hospitalisation était diabétique faisant du diabète la 2èmecomorbidité la plus fréquente après l’HTA. Plus inquiétant, un diabète était présent chez 31% des patients décédés (2ème comorbidité après l’HTA à 48%). Ainsi, le diabète est associé à un risque de mortalité de 2,85 ; un risque important mais moindre tout de même que la présence d’une BPCO (OR à 5,40), une cardiopathie ischémique (OR 21,40) ou une HTA (OR 3,05).
D’autres données, chinoises également, publiées récemment relativise un peu ces résultats avec un risque augmenté de syndrome de détresse respiratoire aigue (SDRA) chez les diabétiques (HR 2,34, p<0,002) mais sans augmentation significative de la mortalité (HR 1,58, p=0,19).
Maladie hétérogène
Evidemment, ces données restent très préliminaires et il est difficile de savoir si ces facteurs sont des facteurs de risque indépendants ou liés à l’âge et à un certain degré de fragilité. C’est particulièrement le cas pour le diabète, maladie hétérogène à la fois dans ses origines (type 1, type 2, autres), l’équilibre glycémique, les types de traitements, la présence ou non de complications ou de comorbidités.
Une hypothèse explicative entre HTA, diabète et gravité de l’infection a été récemment soulevée. Elle impliquerait les traitements par bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone (IEC et sartans). En effet, ces classes thérapeutiques entrainent une augmentation de l’expression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) qui se trouve être une porte d’entrée cellulaire du virus dans la cellule. La prise de ces traitements, fréquente chez les diabétiques, hypertendus ou coronariens, pourrait donc favoriser l’infection et ses formes sévères (Fang L et al. Lancet Respir Med 2020).
Cette hypothèse reste cependant purement théorique et il faut se garder d’arrêter systématiquement ces traitements à nos patients au risque de décompenser leur hypertension. La société européenne de cardiologie (ESC) a d’ailleurs fermement appelé à ne pas arrêter ces traitements en l’absence de preuve scientifique solide pour étayer cette hypothèse, rappelant même que des données expérimentales chez l’animal suggéreraient un rôle protecteur de ces molécules contre les complications pulmonaires sévères du COVID-19.
Des réponses nuancées
Mais que répondre à nos patients inquiets ? Le risque est-il vraiment augmenté chez un diabétique de type 1 de 35 ans à 7,3% d’HbA1c, sans complications ni comorbidités ? On serait tenté de penser que non. Il faut donc à la fois rassurer sans banaliser le risque d’une infection dont presque 50% des cas mortelle surviennent chez les moins de 60 ans. La SFD vient de mettre sur son site un état des lieux qui donnent des éléments de réponses (https://www.sfdiabete.org/actualites/medical-paramedical/covid-19-et-diabete-etat-des-lieux).
Notre 1er devoir est sans doute de rappeler et d’insister sur les mesures de protections contre le risque d’infection qui sont les mêmes que celles de la population générale. Dans le cas d’une infection dont la plupart des cas restent non graves, ambulatoires, il faut aussi rappeler à nos patients que l’infection même non sévère peut décompenser le diabète et il est donc nécessaire de rester très vigilant sur l’équilibre glycémique et la présence de cétone.
Il convient alors de rester disponible pour les aider (à distance) à gérer ce déséquilibre et leur rappeler la nécessité de disposer d’au moins 15 jours de traitement devant eux afin de faire face en cas de difficulté à se déplacer. Dans cette optique de soins et d’accompagnement à distance imposés, plusieurs services de diabétologie ont mis en ligne un site internet dédié aux patients diabétiques en période d’épidémie de coronavirus, covidiab. Ce site se veut une plateforme à la fois de télé-accompagnement simplifié et d’informations mises à jour régulièrement à destination des patients diabétiques en cette période à risque.
Toute l’équipe de la rédaction se joint à moi pour souhaiter bon courage aux personnels soignants dans ce combat en cours face à cette crise sanitaire. Nous espérons que les patients diabétiques comme tous les malades et non malades ne paieront pas un lourd tribu.








