Diabétologie
iSGLT2 non-remboursés : la position de la HAS est une vraie perte de chance
Les autorités de santé ont rendu une décision provocatrice en énonçant que les inhibiteurs du SGLT2 risquaient « d’exposer les malades diabétiques à une perte de chance ». Une position isolée de la HAS, que la Société Francophone du Diabète juge scientifiquement infondée.
- ADragan/istock
Au cours des dernières années, les stratégies de prise en charge du diabète de type 2 se sont enrichies de l'apport de nouvelles classes thérapeutiques, et en particulier celle des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2). Les grands essais prospectifs qui ont été menés avec les iSGLT2 ont inclus des diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire : soit une maladie cardiovasculaire athéromateuse avérée, soit un cumul de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels.
Au-delà de l'effet sur la glycémie, les trois essais disponibles actuellement ont démontré la supériorité des différents ISGLT2 versus placebo en ce qui concerne la protection cardiovasculaire et rénale, ainsi que l'incidence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
Dans les dernières recommandations internationales de l'American Diabetes Association et de l'European Association for the Study of Diabetes, publiées fin 2018, cette classe thérapeutique est ainsi désormais recommandée dès la bithérapie après échec de la metformine, et ultérieurement, dans les associations thérapeutiques plus complexes.
Effets indésirables et sécurité d'utilisation
Selon les dossiers de sécurité cardiovasculaire de ces iSGLT2, la majoration du risque d'infections génitales est la seule manifestation indésirable retrouvée systématiquement dans les grands essais et en vie réelle. Ces infections sont généralement bénignes, aisément traitables et rarement récidivante.
La FDA a, par ailleurs, récemment mis en garde (août 2018) vis-à-vis d'un possible risque accru de fasciite nécrosante du périnée (« gangrène de Fournier ») suite au signalement de 12 cas survenus chez des patients DT2 traités par iSGLT2 en vie réelle (sur 1 millions de diabétiques traités aux Etats-Unis par cette classe). Ces situations, qui n’ont pas été observées dans les essais cliniques, imposent une hospitalisation systématique et une prise en charge incluant des interventions chirurgicales délabrantes : les conséquences ont été sévères, dont un décès des suites de l'infection. Une modification du RCP des iSGLT2 a été proposée pour informer de ce risque infectieux et inciter les patients qui ont des signes inflammatoires des régions génitales et scrotales ou une fièvre élevée à consulter rapidement.
Des acidocétoses et des amputations éventuelles
D'autres manifestations indésirables ont été également observées avec les iSGLT2, notamment des cas d'acidocétose. Ces acidocétoses sont un peu particulières car elles sont souvent accompagnées d'une glycémie peu ou pas élevée. Si ce risque est doublé avec les ISGLT2, l'incidence des acidocétoses reste cependant très faible chez les patients DT2 traités par iISGLT2. De plus, elles ne surviennent que dans des conditions particulières : notamment en période post-chirurgicale immédiate (situation qui doit faire interrompre le traitement) ou chez des patients DT2 très insulinopéniques et privés d'insuline.
Enfin, un doublement du risque d'amputations distales des membres inférieurs a été observé uniquement dans les grandes études de la canagliflozine ce qui a conduit les agences réglementaires (FDA et EMA) à émettre des mises en garde, même si le nombre absolu d'événements reste faible. Plusieurs questions restent encore actuellement sans réponse : cet effet est-il propre à une seule molécule (canagliflozine) ou est-ce un effet de classe des iSGLT2 ? Quel en serait le mécanisme causal ? (hypovolémie ou une autre cause ?)
En pratique
Par prudence, les iSGLT2 ne devraient donc pas être prescrits chez les DT2 avec des antécédents d'infections urogénitales récurrentes, d'artériopathie sévère des membres inférieurs ou d'amputation. Mais, mises à part les infections mycotiques génitales, les autres manifestations indésirables surviennent, soit avec une incidence très faible (acidocétose), soit demandent confirmation (amputations).
Ces effets indésirables ne devraient donc pas être une raison pour priver les patients DT2 à haut risque cardiovasculaire ou rénal de cette nouvelle option thérapeutique qui a démontré des effets cardioprotecteurs et néphroprotecteurs incontestables.
Place des iSGLT2 dans les recommandations internationales
La plupart des recommandations internationales positionnent donc les inhibiteurs du SGLT2 en première ligne en cas d'intolérance où de contre-indication à la metformine, en deuxième ou troisième ligne, ainsi qu'en association avec l'insuline.
Dans le consensus publié fin 2018 par des experts européens (EASD) et américains (ADA), l'approche proposée prend en compte, en priorité, la présence ou non d'une complication cardiovasculaire athéromateuse, d'une insuffisance cardiaque ou d'une atteinte rénale pour décider du choix du médicament à ajouter au traitement de base par metformine. En présence de ces comorbidités, la prise de position de l'ADA et de l'EASD privilégie la prescription d'un agent ayant démontré un effet de protection cardiovasculaire (et rénale), à savoir un iSGLT2 où un agoniste des récepteurs du GLP1.
Cas particulier de la France
A ce jour (premier trimestre 2019), les iSGLT2 sont commercialisés dans plus de 80 pays à
travers le monde, mais toujours pas en France en dépit de l'autorisation de mise sur le
marché européenne obtenue en 2014 (trois molécules de la classe sont associées à des données de bénéfices cardiovasculaire et rénaux : une quatrième est en cours d'évaluation).
La Commission de la Transparence considère à ce jour (dans l'attente d'une prochaine réévaluation) que ces molécules n'apportent aucune amélioration du service médical rendu voire qu’elles pourraient être responsables d’une « perte de chance ».
S'il est nécessaire de poursuivre une pharmacovigilance attentive, le rapport bénéfices/risques des iSGLT2 est aujourd'hui hautement favorable, en particulier au plan cardiovasculaire et la fréquence des effets indésirables rapportés ne devrait pas priver les patients français DT2 à haut risque cardiovasculaire ou rénal de cette nouvelle option thérapeutique.
Selon la prise de position de la Société Francophone du Diabète, la décision de la commission de transparence est provocatrice et c’est priver les malades à haut risque cardiovasculaire et rénal qui constitue une vraie perte de chance !
D’après un article et une communication du Pr Patrice Darmon (Marseille) présentée au congrès annuel de la Société Francophone du Diabète, à Marseille.








