Rhumatologie

Spondylarthrite : un diagnostic trop tardif qui peut être accéléré

Alors que la démarche diagnostique est désormais bien définie, le diagnostic de spondylarthrite reste trop tardif. Ce retard au diagnostic et à un traitement adapté est préjudiciable pour les malades.

  • dragana991/istock
  • 03 Déc 2018
  • A A

    Plus de 7 personnes sur 10 auront mal au dos au cours de leur vie, le plus souvent par épisodes ou par crise, mais parfois de manière chronique. Dans la majorité des cas, la cause est liée à un désordre plus ou moins dégénératif de la colonne vertébrale. Mais dans environ 5 à 10 % des cas, la cause peut être liée à une maladie inflammatoire chronique : il s'agit alors d'une « spondylarthrite », ou « spondyloarthrite » pour les puristes.

    Au-delà des subtilités sémantiques, le vrai problème est que ce retard diagnostique peut être responsable d’un handicap définitif par défaut d’utilisation des traitement adaptés et installation d’une véritable ankylose. L’évocation précoce du diagnostic de spondylarthrite en médecine générale est donc essentielle et l’analyse des signes est fondamentale, mais finalement assez simple.


    Un changement de présentation

    Dans les années 50-60, la spondylarthrite était une maladie essentiellement masculine qui ankylosait la colonne vertébrale et s’accompagnait d’une atteinte sacro-iliaque et de la présence dans le sang du HLA B27. Mais, les possibilités de traitement à ce stade étaient limitées et la progression des connaissances a tout remis en question.

    La découverte des formes frustes a bien montré que la spondylarthrite était aussi fréquente chez les femmes que chez les hommes, le sexe masculin constituant plutôt un facteur de risque d’enraidissement ou d’arthrite. Le HLA B27 est retrouvé chez plus de 7% de la population française normale alors que les spondylarthrites représentent moins de 0,5% de cette même population, donc ce n’est pas un critère diagnostic très intéressant. Enfin, l’ankylose est de moins en moins fréquente dans les spondylarthrites diagnostiquées en France et certaines maladies frontières (psoriasis, maladies inflammatoires du colon et de l’intestin, arthrites réactionnelles) ont des caractères communs à la spondylarthrite qui nécessite des prises en charge voisines.


    Un changement de diagnostic

    Devant un mal de dos (lombalgie) chronique, il faut évoquer une spondylarthrite en fonction de 3 questions :

    La première question porte sur les douleurs lombaires chroniques : il faut évoquer une spondylarthrite devant des douleurs lombaires chroniques de survenue progressive et sans facteur déclenchant chez une personne de moins de 45 ans (a douleur survenant brutalement après un effort mobilisant le dos est donc exclue de ce cadre). Que la personne souffrante soit un homme ou une femme, il convient de demander : « À quelle heure le dos fait-il le plus mal : le matin ou le soir ? ». Si la réponse à cette question est : « le matin », si cette douleur peut être responsable de réveils dans la 2ème partie de la nuit ou le matin de bonne heure (douleur « réveil-matin »), si elle s’accompagne le matin d’une raideur du dos qui dure au moins une demi-heure (« dérouillage matinal ») et s’estompe ensuite dans la journée. Si cette douleur est soulagée à au moins 50% en moins de 24 à 48 heures par un simple anti-inflammatoire non-stéroïdien… la question de la suspicion d’une lombalgie inflammatoire ne se pose plus.

    La deuxième question est celle de la présence associée d’autres signes rhumatologiques comme des arthrites, avec gonflement et liquide articulaire inflammatoire, une tendinite qui correspond à une enthésite inflammatoire (horaire matinal), ou un gros doigt/orteil gonflé comme « une saucisse » (« dactylite »).

    La troisième question est celle de l’existence de signes extra-articulaires associés qui augmentent la probabilité que la lombalgie chronique et inflammatoire soit une spondylarthrite. Sont évocateurs des épisodes d’œil rouge à répétition et à bascule, surtout s’ils sont authentifiés par un ophtalmologue comme étant des « uvéites » (ou inflammation de la chambre antérieure de l’œil). Il en va de même pour l’existence d’un psoriasis authentifié par un dermatologue chez le lombalgique (ou chez ses parents proches), et d’une maladie inflammatoire du colon et de l’intestin (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) authentifiée par un gastro-entérologue.


    La confirmation du diagnostic

    Différents examens sont nécessaires et en premier une prise de sang (VS/CRP) et la radiographie du bassin. S’il existe une atteinte des articulations sacro-iliaques, bilatérale indiscutable, le diagnostic est posé.

    En cas de doute radiographique, l’examen clé est le scanner du bassin et des articulations sacro-iliaques qui objectivera des lésions plus ou moins importantes des sacro-iliaques.

    Si la radiographie est normale, il faudra plutôt demander une IRM des sacro-iliaques mais son interprétation est plus difficile en cas de grossesse récente, d’âge supérieur à 40 ans ou de différents troubles associés : il faudra alors exiger une atteinte inflammatoire supérieure à 1 cm pour affirmer le diagnostic.


    A quoi sert de faire un diagnostic précoce ?

    Il est toujours intéressant de faire un diagnostic avéré, afin de pouvoir rassurer les malades bien sûr, mais aussi de proposer le traitement le plus adapté au bon moment. La « trop belle » sensibilité aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens, qui est un critère diagnostique dans certains scores diagnostiques, témoigne de la grande efficacité de ces traitements qui peuvent être utilisés largement, en association à la rééducation et aux antalgiques. Mais dans les formes les plus résistantes aux AINS ou les formes les plus inflammatoires, au plan osseux et biologique (sauf chez les obèses), le traitement pourra faire appel aux biothérapies (anti-TNF bien sûr, mais aussi anti-IL17) dont l’impact est majeur sur la progression des lésions osseuses, uniquement s’ils sont prescrits tôt. De plus, il n’est pas exclu, qu’en prescrivant ces traitements tôt, il soit possible de donner un coup d’arrêt au processus auto-immun de la spondylarthrite, ce qui permet éventuellement de les interrompre ensuite.

    Devant une lombalgie chronique, il convient de se poser la question de son caractère inflammatoire, de rechercher les autres signes associés et de faire les examens nécessaires afin de diagnostiquer tôt une spondylarthrite ankylosante car le pronostic évolutif et fonctionnel peut en dépendre.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF