Onco-Sein
Cancer de l'ovaire à haut risque : résultats de l'étude ICON8B
Le schéma carboplatine–paclitaxel en dose-dense associé au bevacizumab montre un net avantage en survie pour les cancers de l’ovaire à haut risque par rapport au traitement standard. Malgré une tolérance un peu plus exigeante, ces résultats relancent le débat sur son adoption comme nouveau standard thérapeutique.
- ALIOUI Mohammed Elamine/iStock
Le schéma associant carboplatine et paclitaxel toutes les trois semaines constitue le traitement de référence de 1ère ligne du cancer de l’ovaire, qu’il soit administré en situation adjuvante ou en néoadjuvant avant une chirurgie d’intervalle. Chez les patientes présentant une maladie à haut risque, l’ajout du bevacizumab en concomitant puis en maintenance à la chimiothérapie a démontré un bénéfice en survie globale. La question de la modalité d’administration du paclitaxel (toutes les trois semaines versus hebdomadaire) a été soulevée par plusieurs essais. L’étude japonaise JCOG 3016 avait montré un gain de survie globale avec le schéma hebdomadaire (« dose-dense »), mais ces résultats n’ont pas été reproduits dans des essais ultérieurs.
Essai ICON8B
Présenté à l’ESMO 2025 par le Pr Clamp, cet essai de phase III a inclus 707 patientes présentant un cancer de l’ovaire de stade III, avec résidu tumoral > 1 cm après chirurgie première ou nécessitant une chimiothérapie néoadjuvante, ou de stade IV. Trois bras de traitement étaient comparés : le bras standard B1 (n = 292) recevant carboplatine AUC5 + paclitaxel 175 mg/m² + bevacizumab 7,5 mg/kg toutes les trois semaines, le bras B2 (n = 129) recevant carboplatine AUC5 + paclitaxel dose-dense 80 mg/m² hebdomadaire, et le bras B3 (n = 286) associant carboplatine AUC5 + paclitaxel dose-dense 80 mg/m² + bevacizumab 7,5 mg/kg. Le recrutement du bras B2 a été interrompu en 2017, faute de bénéfice en PFS par rapport au bras standard. Les patientes ont reçu 6 cycles de chimiothérapie suivis de 18 cycles de maintenance par bevacizumab. La chirurgie d’intervalle était recommandée entre les 3ᵉ et 4ᵉ cycles, avec suspension du bevacizumab autour de la chirurgie. La majorité des patientes présentaient un carcinome séreux de haut grade (90 %), un stade IIIc/IV (93 %), et recevaient une chimiothérapie néoadjuvante (85 %). Le statut BRCA n’était connu que pour 46 % d’entre elles, avec 5 % de patientes mutées.
Un bénéfice de 10,2 mois en survie globale
Les patientes du bras standard ont plus fréquemment complété les six cycles de chimiothérapie (67 %) que celles traitées selon les schémas à dose-dense (50 % et 52 % pour les bras B2 et B3), en raison principalement d’interruptions liées au paclitaxel. Les résultats intermédiaires publiés en 2023 avaient montré une amélioration de la survie sans progression (PFS) de 5,5 mois en faveur du schéma dose-dense associé au bevacizumab (22,2 mois contre 16,7 mois ; HR 0,75 ; IC95 % 0,62–0,90). Après un suivi médian de 72 mois, les résultats actualisés confirment un bénéfice significatif en survie globale (OS), avec une médiane de 49,8 mois dans le bras dose-dense versus 39,6 mois dans le bras standard (HR 0,79 ; IC95 % 0,65–0,95). Ce gain apparaît principalement chez les patientes opérées après chimiothérapie (47,3 vs 37,1 mois ; HR 0,78), tandis qu’aucune différence notable n’est observée chez celles opérées d’emblée. Le profil de tolérance est conforme aux toxicités attendues : un taux plus élevé d’anémies de grade 2–3 dans le bras dose-dense, sans majoration des neuropathies périphériques, et une légère augmentation des complications cicatricielles ou de déhiscence sous bevacizumab, le plus souvent mineures et sans impact sur la poursuite du traitement de maintenance.
Vers un nouveau standard ?
Ainsi, le schéma carboplatine–paclitaxel dose-dense associé au bevacizumab améliore la survie sans progression et la survie globale des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire à haut risque, avec une tolérance acceptable, suggérant qu’il pourrait être discuté comme un nouveau standard thérapeutique. Toutefois, le paysage thérapeutique de première ligne a évolué avec l’introduction des inhibiteurs de PARP en maintenance, notamment en association avec le bevacizumab chez les patientes HRD positives, rendant plus complexe l’extrapolation de ces résultats à la pratique actuelle. Un programme de recherche translationnelle est en cours afin d’évaluer l’interaction entre la chimiosensibilité tumorale intrinsèque (score KELIM), le statut HRD et l’efficacité du schéma dose-dense, dans le but d’identifier les patientes les plus susceptibles d’en bénéficier.








